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Réalisation prosodique des fonctions

Chapitre 3 : Réalisation prosodique des fonctions de la focalisation

4. Etude de production

4.4. Discussion

4.4.2. Réalisation prosodique des fonctions

Avant de répondre à la première question de recherche, notons tout d’abord qu’on observe des différences de fréquence d’occurrence dans le corpus entre les trois fonctions analysées (cf Tableau 21). Nous discutons ces différences ci-dessous :

- Parmi les occurrences de focalisation retenues pour l’analyse prosodique, l’emphase (72,5%) est beaucoup plus représentée que le marquage de focus (27,5%). Cette différence est logique, puisque nous avons vu (cf § 4.3.1) que l’emphase présente un taux d’accord supérieur au marquage de focus, en particulier dans le corpus réduit (cf § 4.3.7). Comme nous l’avons expliqué ci-dessus (cf § 4.4.1), deux facteurs pourraient expliquer cette différence de taux d’accord : les différences phonétiques entre ces deux ensembles de fonctions, ainsi qu’une différence dans le contenu sémantique des constituants concernés. Cependant, la différence de fréquence d’occurrence entre l’emphase et le marquage de focus pourrait également être due à la présence de parole interprétée dans le corpus. En effet, nous avons vu qu’une majorité des occurrences d’emphase se trouvent dans ce phonogenre. Nous discutons ce résultat dans la section suivante (cf § 4.4.3).

que les experts, se basant sur ces études plutôt que sur notre définition théorique (cf § 3.1.1), aient systématiquement attribué la fonction d’insistance aux constituants focalisés comportant ce trait. Cela expliquerait la forte fréquence d’occurrence de cette fonction parmi les constituants focalisés.

La première question de recherche de cette analyse concerne les différences de réalisation entre les fonctions attribuées à la focalisation. Au niveau phonétique, nous avons analysé les différences de hauteur et de durée syllabique entre les trois fonctions (cf § 4.2.3). Nous avons observé (cf Figure 40) que l’insistance et l’expressivité présentent une durée syllabique significativement supérieure à celle du marquage de focus. Cependant, cette différence n’est pas répétée dans l’étude menée sur le corpus réduit (cf § 4.3.7). L’insistance et l’expressivité présentent également une hauteur supérieure à celle du marquage de focus (cf Figure 38), bien que la différence ne soit pas significative. Ces résultats suggèrent néanmoins qu’il existe bien une distinction phonétique entre les fonctions emphatiques et les fonctions sémantico- pragmatiques de la focalisation. Concernant l’expressivité, la différence avec le marquage de focus est cohérente avec la littérature. En effet, nous avons vu (cf § 3.2.2) que celle-ci attribue une forte augmentation de hauteur et de durée à l’expressivité.

Nous avons également évalué l’effet de la fonction sur trois catégories phonologiques des constituants focalisés (cf § 4.2.3). Il s’agit du type de contour intonatif, de l’étendue syllabique du contour intonatif, et de la présence d’un accent initial. Nous discutons ci-dessous les résultats observés :

- L’insistance présente significativement plus de contours Hi que l’expressivité et que le marquage de focus (cf Figure 42). Pour rappel (cf chap. 2, § 4.3.3), le contour Hi est un ton haut initial sur le constituant focalisé, lorsque celui-ci se trouve au début d’un groupe accentuel. Cependant, cette différence ne s’observe pas dans le corpus réduit. L’insistance se distingue également des deux autres fonctions par une fréquence significativement plus élevée d’accentuation initiale56 (cf Figure 45). Notre étude soutient donc l’existence de la

56 Pour rappel (cf chap. 2, note 19), l’accentuation initiale et la présence d’un contour Hi sont deux traits distincts.

relation, souvent décrite dans la littérature (cf § 3.2.1), entre insistance et accentuation initiale.

- Le contour H*H% est significativement plus fréquent pour l’expressivité que pour l’insistance (cf Figure 42). Cependant, cette différence n’est pas répétée dans le corpus réduit. Le résultat est néanmoins cohérent avec la forte augmentation de hauteur que la littérature attribue à l’expressivité. En effet, le contour H*H% est un contour montant présentant une forte amplitude, ce qui implique une forte augmentation de hauteur. De plus, nous avons vu dans le premier chapitre (cf § 4.2) qu’une des fonctions possibles du contour H*H% est l’indication de la modalité exclamative de l’énoncé. Cette modalité est cohérente avec la fonction d’expressivité.

- On observe des différences entre les fonctions concernant le type de frontière prosodique sur les constituants focalisés (cf Figure 43) :

o Les frontières de groupe accentuel sont significativement plus fréquentes pour l’insistance que pour les deux autres fonctions. Inversement, les frontières de groupe intonatif sont significativement moins fréquentes pour l’insistance. Ces résultats sont cohérents avec la littérature sur les différentes fonctions de la focalisation. En effet, nous avons vu (cf § 3.1.1) que l’insistance consiste à souligner l’importance d’un élément. Rossi (1999 : 116-129) parle de « proéminence sémantique », et Di Cristo (1999b) de « focalisation emphatique étroite ». Il est donc logique que cette fonction soit réalisée au niveau du groupe accentuel, qui est le niveau le plus bas dans la structure prosodique (cf chap. 1, § 3). Par contraste, le marquage de focus et l’expressivité peuvent affecter l’énoncé entier. C’est notamment le cas du marquage de focus informationnel large, qui désigne l’assertion par le locuteur de la totalité du contenu de l’énoncé (cf § 2.1.1). Nous avons également vu (cf § 3.1.2) que Di Cristo (1999b) définit l’expressivité comme une « emphase de cumul » portant sur l’énoncé

o Les frontières de groupe intermédiaire sont significativement plus fréquentes pour le marquage de focus que pour l’expressivité. De manière presque significative, elles sont également plus fréquentes pour le marquage de focus que pour l’insistance. Cependant, aucune de ces différences n’est observée dans le corpus réduit. Nous avons analysé les contours intonatifs concernés : le contour H*H- est majoritaire (75,0%). On observe effectivement une différence numérique (mais non-significative) entre le marquage de focus et les deux autres fonctions concernant ce contour (cf Figure 42). Pour rappel (cf chap. 2, § 4.3.3), le contour H*H- est un contour montant dont l’amplitude et l’allongement se situent entre ceux du contour H* et du contour H*H%. Nous avons vu (cf chap. 2, Figure 35) que ce contour sert généralement à exprimer une continuation dans notre corpus.

- On n’observe aucune différence entre les fonctions concernant l’étendue syllabique du contour intonatif (cf Figure 44). Ce résultat n’est pas surprenant, car nous avons vu dans l’étude précédente (cf chap. 2, Figure 30) qu’une majorité (72,7%) des contours sont portés par la dernière syllabe du constituant focalisé dans notre corpus.