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Le cas particulier des phosphonylpyrazoles

d'actions et relations bioisostériques

3.2. Le cas particulier des phosphonylpyrazoles

Comme nous l'avons déjà souligné dans la première partie, les pyrazoles sont des hétérocycles omniprésents dans les industries agrochimique et pharmaceutique. De par les propriétés régulatrices du phosphore dans de nombreux processus biologiques, les pyrazoles phosphonylés ont donc été l'objet d'une certaine attention, et leur structure peut être retrouvée dans 4 brevets, où ils sont décrits en tant qu'agents phytosanitaire (Schéma 39).55

Schéma 39

D'un point de vue synthétique, trois voies d'accès principales au noyau phosphonylpyrazole peuvent être distinguées:56 1) La cycloaddition [3+2] de précurseurs phosphorés; 2) La cyclisation de précurseurs phosphorés; 3) La phosphonylation du noyau pyrazole.

3.2.1. Cycloaddition [3+2]

3.2.1.1. Dipolarophile phosphonylé

Le premier exemple de cycloaddition 1,3-dipolaire permettant d'accéder au motif phosphonylpyrazole a été rapporté par Sanders et Simpson en 1963 dans le cadre d'une étude sur la réactivité des esters de l'acide éthynylphosphonique. Ces auteurs décrivent la réaction d'un alcyne terminal phosphonylé avec un large excès de diazométhane pour donner le pyrazole méthylé L1-138 avec un rendement modeste de 28% (Tableau 5, entrée 1).57 Cette réaction entre des alcynes et des composés diazo a par la suite été appliquée avec plus de succès, bien que de façon sporadique et peu exemplifiée, à divers alcynes phosphonylés tels

55 a) Schallner, O.; Gehring, R.; Klauke, E.; Stetter, J.; Wroblowsky, H.-J.; Schmidt, R. R.; Stande, H.-J. Herbizide Mittel auf Basis von Pyrazolderivaten, DE Pat. 3402308, January 24, 1984. b) Döller, U.; Maier, M.; Kuhlmann, A.; Jans, D.; Michailovich, P. A.; Pavlovich, M. A.; Nikolaevich, K. G. 4-Phosphonylpyrazoles for Pesticidal Uses, PCT Int. Appl. WO 082917, September 9, 2005. c) Gebauer, O.; Gayer, H.; Heinemann, S.; Hillebrand, S.; Elbe, H.-L.; Ebbert, R.; Wachendorff-Neumann, Dahmen, P.; Kuck, K.-H. Pyrazolopyrimidines U.S. Pat. 0187224, August 25, 2005. d) Miller, P.; Curtis, J. M.; Molyneaux, J. M.; Owen, T. J. Production of Phosphonopyrazoles PCT. Int. Appl. WO 046229, August 10, 2000.

56 Pour une revue récente, voir: E. Ali, T.; M. Abdel-Kariem, S. Heterocycles 2012, 85, 2073.

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que l'oxyde d'éthynyldiphénylphosphine (Tableau 5, entrée 2),58 l'acétylènephosphonate de tétraméthyle (Tableau 5, entrée 3),59 ou des perfluoroalkynephosphonates (Tableau 5, entrée 4), et les produits de cycloaddition [3+2] correspondants L1-139-141 ont été obtenus avec de bons rendements.60 Des alcènes possédant un groupe partant ont également été utilisés comme partenaires dipolarophiles, et la réaction d'aromatisation peut être spontanée (Tableau 5, entrée 6),61 ou provoquée par des bases (Tableau 5, entrée 5)62 ou des acides (Tableau 5, entrée 7).63 Notons que les sydnones sont également des 1,3-dipôles pouvant être impliqués dans cette réaction de cycloaddition, bien que les rendements obtenus soient modestes (Tableau 5, entrée 8).64

58 a) Slobodyanyuk, E. Y.; Artamonov, O. S.; Shishkin, O. V.; Mykhailiuk, P. K. Eur. J. Org. Chem. 2014, 2487. b) Mykhailiuk, P. K. Beilstein J. Org. Chem. 2015, 11, 16.

59 Seyferth, D.; Paetsch, J. J. Org. Chem. 1969, 34, 1483.

60 Shen, Y.; Zheng, J.; Xin, Y.; Lin, Y.; Qi, M. J. Chem. Soc., Perkin Trans. 1 1995, 997.

61 Midura, W. H.; Krysiak, J. A.; Mikolajczyk, M. Tetrahedron 1999, 55, 14791.

62 Minami, T.; Tokumasu, S.; Mimasu, R.; Hirao, I. Chem. Lett. 1985, 14, 1099.

63 Goulioukina, N. S.; Makukhin, N. N.; Beletskaya, I. P. Tetrahedron 2011, 67, 9535.

58 Tableau 5

59 3.2.1.2. Dipôle 1,3 Phosphonylé

Bien que le réactif de Seyferth-Gilbert N2CHP(O)(OMe)2 ait été découvert en 1971,65 il semblerait que ce réactif n'ait jamais été directement utilisé avec succès dans la synthèse de pyrazole par cycloaddition [3+2] sur des alcynes. Notons cependant que des exemples de cycloaddition de diazophosphonates ,-substitués L1-146 sur des dipolarophiles existent, mais que les 3H-pyrazoles L1-147 ainsi générés sont instables, et ne permettent généralement pas d'accéder aux phosphonylpyrazoles, comme illustré dans le Schéma 40.66

