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Le mariage quant à lui se caractérise par le rituel du versement de la dot. « La dot est une vieille tradition africaine et qui est toujours pratiquée comme c'était le cas il y a des

TITRE I : GENESE DE LA CONCEPTION ET DE LA PROTECTION DU PATRIMOINE CULTUREL AU CONGO

99. Le mariage quant à lui se caractérise par le rituel du versement de la dot. « La dot est une vieille tradition africaine et qui est toujours pratiquée comme c'était le cas il y a des

siècles. Plus qu'un préalable, elle est d'une importance capitale et incontestée à telle enseigne que la famille du marié et de la mariée engagés dans cette voie serait scandalisée à l'idée de ne pas adhérer à cette coutume. Pour le non initié, la dot est un procédé de négociation complexe et très formel entre les deux familles pour parvenir à une entente mutuelle sur le prix que le fiancé aura à verser pour pouvoir épouser la fiancée. Cela peut se voir comme un achat vente, mais cette coutume n'a rien de commerciale. Ce qui rend la dot si importante pour le mariage en Afrique est qu'elle est synonyme d'union de deux familles. Le respect

101 La situation de la communication pour le développement au Burkina Faso - Tome 1, Archives de document de

la FAO, Produit par le Département du développement durable ; Url :http://www.fao.org/docrep/004/y0642f/y06 42f11.htm#TopOfPage, consulté le 7 mars 2013

102 Peuple bantou d'Afrique centrale établi au sud du Gabon et en République du Congo principalement dans la région du Niari)

103Carine PLANCKE, « Rites, chants et danses de jumeauxchez les Punu du Congo-Brazzaville », in Journal des africanistes [En ligne], 79-1 | 2009, mis en ligne le 01 décembre 2012, consulté le 07 août 2014. URL : http://africanistes.revues.org/2816, consulté le 7 mars 2013

53 mutuel et la dignité sont présents tout le long du procédé, et l'amour entre l'homme et la femme est élargi pour y inclure la famille proche et large104 ».

100. A leur arrivée, l’administrateur et le missionnaire français ont supprimé ces pratiques traditionnelles jugées archaïques alors qu'elles sont constitutives de valeurs culturelles congolaises spécifiques. Dans le même sens, il est important de rappeler que l’administration française a radicalement transformé ces pratiques culturelles. En effet, c’est l’organisation territoriale coloniale qui a été à l’origine de la création des nombreuses villes, devenues plus tard capitales des Etats nouvellement indépendants. Dans chacune de ces villes, la marque du colonisateur s’exprime tant dans l’urbanisme que dans l’architecture monumentale105. Avec la pénétration française (fin des années 1880), l’habitat traditionnel est progressivement remplacé par un habitat moderne et une architecture occidentale essentiellement française.

L’habitat traditionnel qui illustre et véhicule un passé, une histoire, une culture et un mode de vie typiquement congolais est fait de planches en bois, de paille, de chaume et de boue. On le trouve dans la plupart des communautés locales. Il est marqué par l’utilisation des matériaux traditionnels qui caractérisant un habitat rural par la suite abandonné, du fait de la civilisation.

101. L’instauration de la conception française dans les colonies amène à considérer comme patrimoine des nouveaux objets comme les églises, des monuments et sites historiques. C’est finalement après son indépendance que le Congo a véritablement consacré la conception française du patrimoine à travers l’évolution du patrimoine traditionnel vers le patrimoine moderne. Cette évolution se justifie d’autant plus que dans les anciennes colonies, commence à naître un nouveau patrimoine : le patrimoine colonial composé d’églises, de logements et bâtiments administratifs et de sites culturels devenus historiques du fait du passé colonial. Bernard Toulier estime que : « Brazzaville, capitale coloniale, construite au point de rupture de charge du commerce indigène, à 500 km de l’Atlantique, cumule les fonctions commerciale, administrative, militaire, religieuse et résidentielle selon un schéma longtemps anarchique. Ce Patrimoine porteur d’images positives pour les peuples anciennement colonisés, ne prend naissance que quelques années après l’indépendance… En 1940,

104 Florence Bayala, La dot, un élément déterminant dans le mariage traditionnel en Afrique, in Afrique Femme, Juin 2014. Url : http://www.afriquefemme.com/tout-savoir/98-mariage/tout-savoir/1282-la-dot-un-element-determinant-dans-le-mariage-traditionnel-en-afrique, consulté le 7 mars 2013

105 Jean-Yves Marin, Pour une politique de la conservation et de la réhabilitation du patrimoine bâti, Conservation et de la réhabilitation du patrimoine bâti, Actes de table ronde, Novembre 2003, p7

