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LA PRISE DE CONSCIENCE DES ELITES A L’IMPORTANCE DU PATRIMOINE CULTUREL

SECTION I : LA NAISSANCE DU SENTIMENT IDENTITAIRE

PARAGRAPHE 1 LA PRISE DE CONSCIENCE DES ELITES A L’IMPORTANCE DU PATRIMOINE CULTUREL

151. Quelques années après l’indépendance, la nouvelle élite congolaise, sous la pression des communautés locales, s’est engagée dans la recherche de l’autonomie culturelle (I). Une façon de se démarquer de la conception du patrimoine héritée de la colonisation et de reconsidérer son passé, lien historique entre les générations depuis des millénaires ; d’où l’apparition de l'ethnocentrisme culturel (II).

I – La recherche de l’autonomie culturelle

152. La doctrine estime que « la domination culturelle occidentale dont la mission est d'imposer la civilisation hellénistique à la barbarie nègre est une situation réelle et présente dont il faut chercher à résoudre le plutôt possible. Mais cela ne peut se faire que par la remise en question de nos valeurs, de nous-mêmes159 ». Par cette affirmation, Bernard ZRA DELI pose les bases d’un retour aux valeurs culturelles propres à chaque communauté et ethnie. En effet, malgré l’assimilation culturelle, il est du devoir de l'Africain de revenir à ses fondamentaux traditionnels, de prendre conscience pour espérer sauvegarder la mémoire de

159 Bernard Zra Deli, L'impérialisme culturel occidental et devenir de la culture africaine: Défis et perspectives, mémoire de fin de cycle de Philosophie (Licence),Grand Séminaire Saint Augustin de Maroua – 2008, p18

85 son passé culturel. C’est dans ce sens que le Congo a manifesté la volonté de se démarquer de cet héritage colonial (A) pour se tourner vers la recherche d’une nouvelle conception du patrimoine (B).

A – La volonté de démarcation par rapport à la conception française du patrimoine

153. La recherche de l’autonomie culturelle est un mouvement qui a traversé toutes les anciennes colonies françaises de l’Afrique. Elle trouvait sa justification dans la possibilité d’éradiquer cette crise identitaire provoquée par l’assimilation culturelle. En ce sens, il y a eu cette volonté de se démarquer de la conception française pour s’orienter vers une conception propre du patrimoine. Cette volonté a animé la plupart des Etats africains au lendemain des indépendances. Elle illustre la prise de conscience de l’élite congolaise dans la marche vers l’affirmation de la souveraineté culturelle. A cet effet, Marcien TOWA pense qu’ « il est question de conserver l'essentiel de son être c'est-à-dire ses valeurs culturelles positives160 ».

L’assimilation culturelle et l’acculturation ont créé une situation d'ambiguïté et d'ambivalence sur la culture et la nature des peuples colonisés. Ces peuples se sont trouvés entre deux cultures : celle de la métropole française et la leur. Cette situation a été à l’origine d’une ambigüité qui a favorisé la domination de la culture de la métropole. « Pris dans cet assaut d'aliénation, on voit l'Africain dominé « errer, flotter entre la réalité dont il est l'expression et les réalités étrangères auxquelles il voudrait appartenir. Cet effort de superposer au passé authentique, jugé sans valeur, un modèle étranger, jugé prestigieux, donnera lieu à une philosophie de l'histoire elle aussi extraordinaire et complexe, aux antipodes de celle qu'a produite l'Europe161 ». Cette situation a engendré le déracinement culturel ; un phénomène que la recherche de l’autonomie culturelle a tenté d’éradiquer.

154. Le Congo, de par sa richesse et sa diversité culturelle, dispose d’un patrimoine culturel riche et varié. Ce patrimoine diffère d’une contrée à l’autre. De manière générale, le pays dispose des sites majeurs, parmi lesquels figurent le port d’embarquement des esclaves à Loango, la cité royale de Mbé, des sites naturels comme le parc naturel de Conkouati, le parc d’Odzala et Nouabalé-Ndoki.

160 Martien Towa ,Essai sur la problématique philosophique dans l'Afrique actuelle, Yaoundé, Clé, 1981

161 Zea L., Vers l'imprévisible, Amérique latine, immense mosaïque de cultures, in Unesco- Le Courrier, Août septembre, 1977, p.6.