Schéma 40

Cependant, le groupe de Namboothiri a récemment proposé l'utilisation du réactif d'Ohira-Bestman L1-150 comme précurseur du réactif de Seyfert-Gilbert L1-151, celui-ci étant ensuite capturé in situ par des nitroalcènes L1-152 (Schéma 41).67 Le cycloadduit L1-153 ainsi engendré subit ensuite une élimination de HNO2, pour mener aux pyrazoles L1-154 avec des rendements remarquablement homogènes allant de 53% à 68%. Des nitroalcènes mono- ou bis-substitués par des groupements électro-donneurs comme électro-accepteurs sont tolérés.

65 Seyferth, D.; Marmor, R. D.; Hilbert, P. J. Org. Chem. 1971, 36, 1379.

66 Theis, W.; Regitz, M. Tetrahedron 1985, 41, 2625.

67 Muruganantham, R.; Mobin, S. M.; Namboothiri, I. N. N. Org. Lett. 2007, 9, 1125. b) Muruganantham, R.; Namboothiri, I. J. Org. Chem. 2010, 75, 2197.

60 Schéma 41

Dans une extension de cette méthode, Namboothiri et al. proposèrent un protocole séquentiel permettant d'accéder aux phosphonylpyrazoles L1-157 à partir des aldéhydes aromatiques L1-155 (Schéma 42).68 Soulignons l'importance de CuI, utilisé en quantité catalytique lors de la deuxième étape, sans lequel l'alcyne intermédiaire L1-156 reste inerte. Notons également que la fourchette basse des rendements correspond aux aldéhydes riches en électrons, ou présentant un encombrement stérique en position ortho de l'aldéhyde.

Schéma 42

Inspirés par ces travaux, Smietana et Vasseur ont récemment décrit un protocole monotope multi-composant mettant en jeu un aldéhyde L1-158, un nitrile L1-159, et le réactif d'Ohira-Bestmann (Schéma 43).69 L'aldéhyde L1-158 subit initialement une condensation de type Knoevenagel pour générer l'alcène activé L1-160, qui réagit ensuite avec le réactif de Seyfert-Gilbert engendré in situ, donnant ainsi la pyrazoline L1-161. Une élimination ultérieure de

68 Kumar, R.; Verma, D.; Mobin, S. M.; Namboothiri, I. N. N. Org. Lett. 2012, 14, 4070.

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HCN suivie d'une prototropie mènent au pyrazole L1-162. D'excellents rendements sont obtenus indépendamment de la substitution de l'aldéhyde ou de la nature du dérivé nitrile.

Schéma 43

Divers protocoles dérivés des travaux de Smietana et al. et de Namboothiri et al. ont également été publiés, complétant ainsi le champ d'application de cette méthode.70 Il est néanmoins nécessaire de souligner que même si ces protocoles basés sur l'utilisation du réactif de Ohira-Bestmann permettent d'accéder à des phosphonylpyrazoles présentant des substituants très divers sur le noyau pyrazole, aucune diversité ou post-fonctionnalisation au niveau du substituant phosphonylé n'ont été proposées.

3.2.2. Cyclisation de précurseurs phosphonylés

La majorité des protocoles de cyclisation permettant d'accéder à des pyrazoles phosphonylés mettent en jeu une hydrazine R-NHNH2 ainsi qu'un électrophile ,-fonctionnalisé possédant un groupe partant (Tableau 6). Lorsque l'électrophile ,-fonctionnalisé est un dérivé de type acrylonitrile, des 5-amino-phosphonylpyrazoles peuvent être synthétisés (Tableau 6, entrées 14).71 Il s'agit de la voie d'accès préférentielle pour accéder à ce type de substrat.

70 a) Ahamad, S.; Gupta, A. K.; Kant, R.; Mohanan, K. Org. Biomol. Chem. 2015, 13, 1492. b) Martin, A. R.; Mohanan, K.; Toupet, L.; Vasseur, J.-J.; Smietana, M. Eur. J. Org. Chem. 2011, 3184. c) Pramanik, M. M. D.; Kant, R.; Rastogi, N. Tetrahedron 2014, 70, 5214.

71 a) Neidlein, R.; Eichinger, T. Helv. Chem. Act. 1992, 75, 124–136. b) Lu, R.; Yang, H. Tetrahedron Lett.

