• Aucun résultat trouvé

Chapitre IV : Impact de l’incorporation des DCD sur la clinkérisation

1.2 Étude microscopique des mécanismes réactionnels

1.2.1 Réactivité du quartz

Le quartz est traditionnellement présent dans les crus cimentiers car il est contenu dans la marne ou le calcaire par exemple. Lors des essais présentés précédemment, le quartz a été détecté par DRX après cuisson jusqu’à 1100°C dans tous les mélanges (Tableau 34). Une analyse par microscopique électronique à balayage de l’échantillon GM1-N après cuisson montre clairement que des particules contenant presque exclusivement du silicium et de l’oxygène peuvent être préservées jusqu’à 1000-1200°C (Figure 112). Par exemple, les cartographies obtenues par analyse EDS sur l’échantillon chauffé à 1050 °C et 1100 °C montrent clairement la présence de grains contenant uniquement de l’oxyde de silicium entourés d’une « matrice » très riche en oxyde de calcium. Elles montrent aussi une différence de contraste en termes de rapport Ca/Si indiquant ainsi la présence de deux franges (zones 1 et 2) de réactivité entre le noyau de silicium et le calcium environnant. Lorsque la température augmente, la frange extérieure est de plus en plus marquée et une troisième couche intermédiaire apparait vers 1200 °C.

Pour l’échantillon GM1-N, les analyses chimiques sur ces trois zones pour le mélange chauffé à 1200 °C confirment les variations de la composition (Tableau 35) :

- au point 1, correspondant au centre du grain, la formule chimique (SiO2) confirme qu’il s’agit d’un quartz ;

- au point 2, correspondant à la première couche interne, la formule chimique obtenue (Ca0,15Si1.00K0,04Na0,18Mg0,03O2,29) montre que cette couche contient en plus du calcium (Ca) ;

- le point 3 (qui constitue la deuxième couche) montre une composition (Ca2,10Si1.00K0,03Na0,01Mg0,01O4,14) correspondant à la formule de la bélite.

182

1000 °C 1200 °C

1050 °C (Ca – Si)

1100 °C (Ca – Si)

Figure 112. Micrographies de particules de quartz dans l’échantillon GM1-N aux différentes températures, obtenues au MEB en mode BSE avec une analyse EDS pour les éléments Ca et Si

1 2

183

Tableau 35. Composition chimique par analyse EDS au niveau des points 1, 2 et 3 du grain de quartz (échantillon GM1-N à 1200 °C) (en %atomique)

Si Ca K Na Mg O

zone 1 33,3 - - - - 66,7

zone 2 26,7 6,0 0,8 3,3 0,5 62,1 zone 3 13,6 28,1 0,4 0,3 0,2 56,8

Ces analyses montrent clairement la formation de bélite en périphérie du grain de quartz, ainsi que la présence d’une phase intermédiaire composée d’« inclusions», qui se « déplace » de la zone extérieure riche en calcium vers le centre du grain. Cependant, il n’a pas été possible de déterminer précisément la composition chimique et minéralogique de cette zone à cause de la résolution « limitée » (analyse sur un volume d’environ 1 µm3

auminimum) du microscope à balayage. L’analyse n’a pas non plus permis de déterminer la structure cristalline de la ou des phases présentes.

Une lame mince d’une largeur de 10 µm a alors été prélevée dans cette zone pour réaliser une analyse avec un microscope électronique en transmission (Philips® CM-200), selon le protocole décrit en section 2.5.3, Chapitre II. L’aspect final de la lame observée au MET est présenté Figure 113.

Figure 113. Observation de la lame mince sur le grain de quartz présent dans l'échantillon GM1-N chauffé à 1200 °C

Remarque : Les zones 1, 2 et 3, observées précédemment au MEB, sont clairement

visibles sur la lame mince, mais le contraste de couleur observé est inversé entre les deux techniques (MEB et MET). Les surfaces claires dans le cas de la microscopie électronique à balayage correspondent à des éléments ayant un numéro atomique « Z » élevé, tandis qu’avec le MET, les zones claires correspondent à la présence d’éléments « légers » et/ou à une zone d’analyse où la lame est plus mince.

