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CHAPITRE 1: ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

1. Réactions hétéro-homogènes

L’oxydation partielle catalytique du propane est une réaction catalytique à relativement haute température et devrait donc comporter une part de réactions radicalaires se déroulant en phase gazeuse et une part de réactions catalytiques à la surface du catalyseur comme c’est le cas des réactions du couplage oxydant du méthane (OCM) ou de l’oxydation partielle catalytique du méthane (OPM).

Dans ce chapitre, nous ferons un point bibliographique sur ces réactions « hétéro-homogènes » mais aussi sur la réaction d’oxydation en phase gazeuse (sans catalyseur) des hydrocarbures et pour finir nous développerons l’oxydation partielle catalytique des hydrocarbures pour la production d’hydrogène.

1. Réactions hétéro-homogènes

Certaines réactions catalytiques sont mises en œuvre à "haute température" (600-1000°C) et, en particulier pour des réactions d’oxydation d’hydrocarbures, la présence de réactions radicalaires en phase gazeuse est inéluctable à ces températures. En effet ces réactions d’oxydation d’hydrocarbures fonctionnent en phase gazeuse sans catalyseur. Des réactions radicalaires en phase gazeuse « homogène » sont donc associées à des réactions catalytiques « hétérogènes ». Le mécanisme de ces « réactions hétéro-homogènes » peut donc être composé des deux mécanismes (phase gazeuse et surface) fonctionnant de façon parallèle, ou fortement couplés par l’intermédiaire des radicaux avec des processus de type Eley-Rideal. C’est le cas, en particulier, de la réaction catalytique du "Couplage Oxydant du Méthane" où le catalyseur génère des radicaux qui partent dans la phase gazeuse et interviennent alors dans des réactions radicalaires se déroulant en phase gazeuse.

Les réactions catalytiques hétéro-homogènes relèvent donc de deux disciplines : la catalyse et la cinétique en phase gazeuse. La réaction catalytique du "Couplage Oxydant du Méthane" qui produit des oléfines a été la première considérée comme « hétéro-homogène » ; c’est également le cas de l’"oxydation partielle du méthane" qui produit du gaz de synthèse (CO + H2) mais probablement aussi la combustion catalytique, la conversion directe du méthane en formaldéhyde ou méthanol (Bobrova et al. 2007), l’oxydation catalytique d’autres hydrocarbures (Zerkle et al. 2000)(Bharadwaj & Schmidt 1995), et également, à basse température (ambiant), l’oxydation photocatalytique de COV avec TiO2 en présence d’humidité qui génère des radicaux HO· dans la phase gazeuse (Vincent et al. 2008).

Il y a également des réactions hétéro-homogènes « non catalytiques » qui couplent un mécanisme radicalaire en phase gazeuse à un mécanisme hétérogène gaz/solide : c’est le cas des réactions de CVD telles que le dépôt de diamant (Frenklach & Wang 1991) ou de (pyro)carbone obtenu à partir de la pyrolyse en phase gazeuse d’hydrocarbures. Les réactions de cockage de réacteur d’un steam-craking (Wauters & Marin 2002), la formation des suies (Celnik et al. 2008), … sont aussi des réactions hétéro-homogènes. Les « effets de paroi »

Chapitre 1 : Etude bibliographique

18 parfois observés lors de l’étude de réactions en phase gazeuse sont également des réactions hétéro-homogènes.

Ces différentes réactions hétéro-homogènes sont détaillées ci-après et plusieurs ont fait l’objet d’études au sein du laboratoire.

a. Le couplage oxydant du méthane

La première réaction identifiée comme une réaction hétéro-homogène est la réaction dite du « couplage oxydant du méthane » qui a été découverte par Keller et Bhasin (Keller & Bhasin 1982) en 1982 et dont la part homogène a été mise en évidence par l’équipe du professeur Lunsford en 1985 par RPE (résonance paramagnétique électronique) (Driscoll & Lunsford 1985)(Driscoll et al. 1985)(Ito & Lunsford 1985). Cette équipe a en effet mis en évidence la présence de radicaux au-dessus du lit catalytique.

La réaction de couplage oxydant du méthane met en jeu les réactifs CH4/O2 (≈ 4) en présence d’un catalyseur adéquat (par exemple oxyde de terres rares), à des températures variant entre 700 et 1000°C, en vue de produire de l’éthylène (Choudhary & Uphade 2004). Malgré de nombreuses études, notamment sur le choix du catalyseur (composés alcalins, alcalino terreux, les composés de lanthanide et d’actinides ou d’autres composés métalliques) (Amenomiya et al. 1990), les rendements obtenus en éthylène restent inférieur à 25% comme on peut l’observer sur le graphique suivant (Mc Carty et al. 1989) :

Figure 1: Sélectivité en oléfines en fonction de la conversion du méthane

La réaction du couplage oxydant du méthane est extrêmement complexe : elle comprend une part catalytique couplée à des réactions radicalaires en phase gazeuse par l’intermédiaire de radicaux.