1997, 38, 5201. c) Krug, H. G.; Neidlein, R.; Boese, R.; Kramer, W. Heterocycles 1995, 41, 721. d) Issleib, K.;

62 Tableau 6

La cyclisation des -hydrazonométhylphosphonyles L1-169 induite par un réactif de formylation, tel que HC(OEt)3 ou DMF/P(O)Cl3 représente également un protocole typique pour accéder aux 4-phosphonylpyrazoles L1-170 (Schéma 44).72

72 a) Akacha, A.; Ayed, N.; Baccar, B.; Charrier, C. Phosphorus, Sulfur, Silicon Relat. Elem. 1988, 40, 63. b) Hassen, Z.; Akacha, A. B.; Hajjen, B. Phosphorus, Sulfur, Silicon Relat. Elem. 2003, 178, 2349. c) Chen, H.; Qian, D.-Q.; Xu, G.-X.; Liu, Y.-X.; Chen, X.-D.; Shi, X.-D.; Cao, R.-Z.; Liu, L.-Z. Synth. Commun. 1999, 29, 4025.

63 Schéma 44

3.2.3. Phosphonylation du noyau pyrazole

Contrairement aux protocoles de cycloaddition et de cyclisation qui ont été bien exemplifiés, il existe peu de voies d'accès aux phosphonylpyrazoles par phosphonylation d'un noyau pyrazole préexistant.

Les protocoles les plus anciens consistent à chauffer le noyau pyrazole en présence de POCl3

en ampoule scellée, menant ainsi aux phosphonates L1-172 après solvolyse de l'intermédiaire L1-171 (Schéma 45, éq 1).73 Des conditions plus douces sont utilisables lorsque PCl3 est employé en tant qu'électrophile, mais une étape d'oxydation supplémentaire est alors nécessaire afin d'accéder aux phosphonates L1-173 (Schéma 45, éq 2).74 Ce type de protocole est limité à la phosphonylation de la position nucléophile C4 du pyrazole.

Schéma 45

Une méthode plus fiable et plus générale consiste en la métallation d'un noyau pyrazole, suivie de la capture de l'anion formé par un électrophile phosphoré présentant une liaison P-Cl

73 a) Michaelis, A.; Pasternak, R. Ber. Dtsch. Chem. Ges. 1899, 32, 2398. b) Grandberg, I. I.; Kost, A. N. Zh. Obshch. Khim., 1961, 31, 129.

74 a) Döller, U.; Maier, M.; Kuhlmann, A.; Jans, D.; Michailovich, P. A.; Pavlovich, M. A.; Nikolaevich, K. G. 4-Phosphonylpyrazoles for Pesticidal Uses, PCT Int. Appl. WO 082917, September 9, 2005. b) Marchenko, P.; Koidan, N.; Kostyuk, A. N.; Tolmachev, A. A.; Kapustin, E. G.; Pinchuk, A. M. J. Org. Chem. 2006, 71, 8633.

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ou P-Br. Lorsqu'un lithien est utilisé, le partenaire organophosphoré peut être un halogénure de phosphonyle R2P(O)-X75 ou un halogénure de phosphine R2P-X76 (Schéma 46, éq 1 et 2). La phosphonylation de réactifs de Grignard est d'ordinaire effectuée avec des halogénures de phosphine R2P-X (Schéma 46, éq 3).77 En effet, leur réaction avec les halogénures de phosphonyle R2P(O)-X se déroule généralement de façon erratique et peu reproductible.78 L'origine de cette limite est peu claire et n'a jamais fait l'objet d'études poussées.

Schéma 46

Comme souligné précédemment, les couplages croisés catalysés par les métaux de transition se sont imposés comme des méthodes de choix pour former des liaisons C(sp2)-P, et de multiples hétérocycles ont été phosphonylés en utilisant ces protocoles.79 Cependant, les pyrazoles n'ont fait l'objet d'aucune étude spécifique, et seul un exemple isolé a pu être retrouvé dans la bibliographie (Schéma 47).80

Schéma 47

75 Shekhar, S.; Franczyk, T. S.; Barnes, D. M.; Dunn, T.B.; Haight, A. R.; Chan, V. S. Preparations and use of phosphine ligands for catalytic reactions, U.S. Pat. 0217876, August 22, 2013.

76 Iddon, B.; Tonder, J. E.; Hosseini, M.; Begtrup, M. Tetrahedron 2007, 63, 56.

77 Felding, J.; Kristensen, J.; Bjerregaard, T.; Sander, L.; Vedsø, P.; Begtrup, M. J. Org. Chem. 1999, 64, 4196.

78 D.E.C. Corbridge Phosphorous – An outline of its Chemistry, Biochemistry and Technology 4th Ed., Elsevier: Amsterdam, 1990.

79 Van der Jeught, S.; Stevens, C. V. Chem. Rev. 2009, 109, 2672.

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