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Chapitre 1 Etat de l’art sur l’optimisation des réseaux de chaleur

5. Réduction de la complexité du problème

5.1. Echelle temporelle

Une autre problématique pour une conception optimisée d’un réseau de chaleur est la représentation de la demande annuelle. La prise en compte des courbes journalières de la demande sur une année rend les calculs extrêmement chronophages ; il est donc nécessaire de réduire la charge de calculs en considérant un nombre limité de périodes représentatives. Actuellement, l’agrégation spatiale et / ou temporelle est couramment utilisée lors de la modélisation de systèmes énergétiques variant de la planification des installations aux scénarios nationaux.

En raison du grand nombre de variables et de contraintes liées à la recherche des différentes options technologiques, l'optimisation complète est difficilement réalisable sur une machine standard et la variabilité temporelle au cours de l'année est donc simplifiée [60]. En effet il existe un compromis entre la précision des résultats et l’effort numérique.

Pfenninger [64] a récemment présenté une analyse systématique des différentes techniques pour réduire la résolution temporelle des modèles énergétiques, y compris les tranches de temps et les jours ou semaines de conception représentatifs. L'algorithme résout un problème mixte non linéaire pour identifier l'ensemble le plus représentatif de D jours de design et attribuer à chaque jour de l'année un jour de design spécifique d∈ {1,…, D}, caractérisé par sa propre résolution à pas horaire.

En effet, la conception du système basée sur des profils types ne pourrait pas satisfaire la demande à chaque pas horaire, car les valeurs maximales ne sont pas maintenues. Mais pour la conception d’un réseau, ce degré de détails est satisfaisant pour le dimensionnement des équipements.

En outre, la discontinuité entre différents jours représentatifs ne permet pas l’étude du stockage saisonnier, mais une opération journalière. Il y a un décalage entre l’énergie stockée en fin journée et au début de la journée suivante.

Pfenninger [64] propose alors la représentation d’une année par des jours types, avec un pas horaire pour chaque jour. Ainsi, il est possible d'optimiser le niveau d'énergie stockée heure par heure tout en décrivant encore la variabilité de l’année en fonction des jours types. Salame [36] introduit la notion des micro et macro-périodes afin de décrire cette même fonctionnalité pour le stockage. Ces deux approches sont en adéquation avec l’intégration du stockage recherchée pour cette thèse.

5.2. Décomposition du problème global

Les problèmes de synthèse des systèmes énergétiques consistent, dans la plupart des fois, en deux sous-problèmes : un lié à la décision d'investissement (type et taille des composants) et dont les binaires sont indépendants de la période investiguée (les mêmes pour toutes les périodes), et un lié à l’opération, et dont les variables sont définies en fonction de la demande réelle à chaque période [65].

À mesure que les techniques de programmation mathématique et les capacités des machines évoluent, le spectre des applications potentielles élargit également. En revanche, de nombreux problèmes conduisent à des formulations qui dépassent les limites de calcul. Selon [66] deux approches sont disponibles pour faire surmonter les verrous numériques :

 Le partitionnement du problème global en sous-problèmes qui peuvent être résolus indépendamment. Les sous-problèmes sont liés avec un système intégré hiérarchique. La méthode est efficace quand l’interaction entre les acteurs, et donc les variables de décision, ont un impact bien délimité sur le problème global.

 La résolution du problème global selon une stratégie dépendante de la structure du problème. Appliquée quand les variables de décision sont difficilement séparables.

Dans la Figure 17 est représentée la matrice des contraintes d’un problème d’optimisation. Les colonnes représentent les variables et les lignes les contraintes. Si une variable i est utilisée dans une contrainte j alors l’emplacement ij est illustré en gris. Après un rangement des lignes et colonnes (parfois pas évident) il est possible d’identifier certaines configurations avec des contraintes couplées et des contraintes indépendantes [67].

Figure 17 Différentes configurations des matrices des contraintes [66]

La structure a est une structure où les variables des sous-systèmes sont indépendantes. Pour la structure b les variables des sous-systèmes apparaissent ensemble, partageant des ressources communes représentées par des contraintes de «couplage» (première ligne). Un exemple d’une telle contrainte pourrait être une contrainte budgétaire spécifiant que la somme des dépenses de tous les sous-systèmes ne peut pas dépasser les ressources disponibles. La structure c introduit des variables de «couplage». Dans ce cas, les sous-systèmes interagissent seulement en s'engageant dans des activités communes. Par exemple, un certain nombre de filiales d'une entreprise pourraient s'unir dans des activités de réduction de la pollution utilisant certaines ressources de chacune des filiales.

La structure d inclut des couplages des variables et des couplages des contraintes. Afin de résoudre ce type de problème, une décomposition est nécessaire, où certaines variables ou contraintes complexes sont supprimées pour réduire le problème global à un problème avec des sous-problèmes indépendants. Le problème du stockage, est un tel problème de couplage temporel. Si l’on considère la variable représentant l’énergie stockée à chaque instant t, la contrainte de couplage est la contrainte qui lie l’état du stock entre deux périodes avec la chaleur reçue ou injectée. En plus, le volume total du stockage est une variable qui apparait dans toutes les contraintes, mais doit avoir une valeur unique.

Dans le cas des systèmes avec des grands sous-systèmes (structure e), il est nécessaire de développer des approches spécifiques qui prendront en compte la structure et les caractéristiques particulières de ces problèmes.