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19 La littérature publiée sur le sujet depuis 1982 est très abondante. D’un point de vue modélisation, on peut citer par exemple :

- L’équipe de Labinger (Labinger & Ott 1987) : formation hétérogène de CO2

(formation primaire et formation à partir de C2H4, C2H6 et des C3+) - Les travaux de Baerns (Zanthoff & Baerns 1990)

- Les travaux de Gutman (Feng et al. 1991)

- Les travaux de Mc Carty (Mc Carty 1992): adsorption dissociative de l’oxygène, amorçage catalytique, oxydation des radicaux méthyles à la surface du catalyseur conduisant au formol, réaction des produits possédant une liaison C-H avec un oxygène de surface.

- L’université de Ghent (Laboratory for Chemical Technology) (Sun et al.

2008)(Thybaut et al. 2011) : modèle micro-cinétique.

Au sein de notre laboratoire, le couplage oxydant du méthane a été étudié en présence de La2O3. Une première thèse en 1993 avait été réalisée par P.Barbé (Barbé 1993)(Marquaire et al. 1994)(Barbé et al. 1994)(Barbé et al. 1996). Ce travail a permis de proposer et de valider un réacteur spécifique de conception originale, adapté à l’étude des réactions hétéro-homogènes : le réacteur auto agité catalytique. Ce dernier est d’ailleurs celui employé dans nos travaux. Cette étude a mis en évidence l’importance des réactions en phase gazeuse couplées aux réactions de surface (par l’intermédiaire des radicaux méthyles) et elle a permis d’expliquer la limitation observée du rendement en éthylène. Ces recherches se sont poursuivies dans le cadre de la thèse de N. Guéritey (Gueritey 1996)(Marquaire et al. 1997). Un nouveau réacteur a été mis en œuvre, il permet des temps de passage de l’ordre de la milliseconde (1000 fois plus courts qu’avec le réacteur auto-agité catalytique), alors que le temps de contact peut être identique. Cette étude a mis en évidence que la conversion du méthane et la formation de CO2 est principalement contrôlées par les réactions catalytiques, alors que les formations de CO, C2H6 et C2H4 sont contrôlées par des réactions en phase gazeuse (Marquaire et al. 1997).

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20 Plus récemment, Simon et al. ont réalisé une modélisation détaillée de ces résultats expérimentaux en utilisant le logiciel « Chemkin-Surface » (Simon et al. 2004)(Simon et al. 2007). A partir cette étude, ils ont pu écrire un schéma réactionnel simplifié :

Figure 2 : Mécanisme du couplage oxydant en présence de La2O3 (T =1023 K, XCH4 = 10%)

Les principaux catalyseurs utilisés pour le couplage oxydant du méthane sont les oxydes de terres rares. La nature des sites actifs fait l’objet de nombreuses controverses. De nombreuses espèces actives sont proposées et peuvent être des candidats pour des sites oxygénés réactifs pour le couplage oxydant. Les hypothèses sont l’anion O-, l’anion superoxide , l’anion oxyde O2- et l’anion peroxyde (Lacombe et al. 1995)(Islam et al. 1994).

Les nombreuses recherches réalisées sur le couplage oxydant du méthane n’ont pas conduit à des procédés industriels, en raison d’un rendement en C2 insuffisant (< 25%, cf Figure 1), à cause des limitations suivantes :

- C’est un procédé opérant à des températures élevées (généralement entre 750 et 1000°C). Il est donc nécessaire d’utiliser un catalyseur avec une haute stabilité thermique.

- Puisque les composés désirés (produits carbonés en C2) sont plus réactifs que le méthane, une forte sélectivité dans ce procédé ne peut être obtenue qu’à faible conversion en méthane.

Réactions homogènes Réactions surfaciques

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21 - Quand un faible ratio O2/CH4 est utilisé pour l’alimentation du procédé, la sélectivité en produits carbonés en C2 est élevée mais la conversion en méthane et le ratio éthylène/éthane sont faibles. Au contraire, quand un ratio O2/CH4 élevé est utilisé, la sélectivité en C2 est faible et le procédé devient dangereux et plus exothermique puisque la réaction de combustion devient importante.

