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Chapitre I : État de l’art

1 Le ciment Portland

1.3 Facteurs déterminants du processus de clinkérisation

1.3.2 La finesse du cru et l’aptitude à la cuisson

[21], [50]– [53] Soufre (SO3) <1,4%

- Tout comme les alcalins, réduit la température de la formation de la phase liquide ;

- Stabilise le polymorphe M1 de l’alite si >2,5%.

[21], [39], [53]–

[55] Phosphore

(P2O5) <1,0% - Stabilise la bélite et bloque sa conversion en alite.

[16], [56] Fluor

(CaF2) <0,25%

- Facilite les réactions à l’état solide et réduit la

température de la formation de la phase liquide. [57]

Chlore

(Cl-) <0,02%

- Réduit la température de la formation de la phase liquide ;

- Provoque des endommagements du matériel en usine par la corrosion des cyclones de préchauffage et la formation d’anneaux dans le four.

[15], [16]

* alcalins équivalents = %Na2O + 0,658 x %K2O

1.3.2 La finesse du cru et l’aptitude à la cuisson

Le broyage des matières premières du cru est l’une des étapes cruciales lors de la fabrication du clinker. Elle consiste à réduire les matières premières en une poudre homogène afin d’augmenter la réactivité entre les différents minéraux. La finesse de la farine crue est, de facto, un paramètre qui fait l’objet d’un contrôle accru lors de la fabrication du clinker Portland. Le refus au tamis de 90 µm est souvent pris comme critère de contrôle de la finesse du cru lors du broyage [31], [34].

Dans le clinker Portland, une différence entre la taille des grains de calcite (i.e. CaO) et du quartz (i.e. SiO2) peut induire une hétérogénéité chimique locale et une réactivité faible induisant la stabilisation de phases intermédiaires [58]–[62]. De même, la présence de grains de quartz de plus de 100µm au sein du cru va modifier les équilibres et les cinétiques de réactions et conduire à une composition minéralogique locale un peu différente du reste. L’impact de la taille des grains du cru a été décrit dans un diagramme ternaire à 1500 °C par Johanson et al. [63] (Figure 18-I) et dans des schémas établis par Telschow et al. [9] (Figure 18-II).

41 Une réactivité totale entre les différents oxydes permettant de former un clinker Portland correspond à un système dont la composition se situe dans la zone A4 du diagramme. Cette composition ne peut être atteinte que si les particules de calcite et de quartz sont finement broyées et bien homogénéisées.

Si une partie du cru contient localement des particules de quartz de grande taille entourées par des particules de chaux libre fines (zone A5, riche en SiO2), alors le clinker contiendra majoritairement dans cette zone de la bélite. On parle alors de « clusters » de bélite.

Dans une zone contenant des particules larges de calcaire entourées par des grains de quartz finement broyés, zone A2 dans le diagramme ternaire (zone riche en CaO), la présence incidente de particules grossières de chaux libre se solde par une présence de bélite non transformée en alite.

La minéralogie peut être corrigée jusqu’à l’obtention d’un clinker ayant une composition satisfaisante en augmentant la température et/ou le temps de cuisson. Cependant, en conditions industrielles, cela induit un rendement plus faible et/ou une consommation de combustibles plus élevée.

Figure 18. Description de l'influence de la taille des particules sur la réactivité du cru.I) par la composition chimique, II) description de l’évolution dans les zones A5, A4 et A2

42 Dans la littérature, un grand intérêt a été attribué à l’influence de la finesse sur l’aptitude à la cuisson des crus cimentiers [58], [59]. Ces travaux ont permis d’identifier une taille critique pour les particules de calcaire, de quartz et pour les particules insolubles dans l’acide chlorhydrique autre que le quartz (feldspaths, etc.) (respectivement 125, 44 et 63 µm).

Ainsi, à partir de la composition chimique du cru (LSF et SR) et de la finesse des minéraux (Q45 : particules de quartz supérieures à 45 µm, C125 : particules de calcite supérieures à 125 µm et Aq : toutes les autres phases minéralogiques insolubles dans l’acide chlorhydrique et supérieures à 45 µm), des formules sont proposées pour estimer la teneur en chaux libre dans un clinker cuit à 1400 °C (Équation 6) et à 1500 °C (Équation 7) [59]. Ces équations ont été établies suite à l’observation microscopique de clinkers industriels et l’évaluation de leur composition minéralogique en fonction de la finesse et de la composition des crus.