86 En outre, le Congo compte 8 groupes ethniques dont : Echira, Kongo, Kota, Mbochi (Mbosi), Mékée, Oubanguiens, Sangha et Téké. Cette diversité ethnique révèle l’importance des potentialités culturelles du pays. D’autre part, il est à noter que le pays dispose d’un important patrimoine immatériel constitué des savoirs et savoir-faire, des proverbes, des rites, des devinettes, des mythes et légendes… La diversité ethnique et linguistique qui, en partie, explique le dynamisme, le caractère prolifique et la force de sa création patrimoniale depuis toujours162. La conception française du patrimoine ne l’ayant pas pris en compte, ce patrimoine s’est trouvé vidé de son sens et de ses valeurs réelles. De là, faut-il assister passivement à la disparition de ce patrimoine si riche de l’Afrique163 ? La question a été posée lors du séminaire de Ouagadougou sur le patrimoine culturel immobilier en Afrique en octobre 2003. Pour préserver cette richesse culturelle, les historiens, archéologues et professionnels du patrimoine ont recommandé un meilleur cadre juridique à la conservation de ce patrimoine culturel. L’ensemble des 14 directeurs nationaux du patrimoine culturel, présents à ce séminaire avaient souhaité voir le programme Africa 2009164 renforcer ses activités autour des thèmes suivants : cadre juridique et institutionnel ; sensibilisation, promotion, inventaire et documentation, formation et échanges ; renforcement des projets situés enfin recherche sur l’architecture traditionnelle165.

155. La négritude166, a engendré un sentiment d’identité culturelle lié à l'anticolonialisme. Dans ce contexte, les facteurs culturels originels ont ressurgi et contribué à la formation du sentiment identitaire. Dans la foulée des indépendances, la conscience patrimoniale est née dans les pays africains sous une « robe moderne ». La réclame d’une identité nationale a vu le jour, et le patrimoine est perçu, aux premières heures des indépendances, comme un terme évolutif qui sert à identifier un peuple dans son évolution. Il permet d’établir le lien entre le passé et le présent d’une communauté. Au cœur de la nouvelle conscience moderne s’installe une attitude nationaliste ; le patrimoine est considéré comme une attitude mentale, un regard face à un objet, quelle que soit sa nature. Le patrimoine

162 Samuel Kidiba, Op, Cit. p11

163Patrimoine culturel africain : des lois contre l’érosion et le pillage, Rapport du séminaire d’Ouagadougou sur le patrimoine culturel immobilier en Afrique, 13 et 17 octobre 2003.

164 Le programme Africa 2009 vise à améliorer l'état actuel de la conservation du patrimoine culturel immobilier en Afrique sub-saharienne grâce au développement d'une stratégie de formation qui accroîtra la connaissance et la conscience du patrimoine et créera des compétences pour sa sauvegarde.

165 Salam Compaoré, Abou Ouattara, Patrimoine culturel africain : des lois contre l’érosion et le pillage, in Le Faso du 2 novembre 2003, Url : http://www.lefaso.net/spip.php?article123, consulté le 24 juillet 2015

166 Courant littéraire et politique, créé après la Seconde Guerre mondiale, rassemblant des écrivains noirs francophones, dont Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Léon Gontran Damas, Guy Tirolien, Birago Diop et René Depestre notamment.

87 culturel devient une source de revendication identitaire chez les jeunes pays indépendants africains167.

156. D’autre part, le sentiment identitaire étant strictement lié à la dimension sociale et à l’appartenance à des groupes sociaux, il renaît après l’indépendance. Ainsi, la naissance du sentiment identitaire est inhérente à la revendication de la liberté par les peuples autochtones et au retour à leur nature originelle à travers la décolonisation en Afrique noire.

En effet, la Seconde Guerre mondiale a donné aux pays européens l’image des maîtres affaiblis dans la mesure où les peuples colonisés ont pris part à cette guerre aux côtés des anciens colonisateurs. Cet aspect a eu pour principales conséquences la prise de conscience des colonies de leur importance, la perte du prestige des colonisateurs. Les valeurs des vainqueurs se sont avérées contradictoires avec la colonisation (cf. Charte de l'Atlantique).

En outre, il faut souligner que la décolonisation a favorisé l’émergence d’une élite indigène à l'origine des revendications nationalistes et entrainé des transformations démographiques ayant provoqué des déséquilibres dans les sociétés. Elle a aussi engendré un sentiment identitaire caractérisé par la recherche de l’égalité dans une structure complexe, franco-africaine. Certains intellectuels et hommes politiques comme Senghor, Mamadou Dia, Mobutu, Félix Malloum…, ont cherché à établir la « solidarité horizontale » – entre Africains – à la « solidarité verticale »– entre Etats africains et la France168.

