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Réactivité des pyrazoles

1.2. Principales méthodes de synthèse

1.3. Réactivité des pyrazoles

1.3.1. Généralités

La réactivité des pyrazoles est fortement reliée à l'existence de l'équilibre tautomérique entre les formes neutres L1-1 et L1-2, mais également à l'équilibre acido-basique entres ces formes neutres et leurs acides et bases conjuguées (Schéma 7).

Schéma 7

Les formes neutres du pyrazole sont similaires en termes de structure à la pyridine (fragment N2-C3) et au pyrrole (fragment C4-C5-N1), et leur réactivité est influencée par ces deux similarités. Ainsi l'azote "pyridinique" N2 peut subir des attaques électrophiles, tandis que l'azote "pyrrolique" N1 est inerte. La position C4 est réactive vis-à-vis des électrophiles, tandis que les attaques nucléophiles sont peu courantes sur le noyau pyrazole.

Les cations pyrazoliums L1-27 sont significativement moins réactifs vis-à-vis des électrophiles que les pyrazoles, mais ils peuvent subir des réactions de type SNAr beaucoup plus facilement que leur homologues neutres. Les cations pyrazoliums sont des espèces fragiles, susceptibles de subir des réactions de déquaternarisation par des nucléophiles, ou de réduction par les hydrures et par les métaux alcalins (Schéma 8).

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L'anion pyrazolate présente, quant à lui, une inversion de réactivité par rapport au cation pyrazolium. Il est plus réactif vis-à-vis des électrophiles, aussi bien en position C4 qu'en position N1 ou N2, et il est inerte vis-à-vis des nucléophiles.

1.3.2. Réactivité avec des électrophiles

1.3.2.1. En position azotée

1.3.2.1.1. N-Alkylation, N-Arylation et N-Acylation

Les pyrazoles L1-28 non substitués en position N1 peuvent être N1-alkylés par une large gamme de réactifs, notamment les phosphates de trialkyles, les sulfates de dialkyles, le diazométhane, les halogénures d'alkyles ou de benzyles, les dérivés -halogénocarbonyles, les accepteurs de Michael activés ou les époxydes, aboutissant ainsi aux pyrazoles L1-29 à L1-33. L'orientation du groupe entrant sur le noyau pyrazole est fortement dépendante des conditions opératoires, de la nature de l'agent alkylant, ainsi que de la position et de la nature des substituants présents sur le pyrazole. Les pyrazoles N1-acylés L1-34 sont également obtenus à partir de leurs homologues N1 non substitués par traitement avec les chlorures d'acyle ou les anhydrides d'acide. Contrairement aux N-alkylations dont la régiochimie est difficilement prédictible, les N-acylations mènent généralement au composé le moins encombré N1,C3-disubstitué. Cette particularité est due aux réactions d'acylotropie évoquées en Section 1.1.2. (Schéma 9).

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Les N-arylations de type SNAr ne prennent place que sur une position N1 non substituée (par opposition à une position N1 substituée ou une position N2), et seuls les halogénures d'aryle fortement désactivés (e.g. fluoronitroaryles) peuvent être utilisés comme partenaires réactionnels. Ainsi, les N-arylations de pyrazoles sont généralement effectuées par des couplages croisés de type Buchwald-Hartwig catalysés au cuivre ou au palladium.9 Il s'agit également d'une méthode générale pour synthétiser les N-vinyl-10 et les N-alcynylpyrazoles L1-36.11 (Schéma 10).

Schéma 10 1.3.2.1.2. N-Oxidation

Les pyrazoles N1-substitués L1-1 peuvent être transformés en pyrazoles N2-oxyde L1-37 par l'action du peroxyde d'hydrogène en présence d'un solvant acide tel que l'acide formique, l'acide acétique, ou l'acide trifluoroacétique (Schéma 11). L'anhydride dichloropermaléïque ou l'acide méta-chloroperbenzoïque (m-CPBA) sont également utilisés.

Schéma 11

9 a) Klapars, A.; Antilla, J. C.; Huang, X.; Buchwald, S. L. J. Am. Chem. Soc. 2001, 123, 7727. b) Cristau, H.-J.; Cellier, P. P.; Spindler, J.-F.; Taillefer, M. Eur. J. Org. Chem. 2004, 695. c) Anderson, K. W.; Tundel, R. E.; Ikawa, T.; Altman, R. A.; Buchwald, S. L. Angew. Chem. Int. Ed. 2006, 45, 6523

10 a) Taillefer, M.; Ouali, A. Renard, B. Spindler, J.-F. Chem. Eur. J. 2006, 12, 5301. b) Deagostino, A.; Prandi, C.; Zavattaro, C. Venturello, P. Eur. J. Org. Chem. 2007, 1318.

