• Aucun résultat trouvé

Les réactions de craquage hétérogène : activité catalytique du char

La catalyse hétérogène permet d’accélérer un grand nombre de réactions : leurs cinétiques vont être augmentées sans que les produits n’en soient affectés. De manière générale, un catalyseur solide interagit avec un réactif selon les deux mécanismes successifs suivants :

- La physisorption : le réactif, en phase fluide, est adsorbé à la surface du catalyseur solide. La liaison entre le réactif et le solide est faible (forces de Van der Walls). Ce phénomène est favorisé par l’existence de grandes surfaces spécifiques et d’une porosité importante. C’est le cas par exemple des zéolites, qui peuvent servir de tamis moléculaire (séparation de composés légers).

- La chimisorption : le réactif réagit avec le catalyseur pour former des liaisons covalentes. Cette étape permet de créer des complexes entre des sites actifs de surface et des molécules en phase fluide, et ainsi accélérer les cinétiques des réactions. Les sites actifs sont souvent

47 des métaux à la surface des catalyseurs. Les pots d’échappement catalytiques fonctionnent sur ce principe (réduction de NOx en N2 dans les gaz d’échappement).

Le char présente souvent une activité catalytique, notamment les chars issus de biomasses lignocellulosiques car ils présentent en général une porosité importante (> 0,5) et des surfaces spécifiques élevées (> 100 m²/g). La porosité des chars s’explique par la grande quantité de matières volatiles évacuées au cours de la pyrolyse et les différences de comportement entre les CHL : la cellulose ne laisse quasiment pas de résidu solide lors de sa décomposition alors que la lignine produit beaucoup de char. Comme ces deux constituants sont étroitement liés dans la biomasse, il en résulte un solide avec une porosité importante. De plus, cette porosité est constituée en grande partie de micropores et de mésopores, d’où une surface spécifique généralement élevée.

Les chars de biomasse sont donc des matériaux intéressants de part leurs propriétés d’adsorbants (physisorption). L’activation du char à l’air ou à la vapeur d’eau permet d’augmenter la surface spécifique et la porosité, afin d’améliorer leurs propriétés de physisorption. On parle alors de charbons actifs, qui peuvent être utilisés en tant que tamis moléculaires dans des procédés de séparation des gaz ou pour le piégeage des COV dans les fluides par exemple [63, 64].

Les chars de biomasse sont également très intéressants en tant que catalyseurs de craquage, car bien moins cher que les catalyseurs au fer ou au nickel couramment utilisés en industrie. Leur activité catalytique sur la conversion du méthane ou de HAP est intensément étudiée, mais les mécanismes de chimisorption en jeu ne sont pas encore bien compris. L’activité catalytique serait liée à la présence de sites actifs oxygénés à la surface des chars [65, 66] : il semble que la décomposition thermique de ces sites entraîne l’apparition d’atomes de carbone insaturés en surface du char [67]. Le craquage de composés carbonés à la surface du char a pour conséquence la déposition de carbone, ou coke, dans les pores sièges de ces réactions. Ce phénomène résulte en une désactivation du char, c'est-à-dire une baisse de son activité catalytique, en raison de la diminution du volume poreux accessible aux réactifs.

Nous nous intéresserons par la suite aux travaux menés sur l’activité catalytique du char pour le craquage des vapeurs condensables issues de la pyrolyse de biomasse.

3.2.1 Craquage de goudrons de gazéification

Le rôle catalytique du char a été étudié dans le cadre du craquage des goudrons de gazéification. Il pourrait constituer un catalyseur alternatif peu couteux pour la purification des gaz de synthèse. Dans les différents procédés de gazéification existants, des goudrons résiduels se retrouvent en plus ou moins grande concentration dans le gaz en sortie du réacteur. En raison des hautes températures régnant dans ces réacteurs, il s’agit de composés aromatiques tertiaires, réfractaires au craquage thermique comme nous l’avons vu précédemment. Le naphtalène est souvent étudié en tant que composé modèle, car c’est le composant majoritaire des HAP dans les gaz de synthèse.

Les études sur l’activité catalytique du char sont donc menées dans des conditions opératoires particulières, représentatives de celles rencontrées dans des procédés de gazéification : en particulier en présence de fortes concentrations de vapeur d’eau. Dans ces conditions, le char issu de biomasse permet réduire les concentrations en naphtalène dans le gaz de synthèse de plus de 90 % entre 800 et 900°C pour des temps de passage inférieurs à la seconde [68, 69].

Dans de telles conditions opératoires, l’activité catalytique du char est notable car il subit des réactions de gazéification en présence de vapeur d’eau ou de CO2. Ces réactions entraînent une activation permanente du char de part la création de nouveaux sites actifs et en prévenant le bouchage des pores par cokéfaction.

3.2.2 Craquage des vapeurs de pyrolyse

L’influence d’un lit de char sur le craquage des vapeurs de pyrolyse a également été étudiée à des températures plus faibles, entre 400 et 700°C. Dans ces conditions opératoires, on se trouve en présence de vapeurs de pyrolyse majoritairement constituées de composés primaires et secondaires à des concentrations élevées.

Peu d’études concernant cette problématique ont été menées. Nous avons rassemblé les résultats disponibles dans la littérature pour des configurations expérimentales d’intérêt dans notre étude (Tableau 6). Il s’agit de montages expérimentaux où des vapeurs de pyrolyse sont générées dans un réacteur en batch puis dirigées vers un lit de char préchauffé dans un réacteur tubulaire. Nous nous sommes restreints aux résultats obtenus pour des températures de craquage comprises entre 400 et 600°C 5.

Tableau 6 : Comparaison des effets d’un lit de char sur le craquage des vapeurs de pyrolyse tel qu’observé par différents auteurs (différences nettes par rapport au craquage thermique seul)

Boroson et al. [70] Sun et al. [71] Gilbert et al. [72] Température de craquage 400°C 500°C 600°C 500°C 600°C 600°C

Vapeurs condensables -5,3 % -5,5 % -4,8 % -13 % -10 % +2 %

Gaz permanents +2,8 % +3,4 % +3,7 % +11 % +17 % +5 %

Gaz majoritaire CO2 CO2 / H2 CO2/CO

Temps de passage < 0,1 s 2,2 s 11,3 s

Bien que les conditions opératoires soient différentes d’une étude à l’autre, dans tous les cas l’ajout d’un lit de char dans la zone de craquage provoque l’augmentation de la production de gaz permanents, notamment de CO2. Boroson et al. [70] ainsi que Sun et al. [71] observent parallèlement

5

Les auteurs ayant testé des températures supérieures à 600°C ont observé des réactions de gazéification du lit de char par la vapeur d’eau générée durant l’étape de pyrolyse. Les bilans de matière sur les produits en sortie étaient donc supérieurs à 100 % pour ces expérimentations. Les interprétations des résultats sont plus délicates dans ces conditions opératoires.