157. Le retour aux valeurs africaines apparaît alors comme un moyen d’atteindre ce but. Au cœur de la nouvelle conscience moderne s’installe une attitude nationaliste. Le patrimoine est considéré comme une attitude mentale, un regard face à un objet, quelle que soit sa nature. Pour exister, chaque peuple a besoin de témoigner de sa vie quotidienne, d’exprimer sa capacité créatrice, de conserver les traces de son histoire et le patrimoine culturel est l’instrument de ce va- et-vient entre le passé et l’avenir. Un instrument de construction de l’identité nationale, facteur de cohésion sociale et gage de stabilité.

En réalité, la naissance du sentiment identitaire au Congo a eu pour principal but la recherche d’une conception propre du patrimoine.

167 Samuel Kidiba, Op, Cit. p15

168 Frederick Cooper, « Empire, nation et citoyenneté : la France et l’Afrique », in cmb.ehess 2011,Url : http://cmb.ehess.fr/333, mis en ligne le 20 juin 2011, consulté le 24 juillet 2015.

88 B – La recherche d’une conception propre du patrimoine

158. Avec le retour à une conception propre, le patrimoine prend une autre forme pour les congolais : celle d’une politique de mémoire dominée par la permanence du récit oral, des contes et légendes, des rites et croyances propres aux croyances des colonisés. La jeune élite issue de la colonisation cherche à promouvoir les racines culturelles congolaises et à réécrire son histoire. Cheikh Anta Diop estime que : «l’'essentiel pour un peuple c'est moins de pouvoir se glorifier d'un passé plus ou moins grandiose que de découvrir et de prendre conscience de la continuité de ce passé quel qu'il fût169 ». L’orientation vers une conception du patrimoine propre au Congo trouve son fondement dans le retour vers le passé ; un passé historique qui permet de se reconsidérer après le sentiment d’ambivalence culturelle issu de l’assimilation culturelle. Le continent africain a connu, avant la colonisation, une civilisation culturelle orale caractérisée par :

- la sacralisation par la religion traditionnelle, les mythes et les rites, des forêts, bois, bosquets, arbres et de certaines espèces végétales et animales;

- les interdits d'ordre mystique, totémique, coutumier et juridique;

- le rôle prépondérant de certains acteurs et personnes ressources dans la société comme les chefs de terre, et de village ;

- les savoirs, savoir-faire traditionnels ;

- La littérature orale (contes, récits, mythes, poésie, chansons...).

159. Avec la colonisation, le Congo a vu toutes ses valeurs affaiblies pour adopter une conception culturelle différente de celle qu’il avait jusque-là. L’assimilation culturelle a donc été à l’origine du « sentiment de profonde désorientation qu'éprouvent les personnes et les groupes mis soudainement en contact avec un milieu culturel dont les traits se révèlent inconnus, incompréhensibles, menaçants170 ». Ainsi, les Etats africains ont manifesté le désir de sauvegarder cette mémoire, l'Africain ayant ressenti un devoir urgent de revenir à sa culture et en puiser la source de son être, de conserver l'essentiel de son être c'est-à-dire ses valeurs culturelles positives comme le pense Marcien Towa dans son Essai sur la problématique philosophique dans l'Afrique actuelle171.

La prise de conscience de l’élite africaine apparaît, dès lors, comme un enjeu socio-culturel de l’émergence du devoir de mémoire. Les anciennes sociétés colonisées ressentent

169Préface de l'édition 1964 de Nation nègre et Culture, p63

170Carrier H., Lexique de la culture. Pour l'analyse culturelle et l'inculturation, Paris, Desclée, 1992, p70.

171 Towa M., Essai sur la problématique philosophique dans l'Afrique actuelle, Yaoundé, Clé, 1981.

89 après les années 1960 le désir de célébrer leur passé ancestral, de recourir à un héritage culturel purement local. Elles le manifestent dans les écrits tandis que beaucoup d'œuvres africaines témoignent de l'influence de la littérature traditionnelle africaine. Et ce qui est important à signaler c'est leur enracinement culturel. Elles perpétuent ainsi un héritage culturel172auquel les Africains font référence et qui sera considéré comme une affirmation de soi ou du groupe. Ainsi, mémoire, patrimoine et identité deviennent liés en vertu du passé vécu ; un passé fait de mots, d’usages, de choses et pas seulement de monuments173.