31 1.3.2.2. En position carbonée

1.3.2.2.1. Nitration, sulfonation, acylation

Les réactions de nitration des pyrazoles par HNO3/H2SO4 ou HNO3/Ac2O sont sélectives de la position C4 lorsque celle-ci n'est pas substituée. Si un groupement est déjà présent en cette position, un mélange d'isomères C3 et C5 est obtenu. L'oxydation ou la sur-nitration du noyau pyrazole n'est en général pas observée.

La sulfonation directe des pyrazoles en position C4 peut être effectuée par le chauffage prolongé dans l'oléum à 20%.

Les pyrazoles peuvent être aisément formylés dans les conditions de Vilsmeier-Haack ou acétylés dans les conditions de Friedel-Crafts. Ces deux réactions sont sélectives de la position C4. Elles sont accélérées par des substituants électro-donneurs et fortement inhibées par des groupements électro-attracteurs (Schéma 12).

Schéma 12 1.3.2.2.2. Halogénation

L'halogénation électrophile du pyrazole est sans doute la réaction de fonctionnalisation la plus étudiée de ce noyau aromatique. En ce qui concerne la chloration, la bromation ou la iodation, la plupart des agents classiques (NIS, NBS, NCS, I2, Br2, Cl2) sont efficaces pour halogéner sélectivement la position C4 en conditions douces. Les réactions de polyhalogénation requièrent ensuite des conditions plus dures ou la présence d'un catalyseur. Lorsque la position C4 est déjà substituée, il est parfois possible d'halogéner préférentiellement la position C5 par rapport à la position C3 si les conditions sont soigneusement contrôlées.

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Cependant, une sélectivité totale par rapport à la bis-halogénation est rarement observée, et les produits formés sont souvent difficiles à purifier (Schéma 13).12

Schéma 13

Les réactions de fluoration directe du noyau pyrazole ne sont devenues possibles que récemment grâce au développement d'agents de fluoration plus doux et moins dangereux que le difluor F2. Ainsi, le Sélectfluor permet d'introduire directement un atome de fluor en position C4 des pyrazoles, bien que des réactions de sur-fluorations soient parfois observées sur les positions benzyliques ou aryliques (Schéma 14).13

Schéma 14

1.3.3. Réactivité vis-à-vis des nucléophiles

Très peu d'attaques nucléophiles sur des pyrazoles ont été rapportées, et il semblerait que les positions carbonées et azotées soient essentiellement inertes, sauf dans le cas de pyrazoles très désactivés (e.g. nitropyrazoles) ou de pyrazoliums.

12 Janin, Y. L. Chem. Rev. 2012, 112, 3924.

13 a) Sloop, J. C.; Jackson, J. L.; Schmidt, R. D. Heteroat. Chem. 2009, 20, 341. b) Katoch-Rouse, R.; Pavloa, O. A.; Caulder, T.; Hoffman, A. F.; Mukhin, A. G.; Horti, A. G. J. Med. Chem. 2003, 46, 642.

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1.3.4. Réaction de métallation en position carbonée

Les réactions de métallation stœchiométriques font parties des méthodes les plus générales pour fonctionnaliser un noyau pyrazole par un électrophile. Elles ont fait l'objet de nombreuses études, et deux revues ont été publiées sur ce sujet.14

L'hydrogène en position C5, en l'absence de chaînes latérales acides, est l'hydrogène le plus acide dans les pyrazoles N1-substitués. La métallation directe de cette position est possible via l'utilisation de bases fortes, tels que le n-BuLi, le LDA, ou la base de Knochel-Hauser TMP-MgCl.LiCl. L'échange halogène-métal ou l'addition oxydante de Mg(0) sur des 5-bromo- ou 5-iodopyrazoles L1-48 sont également possible. Les 5-métallopyrazoles L1-49 résultants peuvent ensuite réagir avec un très grand nombre d'électrophiles ou être engagés dans des transmétallations, elles-mêmes suivies d'un couplage croisé de type Negishi (Schéma 15).

