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Mais en réalité, le rôle essentiel assigné à l’école pendant la colonisation était d’asseoir non seulement la domination culturelle française par l’adoption d’une nouvelle

TITRE I : GENESE DE LA CONCEPTION ET DE LA PROTECTION DU PATRIMOINE CULTUREL AU CONGO

81. Mais en réalité, le rôle essentiel assigné à l’école pendant la colonisation était d’asseoir non seulement la domination culturelle française par l’adoption d’une nouvelle

civilisation par les peuples colonisés mais aussi la domination politique et économique de la France. A cet effet, le Gouverneur général Carde80 précise que « c’est surtout l’école qui assume la lourde tâche et la responsabilité de faire cette éducation. Elle doit se garder tout d'abord de heurter de front les croyances et coutumes de l’indigène. Elle essaie de l’apprivoiser en lui témoignant de l’intérêt et de l’affection…Elle s’efforce d’établir un courant de sympathie qui l’amène insensiblement à écouter nos conseils ; à suivre notre exemple81 ». D’autres germes, véhiculés par l’école mais aussi par le projet de société importé

77 Côme Kinata, « Les administrateurs et les missionnaires face aux coutumes au Congo français », Cahiers d’études africaines [En ligne], 175, 2004, mis en ligne le 30 septembre 2007. Url : http://etudesafricaines.revues.org/4744, consulté le consulté le 04 août 2014

78 Soraya Mouloudji-Garroudji, Déculturation, acculturation : Quel devenir e pour l’Afrique ?, in Africa Review of Books/Revue Africaine des Livres, Volume 7 N°1‐ Mars 2011, p4

79 Joseph Ki Zerbo, cité par Jean de Dieu Somda, in « Le rôle positif de la colonisation »,Communication présentée le 23 mars 2006, URL : http://ad3a.com/dossiers/dossiers.php?val=11_le+role+%22positif%22+coloni sation+francaise, consulté le 25 août 2014

80 Jules Gaston Henri Carde, 1874-1949, est un administrateur colonial français, gouverneur général de l'AOF et de l'Algérie,

81 Circulaire du 1er mai 1924, JOAOF, 1924

45 par la colonisation, ont également été semés. L’introduction de l’écriture par l’École et tous les actes de gouvernement ouvrait le passage de la culture orale à la culture écrite82.

82. Ainsi, le rôle de l’école dans l’instauration de la conception française du patrimoine culturel au Congo a été particulièrement déterminant. L’école est ainsi considérée comme le vecteur de cette entreprise.

B - Le rôle de l’Eglise dans l’instauration de la conception française du patrimoine

83. Outre les administrateurs coloniaux, les missionnaires ont joué un rôle déterminant dans le changement de la conception du patrimoine culturel au Congo. En effet, l’implantation des missionnaires marque l’essor de la scolarisation au Congo. Ainsi, on pouvait aisément constater l’augmentation du nombre d’écoles et des scolarisés à l’arrivée des missionnaires.

Les écoles missionnaires vont donc contribuer à l’instauration de la conception française du patrimoine. Elles véhiculent les valeurs françaises sous le contrôle de l’Etat. Si au début de la colonisation l’éducation et la scolarisation étaient l’œuvre des administrateurs coloniaux, ces derniers ont été rapidement secondés par les missionnaires. Par la suite, la métropole a procédé à la séparation entre l’Eglise et l’Etat par le biais de la loi de du 9 décembre 1905.

La séparation de ces deux entités s’est également appliquée au domaine éducatif. Le système qui se met en place dans les colonies d’Afrique est dual. Les écoles gérées par l’Etat cohabitent avec des écoles missionnaires précoloniales encadrées par l’Etat83. Les missionnaires cherchent à propager la religion catholique par le biais de l’école. Même lorsque les enseignements sont dispensés par des catéchismes locaux et en langue locale, le but reste le même : apporter la civilisation (culturelle) dans les colonies. Il s’agit, pour les missionnaires, d’éduquer et de scolariser les quelques privilégiés, les fils de chefs, et de les assimiler par l’enseignement de la langue et la culture françaises afin d’assurer la pérennité et le rendement de l’œuvre coloniale84. En d’autres termes, il s’agit d’encadrer le colonisé dans le contexte culturel et éducatif de la métropole.

82 Jean-Yves Martin, Les écoles spontanées en Afrique subsaharienne, Op, Cit. p23

83Débora Lesel, Le système éducatif Africain : un héritage colonial ?, in Le teranga web, Url : http://terangaweb.com, consulté le 10 janvier 2014.