160. Par ailleurs, l’orientation vers une conception du patrimoine propre au Congo met en évidence les spécificités de ce patrimoine. Contrairement à la conception occidentale, plutôt matérielle, la conception africaine transcende de facto les distinctions patrimoine matériel- patrimoine immatériel ; patrimoine culturel-patrimoine naturel174. Ces spécificités résident dans l’expression du savoir traditionnel, spirituel et oral tout en mettant un accent particulier sur les liens très forts unissant culture et nature et sur la nécessité de protéger les sites sacrés175.

161. Finalement, l’orientation vers une conception propre du patrimoine n’est pas seulement une initiative congolaise. Elle est tout d’abord une initiative africaine à travers la Charte de la renaissance culturelle africaine inspirée de la Charte culturelle de l’Afrique adoptée par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), lors de sa treizième Session ordinaire tenue à Port Louis (Ile-Maurice) du 2 au 5 juillet 1976.

Cette charte a posé les bases d’un retour à la conception africaine du patrimoine. Elle a considéré dans son préambule que « que toute communauté humaine est forcément régie par des règles et des principes fondés sur la culture ; et que la culture doit être perçue comme un ensemble de caractéristiques linguistiques, spirituelles, matérielles, intellectuelles et émotionnelles de la société ou d’un groupe social et qu’elle englobe, outre l’art et la littérature, les modes de vie, les manières de vivre ensemble , les systèmes de valeur, les traditions et les croyances176 ».

172Nora-Alexandra Kazi-Tani, Roman africain de langue française au carrefour de l'écrit et de l'oral (Afrique noire et Maghreb), L'Harmattan, 1995, p258

173 Jean-Michel Leniaud, Chroniques patrimoniales, Edition Norma, Paris 2001, p85

174 Oumar Bocar Kanté Op, Cit, p8

175 « Le développement durable et le patrimoine mondial, in Revue du patrimoine mondial, n°36, Aout, Septembre, Octobre 2002, p12

176 Préambule de la Charte de la Renaissance Culturelle Africaine de juillet 1976

90 Ce principe posé par la Charte Culturelle de la Renaissance Africaine intervient une décennie après les indépendances et marque la prise de conscience des élites africaines en général et congolaises en particulier. On peut dire que cette Charte marque un tournant dans la conception du patrimoine culturel par les africains, car désormais, doivent être pris en compte les intérêts préhistorique, paléontologique, traditionnel, religieux, ethnologique, anthropologique, légendaire, pittoresque et culturel. Cette prise en compte suppose un retour à la conception culturelle d’avant la colonisation en reconnaissant à tout peuple le droit inaliénable d’organiser sa vie culturelle en pleine harmonie avec ses idéaux politiques, économiques, sociaux, philosophiques et spirituels177.

C’est pourquoi la recherche de l’autonomie culturelle a engendré l’ethnocentrisme culturel.

II –L'ethnocentrisme culturel

162. L’ethnocentrisme se caractérise par le sentiment de repli identitaire en relation avec la formation de la conscience nationale en Afrique contemporaine178. Ainsi, la recherche de l’autonomie culturelle a engendré un sentiment de repli identitaire (A). Mais en réalité, il s’agit d’une volonté de démarcation non suivie d’effet (B).

A – Le repli identitaire lié à la conception congolaise du patrimoine

163. Dans un numéro spécial consacré à Léopold Sédar Senghor, Présence Africaine est largement revenue sur la problématique de l’identité culturelle. L’UNESCO réunie à Accra en octobre 1975, en conférence intergouvernementale africaine, a déclaré que le problème culturel majeur de l’Afrique était celui de son identité culturelle. Ce que l’UNESCO n’a pas dit mais que tout le monde sait, c’est qu’aucune voix n’a plus que celle de Léopold Sédar Senghor, rappelé cette évidence au monde. Aucune voix n’a à la fois su faire apprécier les dons de l’Occident à la civilisation de l’universel et affirmer avec une inépuisable ferveur la présence et l’identité culturelles des peuples noirs179.