CaO𝑙𝑖𝑏𝑟𝑒,1400°𝐶= 0,31(LSF − 100) + 2,18(SR − 1,8) + 0,73𝑄45+ 0,33𝐶125+ 0,34𝐴𝑞 Équation 6

CaO𝑙𝑖𝑏𝑟𝑒,1500°𝐶= 0,21(LSF − 100) + 1,59(SR − 1,8) + 0,40𝑄45+ 0,22𝐶125+ 0,08𝐴𝑞 Équation 7

Outre l’influence de la composition chimique, il est clair que l’effet de la taille des grains de quartz est le paramètre qui a l’impact le plus conséquent sur l’aptitude à la cuisson (Équation 6). Les particules de quartz de plus de 45µm conduisent à la formation de clusters de bélite. Ces derniers réagissent difficilement avec la chaux disponible pour former de l’alite. De plus, ces clusters causent des difficultés lors du broyage du clinker à cause de leur dureté relativement plus élevée. Des grains de calcite plus grossiers, quant à eux, peuvent conduire à la formation de nodules en grappe de chaux libre non combinée et donc à une chaux moins réactive.

Afin d’améliorer l’aptitude à la cuisson, un broyage plus poussé de la calcite est plus efficace qu’une cuisson prolongée. Ceci s’explique par la faible dureté de ce minéral (dureté 3 sur l’échelle de Mohs). Concernant le quartz, son broyage s’avère a priori plus difficile à cause de sa dureté plus élevée (dureté de 7 sur l’échelle de Mohs). Mais l’augmentation de la température a aussi un effet important.

L’impact de la « phase insoluble dans l’acide autre que le quartz » est lui aussi élevé. Si la présence de cette phase est confirmée, l’aptitude à la cuisson peut être corrigée par une augmentation du temps et/ou de la température de cuisson. L’insoluble peut être composé de feldspaths. Les feldspaths ont une dureté qui est proche de celle du quartz (dureté 6 sur l’échelle de Mohs). Il existe de nombreux types de feldspaths ; feldspaths calciques (anorthite), feldspaths potassiques (orthose et microcline), feldspaths sodiques (albite) ainsi que des solutions solides intermédiaires (feldspaths alcalins et plagioclases) (Figure 19).

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Figure 19. Diagramme de phases ternaire pour les feldspaths [64]

L’impact des feldspaths dans un cru cimentier a été étudié, mais une description détaillée de leur réactivité est peu décrite dans la littérature.

On retiendra qu’en l’absence de chaux, contrairement aux minéraux argileux qui se décomposent à environ 450-600 °C (section 1.2.2), les feldspaths présentent une stabilité plus élevée aux hautes températures. En effet, les feldspaths sont stables (Figure 20) jusqu’à des températures allant de 1150±3 °C (albite) à 1553±2 °C (anorthite). À haute température et à environ 1150±20 °C, les feldspaths potassiques se décomposent en leucite (KAlSi2O6) et silice (Équation 8) [65].

En présence d’oxyde de calcium, la silice forme de la bélite [62].

KAlSi3O8 → KAlSi2O6+ SiO2 Équation 8

Dans un système leucite-silice, une phase liquide se forme avec un mélange d’aluminosilicates alcalins KAlSiO4 et d’aluminates alcalins KAlO2. Toujours en présence d’oxyde de calcium, cette phase liquide va se combiner avec les silicates pour former une phase riche en bélite combinée à du potassium (KC23S12 en notations cimentaires), ou bien ce potassium va être libéré.

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I) Système Leucite-Silice II) Système Albite-Silice

III) Système Anorthite-Silice

Figure 20. Diagrammes de phases binaires du système Feldspaths-Silice [65]

En présence de dioxyde de soufre (SO2), le potassium libre réagit pour former des sulfates alcalins (Équation 9) [53].

K2O + SO2 +1

2O2 → K2SO4 Équation 9

En d’autres termes, la présence de feldspaths dans le cru cimentier affecte très probablement l’aptitude à la cuisson. Cela est dû à la formation de phases intermédiaires et une possible formation de clusters de bélite si la taille des particules de ces minéraux est importante (>63 µm).

Un récapitulatif de l’impact de la finesse du quartz, des feldspaths et de la calcite dans le cru cimentier est présenté Tableau 9. Il montre que la présence de ces minéraux, dans des tailles de particules dépassant des valeurs critiques, conduit systématiquement à la

45 présence de teneurs de chaux libre non combinée élevées, c’est-à-dire une mauvaise aptitude à la cuisson du cru cimentier.

Tableau 9. Impact de la finesse du quartz, feldspaths et calcite sur la qualité du clinker final [9], [17], [19], [58], [59]

Minéral Taille de particule

recommandée (µm) Impact sur le clinker

Quartz <44

- Formation de clusters de bélite

- Présence de silice insoluble dans le clinker final - Teneurs élevées en chaux libre

- Faible teneur en alite dans le clinker Feldspaths <63

- Présence de clusters de bélite avec une phase interstitielle

- Présence de teneurs élevées en chaux libre - Faible teneur en alite dans le clinker

Calcite <125

- Présence de clusters denses de chaux libre non combinée

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