84Géraldine André, La question culturelle et l’institution scolaire burkinabè. Approche historique et socio-anthropologique. Thèse des sciences politiques et sociales, Université Catholique de Louvain, janvier 2006, p11

46 84. On a assisté à une véritable collaboration entre les administrateurs coloniaux et les missionnaires notamment en ce qui concerne l’implantation des écoles et l’éducation des peuples colonisés. Pour s’y implanter, les missions catholiques ont bénéficié de nombreuses faveurs de la part des administrateurs coloniaux pour les seconder dans la scolarisation à travers l’évangélisation. Avec la scolarisation, le peuple colonisé passe de l’oralité à l’écriture. Il se détourne de l’éducation traditionnelle basée sur l’oralité pour adopter la civilisation et l’éducation françaises. La généralisation de l’école par les missionnaires devait préparer les jeunes autochtones à l’assimilation culturelle ; l’école se fait en français et par cette langue, les peuples colonisés sont détournés de leur civilisation traditionnelle.

85. L’évangélisation et la scolarisation par les missionnaires ont entrainé l’abandon des langues locales et des religions traditionnelles au Congo. C’est ainsi que, parlant de l'attitude des missions occidentales vis-à-vis des cultures locales, Lamine Sanneh rapporte que « la littérature ethnographique qui fait foi présente presque dans son ensemble l'Africain comme étant la victime de la rencontre avec les missionnaires, ce qui conduit par ricochet à l'hypothèse que les autochtones auraient ainsi perdu leur identité ou leur culture à la suite de cette rencontre. Que l'intervention de la mission ait influencé ou marqué la culture et la tradition locales reste indéniable85 ». Ainsi, la civilisation française imposée dans les colonies est véhiculée par l’évangélisation. On estime, à cet effet, que les peuples colonisés ont besoin de la religion pour devenir des hommes civilisés.

86. La civilisation culturelle instaurée par la métropole passe aussi par l’évangélisation. C’est dans cette perspective que, Côme Kinata estime que: « l’évangélisation et la colonisation se sont confondues dans leurs actions et méthodes pour civiliser ou christianiser les Noirs. Souvent, c’étaient les administrateurs conquérants qui déblayaient le terrain pour les missionnaires. Mais, les deux ont travaillé dans un projet de construction d’une société analogue aux sociétés occidentales, notamment française, considérée par les Spiritains comme un modèle de société chrétienne86 ». Le rôle des missionnaires s’est s’identifié à la production de la culture française dans la société traditionnelle congolaise. Ces missionnaires sont des acteurs de l’évangélisation à travers l’école qui a été le canal de transmission de la culture française. En évangélisant à l’école, les missionnaires enseignent la

85 Lamine Sanneh ,Translating the mesage. The missionary impact on culture, Orbis Books, New York 1995, p72

86 Côme Kinata, Op, Cit. p23

47 culture et civilisation à l’endroit des peuples autochtones à telle enseigne qu’il allait de soi de porter indissociablement les verbes que traduisent leurs deux termes de mission civilisatrice.

Ainsi, évangéliser signifiait pour eux civiliser en même temps87.

87. Par ailleurs, pour mieux transmettre la culture française, les missionnaires faisaient de leurs élèves des chrétiens exemplaires. L’écriture devient alors un instrument de civilisation et d’instauration de la conception du patrimoine dans l’ensemble des colonies française. Cette entreprise a été un succès car, désormais, savoir écrire, lire et parler la langue française devient un prestige incontestable, qui rapproche du colonisateur et de sa civilisation. Avec l’école, la métropole a transféré sa culture aux colonisés. Ainsi, on a assisté à la naissance d’une nouvelle classe sociale : celle des moniteurs ou catéchistes indigènes, véritables pièces maîtresses dans le processus d'évangélisation de populations africaines.

Avec l’école et l’évangélisation, apparaît une classe moyenne intermédiaire entre le colonisateur et le colonisé : « les évolués ». Toutefois, l'administration coloniale veillera à en limiter le nombre, de peur d'être débordée88. Au Congo, les missionnaires ont criminalisé les coutumes pour les rayer du mode de vie. Par l’évangélisation il fallait enseigner, apprendre à lire et à écrire aux colonisés.

En somme, l’évangélisation a largement contribué à la perte des références culturelles congolaises. Cette perte explique la consécration des valeurs culturelles françaises au Congo.

II – La consécration des valeurs culturelles françaises au Congo

88. Au Congo, la colonisation a permis l’adoption des valeurs culturelles et