54 Brazzaville devient capitale de la France libre et siège de la Conférence Africaine Française en 1944. Elle prend alors une dimension internationale, décisive pour son développement urbain L’architecture coloniale présente alors une image positive, mémoire urbaine qui rappelle la colonisation. D’importants crédits sont apportés par la métropole de 1947 à 1953, qui permettent de mettre en place l’infrastructure et les grands équipements nécessaires à la naissance du jeune Etat indépendant du Congo en 1959. Durant les années trente, de nombreux édifices publics vont moderniser la ville demeurée jusqu’ici composée de petits hameaux agglomérés côtoyant des villages indigènes organisés, selon les plans de l’administration, en lotissements quadrillés106 ». Brazzaville illustre assez bien le passage du patrimoine traditionnel au patrimoine moderne. Il s’agit d’une ville de création exogène sur le site de plusieurs villages du Pool. Fondée officiellement par De Brazza en 1880, mais alors il n’y a que quelques baraquements, elle fut vite capitale du Moyen Congo puis de l’AEF avant de devenir la capitale du Congo indépendant. A ce titre, elle a bénéficié de l’implantation d’édifices remarquables qui ont été des jalons de la modernité citadine, certains témoignant de réelles innovations architecturales ayant été remarquablement préservés – plus par défaut d’aménagements que par volonté délibérée- jusqu’aux années 1990107. Ainsi, Brazzaville, la capitale ayant accumulé une quantité exceptionnelle d'édifices historiques d'une qualité architecturale, œuvre de la colonisation, a cumulé les bases du futur patrimoine.

On peut citer notamment :

- La Basilique Saint Anne qui est l'un des monuments historiques le plus remarquable de Brazzaville (capitale de la République du Congo) représente un grand intérêt architectural. En 1943 sort de terre un édifice extrêmement novateur dû au talent de l’architecte protestant Roger Lelièvre, dit Erell (1907-1986). Roger Erell réalise là une étonnante fusion des apports techniques européens et des apports culturels locaux. En effet, dans l’esprit des concepteurs, Brazzaville capitale officielle de la France libre, a besoin de symboles forts et visibles. C’est dans ce sens que Roger Erell conçoit un édifice de vastes proportions (85 m de longueur, transept de 45 m de largeur, 22 m de hauteur sous voûte, flèche de 83 m) utilisant un arc en ogive très aigüe inspiré par les fers de lance du nord du Congo, les cases obus en terre du Tchad et les tunnels de

106 Bernard Toulier, Congo-Brazzaville, Les horizons de l'Inventaire, In Situ 3, Juillet 2006, p5

107 Le patrimoine à Brazzaville, Eléments de réflexion in Patrimoine du Congo Brazzaville, in Le patrimoine du Congo, Url : http://www.patrimoine-congo-brazzaville.com/presentation/le-patrimoine-a-brazzaville/, consulté le 10 mars 2013

55 bambous géants du Mayombe108. Monument historique le plus emblématique du Congo de par sa charge historique et religieuse, la basilique Sainte-Anne du Congo est aussi l’un des plus grands monuments religieux d’Afrique Centrale. Elle illustre la volonté de trois hommes d’opinions différentes, le prêtre catholique Charles Lecomte (1912-1985), le libre penseur, Félix Eboué (1884-1944) et l’architecte protestant Roger Lelièvre, dit Erell109 (1907-1986).

- Le Stade Félix-Éboué : Jouxtant la basilique Sainte-Anne, le stade Éboué est un lieu incontournable du tourisme sportif et culturel de Brazzaville. Les habitants de cette ville se souviennent encore des joutes sportives héroïques et angoissantes qui eurent lieu dans cette arène qui connut des personnages aussi célèbres. Inauguré en 1944 par Charles de Gaulle, il présente une superbe tribune monumentale de 9 arcades géantes en briques remplies d'un treillis de ciment reproduisant des formes géométriques issues du cercle et du carré; le sculpteur B. Konongo réalisa les gargouilles en pierre ornant les douves. En 1957, on posa devant la statue de Félix Éboué par le sculpteur Jonchère, grand prix de Rome. Ce site tient son nom du gouverneur général de l'AEF, Adolphe-Sylvestre-Félix Éboué, né à Cayenne le 26 décembre 1889. Il est le premier homme de couleur à accéder à la fonction de gouverneur à l'époque coloniale. C’est dans ce stade que, 24 août 1958, le général de Gaulle engage à Brazzaville la décolonisation de l'Afrique Noire en proposant la création de la "Communauté110".