Cette séparation en sous-problèmes plus petits et indépendants a plusieurs implications. Elle permet une réduction du temps de calcul, car, le temps de calcul augmente avec le nombre des contraintes du problème. Considérer k sous-problèmes diminuerai le temps de calcul 1/k² fois par rapport à la résolution du problème global. En plus, il serait possible de résoudre chaque sous-problème indépendamment et donc simultanément. Ainsi, en considérant les variables à chaque instant t comme des sous-problèmes, résoudre un problème multi-période de N périodes, est beaucoup plus lent que de résoudre N fois le même problème en considérant une seule période à chaque fois. Cette observation permet de résoudre des problèmes complexes quand il n’existe pas des contraintes de couplage entre les différentes périodes.

En outre, plusieurs problèmes à grande échelle deviennent donc plus faciles à résoudre lorsque certaines de leurs contraintes sont supprimées. La méthode de décomposition est une façon d'aborder ces problèmes. Le problème est essentiellement divisé en deux parties, l’une avec les contraintes «faciles» et l’autre avec les contraintes «plus complexes». Les solutions provenant de la résolution de la 2ème partie du problème sont utilisées pour la résolution de la 1ère partie.

Au paragraphe suivant, certaines approches pour la décomposition des problèmes d’optimisation sont présentées.

5.2.1. Approches méthodologiques de décomposition du problème en

plusieurs étapes

Yokoyama et al. [26], [68], [69] proposent une méthode de décomposition pour le problème MILP afin de réduire l’effort de calcul lié à la résolution du problème initial. La formulation permet de minimiser le nombre des variables entières en considérant une discrétisation au niveau des capacités des machines réelles. Une relation hiérarchique entre les variables de design, la demande énergétique et les variables d’opération du réseau est aussi étudiée.

Pan et al, [70] proposent une méthodologie en quatre étapes, qui permet le couplage entre le système thermique et le système électrique. Ils raisonnent sur un flux quasi constant, en

considérant les effets hydrauliques et thermiques en déphasage. Une approche de décomposition intéressante, mais appliquée pour de la simulation.

Sameti et al. [71] proposent une approche en deux étapes pour l’optimisation du système énergétique à l’échelle d’un quartier. La formulation mathématique contient des variables binaires pour le design (MIP) et est multi-objectif (coût et émissions CO2 sont pris en compte). La méthodologie proposée est très proche, au niveau de la problématique traitée, de celle développée pour la thèse. La configuration du réseau, et donc la possibilité de la connexion ou pas de chaque bâtiment sur le réseau selon des critères économiques est évoquée. Néanmoins, seulement des réseaux bi-tubes peuvent être traités et des moyens de stockage ne sont pas intégrés.

Jagannath et al. [72] proposent une nouvelle stratégie séquentielle pour la résolution du problème d’allocation des ressources des réseaux d’eau. Des problèmes MINLP et RMINLP (MINLP relaxé) sont résolus de façon séquentielle, et la solution optimale obtenue est comparée et validée par des cas tests de taille moyenne dans la littérature.

Zhou et al. [73] et Yang et al. [74] se sont concentrés sur une approche en deux étapes pour la résolution du problème énergétique, en considérant les incertitudes. La solution sous une formulation MILP est comparée à celle obtenue via l’algorithme génétique. Les niveaux de températures ne sont pas considérés.

Elsido et al. [75] s’intéresse à la décomposition d’un problème MINLP. Le raisonnement se fait en puissance.

Bahl et al. [76] se concentrent sur l’agrégation des séries temporelles quant à la considération des problèmes énergétiques. Une approche en deux étapes est illustrée.

Il est en outre possible de reformuler les équations afin de faciliter la résolution du problème global. Par exemple, il existe de nombreuses stratégies pour rendre convexe un problème d'optimisation non convexe [77] , [78] et [79] . Une méthode pour rendre convexe qui pourrait être utilisée pour les termes bilinéaires dans un modèle MINLP est la méthode de l'enveloppe convexe pour les termes bilinéaires développée par McCormick [80]. Ces méthodes demandent une bonne maitrise des théorèmes mathématiques associés et peuvent être appliquées une fois le modèle mathématique défini. Appliquer ces méthodes n’est pas dans le périmètre du travail réalisé, mais il serait intéressant de les investiguer dans la suite de ces travaux.

5.3. Synthèse

Dans les approches précédentes, différentes simplifications doivent être faites pour faire face à la complexité de résolution du problème d'optimisation. Une première simplification consiste en la négligence des systèmes de stockage, afin de réduire les contraintes liées au couplage temporel. Une autre approche est de réduire l’échelle temporelle considérée, en

utilisant des périodes représentatives. En outre, la complexité numérique augmente de façon exponentielle avec la taille du quartier considéré ; il est donc recherché de limiter le nombre de nœuds du réseau de chaleur, en regroupant plusieurs bâtiments sur un nœud (par bâtiment type par exemple).

Une distinction entre les variables de décision liées ou non liées à des variables binaires peut ainsi être effectuée. Les variables binaires sont déterminées en se référant aux les jours types, tandis que les variables continues sont déterminées en considérant un pas horaire pour la résolution du problème. Selon [60] ceci permet en effet de considérer un horizon de l'année avec une résolution horaire tout en réduisant considérablement la complexité de calcul de l'optimisation problème.

Dans le développement de la méthodologie de ce travail de thèse, une méthode de décomposition va être recherchée, afin de pouvoir traiter des problèmes complexes. Les binaires, représentant les contraintes « complexes » peuvent être définis dans un premier temps ; et leurs valeurs injectées ensuite au problème global, dans un deuxième temps. Cette stratégie de décomposition suit la logique impliquant que la conception vient en premier et l'opération suit. Elle établit un ordre hiérarchique entre la définition de la configuration du réseau et la détermination de l’opération des moyens de production, qui est tout à fait utile pour une analyse complète d'un nouveau système énergétique de quartier.