Schéma 15

Lorsque la position C5 est déjà substituée, il est possible de déprotoner sélectivement la position C3 grâce à l'utilisation de TMP-MgCl.LiCl. L'utilisation de n-BuLi ou de NaNH2 a déjà été décrite, mais les espèces générées sont moins stables, ce qui entraîne généralement

14 a) Grimmet, M. R.; Iddon, B. Heterocycles 1994, 37, 2087. b) Roy, S.; Roy, S.; Gribble, G. W. Metalation of Pyrazoles and Indazoles. In Topics in Heterocyclic Chemistry; Gribble, G. W. Ed.; Springer: Berlin, 2012; Vol. 29, pp 155-260.

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l'ouverture du cycle (Schéma 16). Des échanges halogène-métal ou des additions oxydantes de Mg(0) sur des 3-bromo- ou 3-iodopyrazoles L1-63 ont également été décrits. Les 3-métallopyrazoles L1-64 ainsi générés réagissent avec le même type d'électrophiles précédemment décrits dans le Schéma 15.

Schéma 16

La métallation directe de la position C4 est possible lorsque les positions C3 et C5 sont substituées, bien qu'elle n'ait été que rarement décrite. L'utilisation de n-BuLi est limitée aux pyrazoles très pauvres en électrons, et l'utilisation de la bis-amide (TMP)2Mg.2LiCl n'a été décrite que pour un type de substrat par Knochel et al. (R1 = Me ou SEM; R2 = SMe ou SPh; R3 = Cl ou Br).15 Ainsi, le protocole le plus général pour accéder aux 4-métallopyrazoles L1-69 est l'échange halogène métal. Lorsqu'un organolithien est utilisé et lorsque la position C5 n'est pas substituée, une migration du métal peut avoir lieu, et les pyrazoles C5-substitués L1-72 sont typiquement obtenus en tant que sous-produits de la réaction (Schéma 17).

Schéma 17

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2. Formation de liaisons C(sp

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)-P par couplage croisé

métallo-catalysé.

A ce jour, les couplages croisés métallo-catalysés font partis des méthodes les plus polyvalentes pour former des liaisons C-C, C-O ou C-N. Moins connus mais tout aussi flexibles, les couplages croisés métallo-catalysés appliqués à la formation de liaisons C(sp2)-P font également partis des méthodes les plus utilisées pour synthétiser des composés organophosphorés. Ces couplages font généralement intervenir un partenaire électrophile halogéné, un partenaire nucléophile phosphoré, ainsi qu'un catalyseur métallique au cuivre, au palladium ou au nickel (Schéma 18).16 Notons que de très nombreux protocoles permettant de réaliser l'hydrophosphonylation métallo-catalysée de composés insaturés ont été rapportés, mais que ceux-ci ne seront pas abordés dans cette partie.17

Schéma 18

De nombreux partenaires phosphorés peuvent être impliqués dans ces couplages, et de très nombreux protocoles généraux sont maintenant utilisables. Parmi les partenaires phosphorés, les phosphines secondaires et leurs complexes de borane, les phosphinites, les phosphonites, les phosphites, les oxydes de phosphines secondaires, les H-phosphinates, et les H-phosphonates ont fait l'objet de nombreuses études (Schéma 19). Ces composés phosphorés ont donc acquis une importance particulière en termes d'application et seront les seuls abordés dans cette partie. Les aspects relatifs à leur réactivité ne seront abordés que dans le cadre de leur implication dans des couplages croisés métallo-catalysés.

16 Pour des revues récentes, voir: a) Tappe, F. M. J.; Trepohl, V. T.; Oestreich, M. Synthesis 2010, 3037. b) Schwan, A. L. Chem. Soc. Rev. 2004, 33, 218. b) Prim, D.; Campagne, J.-M.; Joseph, D.; Andrioletti, B. Tetrahedron 2002, 58, 2041.

17 Pour une revue sur ce sujet particulier, voir: a) Alonso, F.; Beletskaya, I. P.; Yus, M. Chem. Rev. 2004, 104, 3079.

36 Schéma 19

Bien que les couplages croisés soient généralement classés et présentés en fonction de la nature du partenaire phosphoré, les mécanismes réactionnels mis en jeu sont plus spécifiques du catalyseur métallique, et ces couplages seront donc présentés ici en fonction des catalyseurs utilisés.