1

2

184 Les analyses chimiques réalisées sur les trois zones de la lame (Tableau 36) corroborent celles obtenues avec le MEB, à savoir la variation du rapport Ca/Si entre la zone 1 et la zone 3. Le centre du grain ne contient presque que du silicium tandis que dans la zone 3 la composition chimique (Ca1,76Si1,00 K0,03Na0,17O3,61) correspond, comme observée au MEB, à celle de la bélite. La composition ne correspond pas parfaitement à celle observée au MEB à cause de légères erreurs inhérentes au protocole d’analyse (différents instruments d’analyse, changement de la zone d’analyse entre le MEB et le MET, etc.). Entre ces zones, la zone 2 contient un peu de calcium (Ca/Si ≈0,22) mais sa teneur varie (entre 3,7 et 16,8 %at) en fonction du point d’analyse (

Figure 114). Les valeurs les plus élevées ont été mesurées sur les « inclusions » (points 1 et 2) tandis que les valeurs les plus faibles l’ont été dans la matrice (point 3).

Tableau 36. Analyse chimique (EDS) sur les zones 1, 2 et 3 de la lame mince prélevée sur le grain de quartz (échantillon GM1-N chauffé à 1200 °C) (%atomique)

O Na Si Cl K Ca

Zone 1 (3 points d’analyse) Moyenne 57,83 1,90 40,14 - 0,06 0,04 Écart type 0,80 0,50 0,39 - 0,02 0,01 Zone 2 (7 points d’analyse) Moyenne 54,62 4,31 30,68 0,32 0,86 9,20 Écart type 2,55 2,35 6,52 0,66 0,46 4,73 Zone 3 (3 points d’analyse) Moyenne 49,79 2,37 13,80 - 0,42 24,26

Écart type 7,69 0,82 1,38 - 0,21 2,07 % atomique O Na Si Cl K Ca Point 1 48,71 1,81 27,74 0,20 0,90 20,63 Point 2 50,79 5,64 19,08 1,26 1,09 22,15 Point 3 57,32 1,90 37,32 0,04 0,49 2,92 1 3 1 2

185

Figure 114. Analyse de la zone 2 de la lame mince du quartz (échantillon GM1-N chauffé à 1200 °C) avec un cliché de diffraction obtenu sur le point 1

Les « inclusions » sont cristallisées (cliché de diffraction) et leur composition chimique (Ca0,91Si1.00K0,04Na0,16O2,13) correspond à celle de la wollastonite (CS).

À partir de ces observations, on peut conclure que la réaction du quartz avec la chaux libre dans un cru cimentier chauffé à 1200°C donne lieu à la formation de bélite comme produit principal. Cette formation s’accompagne de la formation d’une phase intermédiaire (wollastonite) qui apparaît dans une phase liquide amorphe « disloquant » les grains de quartz.

Ce processus a déjà été décrit dans la littérature [36] dans un article traitant de la formation de clusters de bélite dans un clinker Portland à partir de grains de quartz. Par exemple, Weisweiler et al. [138] ont observé, par des techniques de microscopie optique et électronique, la formation de bélite par combinaison d’oxyde de calcium et d’oxyde de silicium entre 1000 et 1250 °C. Au-delà de cette température la wollastonite est observée en tant qu’une couche intermédiaire composée d’« inclusions » qui croissent dans une solution liquide de composition (CaSi2O5) (Figure 115).

Figure 115. Micrographie optique de cristaux de wollastonite en forme d'aiguilles dans une phase liquide [138]

186

Figure 116. Schéma de principe décrivant les mécanismes réactionnels d'un grain de quartz dans le cru cimentier à 1200 °C