Le repli du sentiment identitaire est né de la prise de conscience nationale. En effet, la prise de conscience nationale a exigé la restauration de la conscience historique qui a nécessité la

177 Préambule de la Charte de la Renaissance Culturelle Africaine de juillet 1976

178 Kiflé Selassié Béseat, L’affirmation de l’identité culturelle et la formation de la conscience nationale dans l’Afrique contemporaine, Unesco 1981, p32

179Penda MBOW, L’accueil de l’Afrique à la pensée de Senghor, la politique culturelle de Senghor, Publication du Cercle Richeulieu Senghor URL :http://www.cerclerichelieusenghor.org/index.php?option=com_content&vie w=article&id=74, consulté le 4 février 2014

91 collecte des faits historiques. D’où le retour à la culture, à la civilisation et à la tradition africaine. Comme l’affirmait Cheick Anta Diop, « l’identité culturelle d’un individu est fonction de celle de son peuple. Par conséquent, il faut tenir compte de l’identité culturelle d’un peuple.180 ». Le retour au sentiment identitaire a inspiré l’élite congolaise qui a pris une autre posture en matière de conception et de protection du patrimoine culturel.

Désormais, on fait recours à la culture et la civilisation propre, à l’authenticité comme moyen de vouloir s’affirmer et affirmer sa propre culture. Une auto affirmation dans la connaissance de soi et de son patrimoine culturel. Ainsi, dans sa dimension anthropologique, l’authenticité apparait comme une prise de conscience d’un peuple impliquant un recours à ses propres forces et à ses propres sources ainsi qu’à un inventaire de ses valeurs ancestrales et la sélection de toutes celles susceptibles de concourir à son développement et à sa libération en vue de la construction d’une société solidaire, harmonieuse et intégrée181.

164. La volonté de faire appel à ses propres valeurs culturelles a permis aux élites locales, intellectuelles et politiques à ne pas partager le point de vue des chercheurs occidentaux qui commencent à développer un regard patrimonial sur les lieux182. Elles voient d’un œil un peu agacé cet intérêt des « Blancs » pour des « vieilleries » qui leur rappellent surtout un passé d’asservissement, et elles ne se soucient guère d’assurer leur conservation183.Cette volonté a engendré un repli dans le sentiment identitaire que la plupart des Etats africains revendiquent dès les années 1970 et aidés par différents outils juridiques.

165. Au Congo, on a assisté à un retour à l’identité et aux valeurs culturelles propres.

Ce retour a contribué à l’évolution de la conception du patrimoine culturel. Au plan international, la Convention UNESCO de 1972 reconnaît l’importance de protéger à la fois le patrimoine culturel et naturel. Elle reconnaît ainsi l’interaction entre l’être humain et la nature et le besoin fondamental de préserver l’équilibre entre les deux. Un moyen de légitimer la conception traditionnelle du patrimoine qui prend en compte l’homme et son environnement le plus immédiat. Dans sa définition du patrimoine, la Convention de 1972prend en compte les sites: œuvres de l'homme ou œuvres conjuguées de l'homme et de la nature, ainsi que les

180 Cheick Anta Diop, De l’identité culturelle, in L’affirmation de l’identité culturelle et la formation de la conscience nationale dans l’Afrique contemporaine, Unesco 1981, p62

181 Authenticité et développement, Colloque national organisé par l’U.E, Kinshasa 14-21 septembre 1981, Paris Présence Africaine 1982, p36

182Le processus de patrimonialisation de l’espace colonial en Afrique de l’Ouest. Actes de la table ronde

« Architecture et patrimoine colonial ». Institut National du Patrimoine, Paris, 17-19 septembre 2003, p22

183Alain Sinou, Enjeux culturels et politiques de la mise en patrimoine des espaces coloniaux, in Presses de Sciences Po, Autrepart 2005/1 - n° 33 p22

92 zones y compris les sites archéologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique. Elle ouvre la voie à la reconnaissance et la protection du patrimoine traditionnel africain.

166. Au niveau régional, le processus de revendication de l’identité culturelle est appuyé par la Déclaration universelle des droits des peuples d’Alger du 4 juillet et la Charte Culturelle Africaine de 1977 qui a inspiré la Charte de la Renaissance Culturelle Africaine de 2006. La Charte de 1977 marque la nécessité de procéder à l’inventaire des patrimoines culturels, notamment dans les domaines des traditions, de l’histoire et des arts. La Déclaration d’Alger, s’oriente vers cette revendication car dans son préambule, il est mentionné que

166. Au niveau régional, le processus de revendication de l’identité culturelle est appuyé par la Déclaration universelle des droits des peuples d’Alger du 4 juillet et la Charte Culturelle Africaine de 1977 qui a inspiré la Charte de la Renaissance Culturelle Africaine de 2006. La Charte de 1977 marque la nécessité de procéder à l’inventaire des patrimoines culturels, notamment dans les domaines des traditions, de l’histoire et des arts. La Déclaration d’Alger, s’oriente vers cette revendication car dans son préambule, il est mentionné que