• Aucun résultat trouvé

Questions sur les propriétés des molécules

Chapitre V : Conceptions alternatives présentes chez les apprenants

Thème 3 Questions sur les propriétés des molécules

Les différentes conceptions alternatives mises en évidence ci-après l’ont été en regard à des molécules organiques, mais elles sont également applicables à des molécules inorganiques, étant donné qu’elles concernent les propriétés physico-chimiques des molécules. Les références de la littérature peuvent donc aussi bien être tirées d’articles portant sur la chimie générale que d’articles consacrés uniquement à l’étude de molécules organiques, étant donné que la conception alternative est équivalente quelle que soit la molécule utilisée.

CA11 : N’importe quel hydrogène peut être utilisé pour faire une liaison hydrogène

Les liaisons hydrogène représentent un type de liaison particulier que les élèves doivent maitriser afin de comprendre toute une série de concepts, aussi bien en chimie générale qu’en chimie organique. Afin de vérifier leur compréhension, les élèves ont dû identifier la définition correcte d’une liaison hydrogène et déterminer si les molécules qui leur sont présentées sont capables de faire des liaisons hydrogène ou non. Seuls 22% des élèves retrouvent la définition correcte d’une liaison hydrogène. Plusieurs types d’erreurs sont commis par les élèves :

- 37% des élèves pensent qu’une liaison hydrogène se fait au sein d’une molécule et non pas entre deux molécules (sauf exception) ;

190

- 41% des élèves pensent que n’importe quel hydrogène peut être utilisé pour faire une liaison hydrogène et oublient que cet hydrogène doit être lié à un élément fortement électronégatif ; - Seulement 47% des élèves identifient la molécule d’eau comme étant capable de faire des

liaisons hydrogène ;

- Seulement 20 à 32% des élèves identifient correctement les fonctions alcool, amine et acide carboxylique qui leur sont présentées comme étant capables de faire des liaisons hydrogène ; - 42 à 45% des élèves pensent qu’un alcène ou un aldéhyde est capable de faire une liaison

hydrogène, alors que ce n’est pas le cas dans les molécules proposées.

La notion de liaison hydrogène ne semble pas réellement comprise comme on peut le voir suite à ces nombreuses erreurs commises par les élèves. Cette problématique a déjà été identifiée auparavant et n’est donc pas surprenante. [4], [56], [135], [138]

Comment éviter cette conception alternative ?

 Revoir la définition des liaisons hydrogène lorsque l’on aborde les propriétés des molécules organiques avec les élèves. Cette définition est a priori découverte par les élèves en quatrième, c’est-à-dire l’année précédent les chapitres concernant la chimie organique. Il serait probablement pertinent de reprendre avec les élèves quelques généralités sur ce qu’est une liaison hydrogène afin de mieux ancrer cette notion.

 Insister sur les deux conditions nécessaires à la formation d’une liaison hydrogène : la présence d’un hydrogène lié à un élément fortement électronégatif et la présence d’un doublet non liant disponible sur un élément fortement électronégatif. Les trois éléments fortement électronégatifs permettant de faire des liaisons hydrogène sont le fluor, l’oxygène et l’azote, un moyen mnémotechnique qui peut être transmis aux élèves est de dire « ils FON des liaisons hydrogène », insistant ainsi sur la nécessité de la présence d’un F, d’un O ou d’un N.

 Rappeler qu’une liaison hydrogène relie plusieurs molécules entre elles, et qu’il s’agit donc d’une liaison intermoléculaire et non intramoléculaire (sauf cas particulier). Les élèves ont découvert précédemment qu’il existe plusieurs types de liaisons au sein d’une molécule (les liaisons covalentes pures, covalentes polarisées et ioniques). La liaison hydrogène peut être abordée comme étant un nouveau type de liaison, qui ne peut pas être rangé dans la même catégorie que ces trois types de liaisons. En effet, les liaisons covalentes et ioniques permettent de relier des atomes afin de former des molécules, alors que les liaisons hydrogène permettent de lier différentes molécules.

 Utiliser des expériences interactives sur ordinateur afin de montrer aux élèves ce que représente une liaison hydrogène[139] : une équipe de chercheurs aux États-Unis a développé un outil de simulation des liaisons hydrogène en milieu aqueux permettant aux élèves d’améliorer leur niveau de compréhension de la liaison hydrogène. Ce genre d’outil pourrait être transposé à l’enseignement secondaire francophone afin d’en faire profiter nos élèves.