- La concentration en éthylène dans le flux de sortie est faible et comme le coût de séparation de l’éthylène est élevé, la séparation devient peu rentable.

L’étude du couplage oxydant du méthane se poursuit lors de recherches universitaires utilisant des nouvelles techniques (réacteurs membranes, couplage de réaction endo et exothermique). On peut citer par exemple le projet européen OCMOL (Group 2012) qui a pour but de développer un procédé pour l’exploitation des réservoirs de gaz à faible contenance.

b. L’oxydation partielle catalytique du méthane

L’oxydation partielle catalytique du méthane est également une réaction hétéro-homogène. Cette réaction produit principalement du gaz de synthèse à partir du méthane. Pour obtenir de bons résultats, il est nécessaire de travailler avec un ratio CH4/O2 de 2 (rapport stœchiométrique). Cette réaction sera développée plus en détail dans le paragraphe 3 suivant.

c. La combustion catalytique

La combustion catalytique des hydrocarbures est considérée également comme une réaction hétéro-homogène. De nombreux composés ont été étudiés : propane (Karagiannidis et al. 2009), méthane (Karagiannidis et al. 2007) mais aussi des petites molécules comme l’hydrogène (Mantzaras et al. 2009) et le monoxyde de carbone (Ghermay et al. 2011). Les principaux catalyseurs pour ces réactions sont le platine et le palladium qui sont des catalyseurs très efficaces pour la combustion des hydrocarbures.

d. Autres réactions hétéro-homogènes

i. Effets de parois

Une réaction se produisant au sein d’une phase unique (généralement gazeuse) peut se révéler ne pas être une véritable réaction homogène, en raison « d’effets de parois ». La réaction n’est alors pas purement homogène mais plutôt hétéro-homogène. Ce phénomène dépend de la réaction, de la nature de la surface et du rapport surface/volume du réacteur.

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22 Ces effets de parois peuvent être dus :

- A une réaction hétérogène, indépendante de la réaction homogène et qui se produit en parallèle à celle-ci.

- Ou à des processus hétérogènes étroitement liés aux processus homogènes : processus d’amorçage hétérogènes conduisant à une accélération de la réaction globale ou processus de terminaison hétérogènes dont la conséquence est une inhibition de la réaction.

Il a été reporté par de nombreux auteurs que les métaux mais aussi le quartz ne sont pas totalement inerte pour certaines réactions et conditions (e.g. Thomas et al. 1992).

Dans le cas de l’oxydation partielle homogène du propane, nous pouvons citer l’étude d’Albright et Winter (Albright & Winter 1966) sur les effets surfaciques dans des réacteurs ouvert et fermé en verre. Les effets de surface sont importants durant l’oxydation partielle en phase gazeuse des alcanes légers. Un film carboné est formé sur les parois du réacteur durant l’oxydation du propane. La composition de la surface du réacteur en verre ou en métal change durant l’oxydation. L’amorçage peut se dérouler à la surface selon :

La surface S adsorbe l’oxygène pour produire des radicaux peroxy qui vont ensuite réagir avec des hydrocarbures pour arracher un atome d’hydrogène et ainsi former un radical alkyle. Lorsque le rapport surface/volume du réacteur est élevé, il peut être nécessaire de prendre en compte les réactions à la surface du réacteur. Ce qui est le cas dans les réacteurs annulaires qui sont souvent utilisés pour obtenir des temps de contact très faibles (de l’ordre de la milliseconde) (Beretta, Baiardi, et al. 1999)(Schmidt 2000).

ii. Dépôt de pyrocarbone

Les composites carbone-carbone sont fabriqués par infiltration chimique en phase vapeur ; des hydrocarbures sont pyrolysés à haute température et basse pression pour obtenir une matrice de pyrocarbone qui enveloppe un renfort poreux constitué de fibres de carbone. Cette réaction est également une réaction hétéro-homogène couplant les réactions de pyrolyse d’hydrocarbures en phase gazeuse produisant les précurseurs susceptibles de conduire au dépôt par l’intermédiaire de réactions hétérogènes (Norinaga & Deutschmann 2007).

La formation de pyrocarbone par pyrolyse du propane a été étudiée au sein de notre laboratoire (Ziegler 2004) (Lacroix 2009). Le réacteur utilisé est le réacteur auto-agité catalytique. Un mécanisme comprenant une partie homogène et une partie hétérogène a été validé dans leurs conditions expérimentales. Ils ont mis en évidence que la production de pyrocarbone est principalement due à un dépôt des radicaux méthyles et des petites espèces

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