- La case De Gaulle. Construite par Erell pour le chef de la France libre, elle est aujourd’hui la résidence de l’ambassadeur de France. L’intérêt particulier de ce lieu, c’est la place Savorgnan de Brazza en face de la case de Gaulle. Le site dispose d’un phare de Brazza, un monument commémoratif dans un style soviétique dédié au fondateur de la ville, par ailleurs jamais achevé. Conçue en 1942 par Roger Erell et s'inspirant des principes qui avaient présidé à la construction du palais de Chaillot à Paris, c'est un remarquable édifice en grès mauve tiré du lit du fleuve Congo, décoré par des artistes céramistes de l'école de Poto-Poto et ébénistes locaux. Ces édifices sont parmi les plus illustratifs en ce qu’ils seront, plus tard, considéré comme des exemples parfaits de l’évolution d’une conception traditionnelle vers une conception

108 Robert Edmond Ziavoula, Brazzaville, une ville à reconstruire, KARTHALA Editions, 2006, p27

109 Voir annexe 4

110 Voir annexe 5

56 moderne du patrimoine bâti111. On peut dès lors constater que le patrimoine culturel congolais est un patrimoine relativement jeune. Il ne date que de la colonisation et c’est plus tard, après l’indépendance du pays en 1960, que ces édifices vont être considérés comme patrimoine. L’indépendance est donc le témoin du passage d’un patrimoine traditionnel au patrimoine moderne.

Par ailleurs, la conception française a donné le caractère patrimonial à certains sites culturels et naturels considérés au lendemain de l’indépendance comme des lieux sacrés ou des lieux de mémoire. On peut citer :

- L’ancien port d’embarquement des esclaves Loango qui rayonne par sa charge historique. Véritable lieu de mémoire, ce site est l’un des plus importants du golfe de Guinée par lequel des millions d’esclaves ont été embarqués dans des bateaux et transportés directement pour les Amériques sans escales intermédiaires. Les Européens y ont, dès la fin du XVe siècle, entretenu des comptoirs, dépôts, dortoirs des esclaves venus par caravanes. En effet, l'arrivée des navires européens modifie profondément la société. Elle tourne l'économie vers l'exportation, en particulier la traite négrière qui entraine des déplacements de populations, et enrichit une élite de commerçants Vili112 (peuple du royaume). Loango a été le site d’embarquement des esclaves et de débarquement des marchandises de peu de valeur qualifiées de pacotille (tissus, sels, liqueurs, fusils etc.) en échange des esclaves. Le site possède toujours tous les témoins du commerce triangulaire à savoir : le grand marché, les trois manguiers, l'arbre pour le rituel de l'oubli et celui pour le retour ainsi que le débarcadère en témoignent. De nos jours, ce site, de par sa charge historique, est également le lieu où se pratiquent encore plusieurs rites d'intronisation et de funérailles de rois du royaume de Loango. Ainsi, l'ancien port d'embarquement, devenu un véritable sanctuaire, est un maillon clé pour la compréhension de l'histoire de l'esclavage. Il possède encore des vestiges qui traduisent le passage de ces millions d'esclaves parmi lesquels :

111 Voir annexe 6

112 Phyllis Martin, The external trade of the Loango Coast, 1576-1870: the effects of changing commercial relations on the Vili Kingdom of Loango, Clarendon Press, Oxford, 1972, p33

57 la stèle qui symbolise le lieu de départ des caravanes et le grand marché de toutes les transactions. Elle a été édifiée en mémoire de la traite négrière. De nos jours cette stèle est devenue un sanctuaire devant lequel les populations locales viennent prier et se recueillir pour se remémorer les disparus, emportés par le commerce triangulaire.

Le cimetière de Loango, où étaient enterrés les rois et leurs dignitaires. Des nombreuses personnalités aussi bien congolaises qu'expatriées y reposent pour leur dernier sommeil. Aujourd'hui, les tombes de Félix Tchikaya, premier député noir à l'Assemblée Nationale Française, et de son fils Tchikaya U'tamsi l'un des plus grands écrivains congolais s'y trouvent.

Les trois manguiers qui servaient de comptoirs avant le rituel autour de l'arbre de l'oubli. Les esclaves enchaînés faisaient sept (7) tours de l'arbre de l'oubli pour les femmes ou les jeunes filles, neuf (9) tours pour les hommes. Et l'arbre de retour qui symbolisait un éventuel retour de l'esprit du défunt au pays une fois mort113.

Le débarcadère qui était une vasière est représenté par une portion de terre. En effet, la baie de Loango, peu profonde, ne permettait pas aux bateaux d'accoster. Ils attendaient à 30 Km de la rive. La liaison entre les bateaux et la rive était assurée par des pirogues.