CA12 : La température d’ébullition d’une molécule dépend du nombre de liaisons au sein de cette molécule

Lorsque l’on demande aux élèves pourquoi l’alcool a une température d’ébullition plus élevée que l’alcane correspondant, une autre des justifications proposées par les élèves lors de notre premier questionnaire est qu’il y a plus de liaisons dans la molécule d’alcool que dans la molécule d’alcane, et

191

que donc il faut plus d’énergie pour casser ces liaisons. Cette explication a été reprise comme distracteur lors de notre QCM et 30% des élèves ont choisi cette réponse. De plus, 22% des élèves pensent qu’il suffit de rompre les liaisons hydrogène pour changer d’état. Bien que n’étant pas totalement fausse, cette réponse est à relativiser au vu de la faible compréhension de la notion de liaison hydrogène par les élèves, comme nous l’avons vu juste avant. En effet, il est fort probable que, parmi les élèves ayant opté pour cette réponse, certains ont enregistré une définition erronée des liaisons hydrogène et qu’ils l’assimilent à n’importe quelle liaison que peut faire un hydrogène, augmentant ainsi le pourcentage d’élèves qui pensent qu’il faut rompre les liaisons au sein de la molécule afin de la faire passer en phase gazeuse. Dans la littérature, nous retrouvons d’ailleurs une étude[118] qui a effectivement mis en avant que les élèves ont effectivement compris qu’il existe un lien entre les forces intermoléculaires et la température d’ébullition, mais que les élèves assimilent les forces intermoléculaires aux forces au sein d’une molécule et non pas entre plusieurs molécules. Nous voyons ici que les élèves n’ont pas compris que ce ne sont pas les liaisons dans la molécule qu’il faut casser pour passer de l’état liquide à l’état gazeux, mais que ce sont bien les forces intermoléculaires, entre les molécules, qu’il faut rompre. Cette conception alternative est déjà largement documentée dans la littérature[56], [140], et les élèves de l’éducation belge ne font donc pas exception.

Comment éviter cette conception alternative ?

 Utiliser des schémas, des dessins, des modèles moléculaires ou des simulations vidéo pour montrer aux élèves ce qu’il se passe au cours d’un changement d’état, en représentant les molécules en phase liquide et en phase gazeuse, permettant aux élèves de visualiser que les molécules restent identiques quelle que soit la phase considérée.

 Montrer un contre-exemple à cette conception alternative en comparant une petite molécule, contenant peu de liaisons, à une grande molécule, contenant beaucoup de liaisons, mais dont la température d’ébullition est plus basse que celle de la petite molécule, par exemple l’eau (Téb = 100°C) et le diethyléther (Téb = 35°C) ou le benzène (Téb = 80°C).

 Utiliser une séquence d’apprentissage développée et testée par une chercheuse aux États-Unis et qui a prouvé son efficacité [141] : les élèves démarrent la séquence par un laboratoire leur permettant de mesurer la température d’ébullition de différents liquides. Ensuite, il leur est demandé de classer différentes molécules en fonction de leur température d’ébullition (un tableau reprenant les températures d’ébullition ainsi que la structure condensée d’une quinzaine de molécules leur est fourni) et de déterminer quels liens existent entre la structure d’une molécule et sa température d’ébullition.

CA13 : Une molécule polaire est une molécule composée uniquement de liaisons polarisées

Outre les liaisons hydrogène et l’évaporation des molécules, le troisième concept de chimie générale posant problème lors de son application à des molécules organiques est la notion de polarité. Il existe déjà un certain nombre d’études qui ont mis en avant la présence de conceptions alternatives concernant la polarité des molécules, dont celle que nous retrouvons chez les élèves belges.[118], [142] Nous confirmons ici que ce concept n’est pas suffisamment intégré par les élèves pour être appliqué correctement aux molécules organiques.

192

Pour commencer, lors de notre QCM, nous demandons aux élèves de sélectionner la définition correcte d’une molécule polaire. Ensuite, nous proposons plusieurs molécules aux élèves et leur demandons d’identifier les molécules polaires. Seuls 22% des élèves choisi la définition correcte et, sans grande surprise, les résultats ne sont pas meilleurs pour la deuxième étape.

La majorité des élèves (55%) pense que la totalité des liaisons au sein d’une molécule doivent être polarisées afin que la molécule soit polaire. Ainsi, la seule molécule qui est correctement identifiée par les élèves comme étant polaire est la molécule d’eau, qui correspond à « leur » définition d’une molécule polaire, puisque toutes ses liaisons sont polarisées. Cependant, pour les différentes molécules organiques proposées, seuls 45 à 51% des élèves identifient correctement l’alcool, l’aldéhyde et l’acide carboxylique comme étant polaires, et 35 à 58% des élèves identifient également l’alcane, l’alcène et l’amine proposés comme étant polaires, alors qu’ils ne le sont pas. Nous voyons ici que les pourcentages sont tous très similaires et qu’il n’y a donc pas de réelle compréhension de la manière de déterminer si une molécule est effectivement polaire ou non.

Comment éviter cette conception alternative ?

 Cette conception alternative combine de nombreuses erreurs possibles et semble donc difficile à contrer simplement. En effet, l’élève peut mal interpréter beaucoup de choses ou ne pas avoir compris une des nombreuses étapes permettant de déterminer si une molécule est polaire. Nous renvoyons donc le lecteur vers d’autres études plus approfondies sur le sujet.[143], [144]

Les trois conceptions alternatives reprises dans ce thème ont déjà été largement étudiées dans la littérature et ont fait l’objet d’une thèse de doctorat à Montréal en 2014.[143] Une analyse beaucoup plus détaillée ainsi que des propositions concrètes permettant aux enseignants de contourner ces conceptions alternatives sont reprises dans cette thèse québécoise et dans un manuel scolaire de Chimie Organique coécrit par l’auteure de cette thèse.3