L’importance culturelle de ce site est également perceptible à travers les complaintes toujours fredonnées par les habitants restés sur le lieu du sinistre, rappelant la nostalgie des parents qui attendent les êtres chers arrachés à leur affection et qu’ils ne reverront plus jamais.

(Voir annexe – figure 4)

- Le domaine royal de M’bé quant à lui est situé à 200 kilomètres environ au nord de Brazzaville, dans le département du Pool. Il fait partie d’un royaume dont le peuple (Téké) s’est établi au XVe sur la rive droite du fleuve Congo. Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, le royaume Téké est impliqué dans le commerce triangulaire entre Afrique, Europe et colonies européennes d'Amérique et la traite d'esclaves. Mais sa structure sociale et politique s'en trouve bouleversée. Les marchands enrichis par la traite occupent une place prédominante tandis que le Makoko voit son pouvoir diminué114.

113 Voir annexe 7

114Hubert Deschamps, « Téké », in Traditions orales et archives au Gabon. Contribution à l'ethno-histoire, Berger-Levrault, Paris, 1962, p62.

58 De nos jours, le domaine royal de M’bé est composé d’un ensemble de sites liés à la culture et à l’histoire du peuple Téké dont la Cité de Mbé est la capitale du royaume et la résidence du Makoko (roi). Elle a connu des déplacements incessants tout au long de l’histoire. En effet, la tradition culturelle Téké exigeait le déplacement de la capitale du royaume « Mbé » chaque fois qu’un roi venait à mourir. Ce domaine royal est ainsi ponctué d’anciens sites ayant abrité la capitale du royaume qui, par la suite, sont devenus des forêts sacrées. Il est associé à des croyances et des traditions vivantes qui ont permis à cette entité de résister aux continuelles mutations du monde moderne. On y pratique encore les rites liés à la désignation, à l’investiture et aux funérailles des Makoko, les épopées qui racontent la gloire, la grandeur et la généalogie des différentes familles Téké, y compris celle des Makoko. L’une des caractéristiques du domaine royal réside dans le fait que le royaume est très présent dans l’immatériel; on y trouve une forte présence des traditions et expressions orales, des arts du spectacle (danses, transes...), des pratiques sociales, rituelles et événement festifs, des connaissances et pratiques concernant la nature et l'univers, du savoir et du savoir- faire liés à l'artisanat et à la médecine traditionnelle115.

102. Cette conception du patrimoine culturel est une émanation de la métropole française.

En réalité, c’est l’adoption de la conception et des valeurs culturelles françaises qui ont donné un caractère patrimonial aux sites culturels congolais. Certes, il s’agit des lieux de mémoire, rappelant l’histoire culturelle et traditionnelle du pays, mais avec l’adoption de la conception française, ces sites, parmi les plus importants au Congo, ont pris une valeur patrimoniale. Un patrimoine qui, désormais est protégé par des lois de la métropole (avant l’indépendance) et congolaises (après l’indépendance).

103. Dans cette optique, cinq ans après l’indépendance du Congo, un premier texte relatif à la protection du patrimoine a vu le jour : la loi 32/65 du 12 août 1965 donnant à l'Etat la possibilité de créer des organismes tendant au développement de la culture et des arts. Cette loi a consacré le changement de la considération congolaise pour ce qui est du rapport au patrimoine. C’est en cela que l’évolution de la conception et de la protection du patrimoine a pris un tout autre sens: elle intègre, désormais, la mémoire du passé, les objets et sites culturels ayant un intérêt du point vue historique, scientifique, esthétique… Ainsi, après des

115Mouayini Opou (E), Le royaume Téké, L’Harmattan, 2005, p151

59 décennies consacrées à la conservation matérielle du patrimoine, à partir de valeurs intrinsèques essentiellement historiques et esthétiques émanant des instances officielles, il est reconnu que le patrimoine est une construction sociale spécifique à un lieu et à un temps donné, qui émane d’une sélection sociale fondée sur les valeurs qui traduisent la capacité de l’objet à témoigner des différentes cultures et savoir-faire qui définissent l’identité des habitants d’un espace116.

103. Cependant, il est important de rappeler que l’influence la doctrine française a eu pour principalement conséquence le mimétisme juridique et institutionnel après l’indépendance

116 Annexes 8 et 9

60 SECTION II : LE MIMETISME JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL APRES L’INDEPENDANCE

104. L’adoption du mimétisme juridique après l’indépendance est le prolongement de la conception française du patrimoine (paragraphe 1). Ce mimétisme n’est pas resté sans conséquence dans la conception et la protection du patrimoine culturel au Congo (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LE PROLONGEMENT DE LA CONCEPTION FRANÇAISE DU