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Q6 – Préfères-tu un médicament naturel ou synthétique ?

Avec certains élèves, nous avons eu le temps d’aborder une dernière question concernant les médicaments. Une conception assez répandue parmi la population est que la chimie et les « produits chimiques » ont une connotation négative, alors que ce qui est « naturel » est vu comme positif. Nous avons donc demandé aux élèves leur avis sur la question, en partant de la synthèse des médicaments.

Pour commencer, nous avons demandé aux élèves si les médicaments font partie de la chimie organique ou non. Les différents élèves avec lesquels nous avons parlé des médicaments ont tous été capables de dire qu’ils font partie de la chimie organique.

Ensuite, nous leur avons demandé comment sont fabriqués les médicaments. Ils ont tous leur idée là-dessus, certains étant plus proches de la réalité que d’autres.

« Je pense qu'on met du sucre... enfin je pense qu'il y a du sucre dedans. » - E08

« On va d'abord chercher dans la nature des molécules qui réagissent et puis on essaie de les copier. Et en fait d'isoler la molécule active, qui va permettre par exemple d'éliminer le mal de tête, […] et

après on essaie de la répliquer le mieux possible. » - E11

Pour les élèves ne sachant pas exactement comment sont produits les médicaments, nous leur avons rapidement expliqué qu’il est possible de les fabriquer au départ de plantes, ou entièrement en laboratoire.

Les élèves choisissent un médicament naturel ou synthétique

Nous leur avons ensuite présenté un choix : en supposant qu’un médicament puisse être fabriqué par les deux méthodes proposées (en laboratoire et issu de la nature), quel médicament choisiraient-ils ? La majorité des élèves préfère le médicament issu de la nature, mais sans réel argument derrière.

« Techniquement celui des plantes, puisqu’il y a moins d'éléments chimiques dedans, et donc c'est plus naturel. […] Je préférerais quand même la plante puisque c'est naturel et que, ben les médicaments, l'homme a travaillé dessus et il y a souvent des effets secondaires. […] Je prendrais

quand même la plante pour, question de morale. » - E12

« Je pense que je prendrais plus les plantes parce que c'est naturel. […] Je préférerais ça plutôt que quelque chose qui est fait en laboratoire, j'aurais plus confiance. » - E06

Certains sont conscients qu’il n’y a aucune différence dans l’efficacité du médicament, mais le « naturel » l’emporte.

« Je préfère la nature parce que c'est plus "swag". Mais je préférerais la nature parce que genre, laboratoire il y a toujours ce truc genre "c'est pas naturel". […] Psychologiquement ça fonctionne, moi

je préfère avec la nature, mais ça change rien. Pour moi je pense pas que ça change grand-chose, mais... psychologiquement moi je préfère. » - E11

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Pour d’autres, le médicament issu d’un laboratoire serait même « plus perfectionné », mais ils préfèrent toujours celui issu de la nature.

« Je dirais à partir de la nature. […] Je préfère quand c'est naturel mais après c'est peut-être moins efficace et moins perfectionné. » - E10

Un seul élève choisirait le médicament fabriqué en laboratoire, pour son efficacité qui serait supérieure.

« Laboratoire je pense. Parce que pour moi il sera mieux fait, plus réfléchi et s'il a été fait en laboratoire et qu'il est vendu, c'est qu'il a déjà été testé et que ça a marché du coup je fais plus

confiance à ça. » - E08

Certains élèves ont cependant un bon argument pour choisir le médicament issu de la nature. Leur enseignant leur a parlé des différents isomères possibles pour une molécule et des effets secondaires que peut avoir un isomère et pas l’autre. Un exemple connu de médicament ayant posé ce genre de problème est la thalidomide, dont la forme lévogyre a des effets anti-nauséeux, tandis que la forme dextrogyre a des effets tératogènes. Le fait d’obtenir un médicament en l’extrayant d’une plante permet d’éviter ce genre de soucis étant donné que la plante ne produit qu’un seul isomère.

« Je prendrais plutôt celui de la plante, parce que... On avait parlé des […] isoméries de structure, et par exemple dans les médicaments, dépendant de l'isomérie justement, dans quel sens sont agencées

les molécules, […] les effets du médicament ne seront pas forcément les mêmes, de là les effets secondaires qu'il peut y avoir, parfois. Alors que dans une plante, s'il y a telle molécule dont on a besoin dans un médicament, la molécule sera toujours composée […] dans le même sens. » - E04

N’oublions pas que ce n’est qu’un cas possible parmi d’autres. En effet, la nature pourrait ne produire que le mauvais isomère. De plus, certains médicaments ne sont pas issus de la nature et il n’est donc pas possible de les obtenir en dehors d’un laboratoire.

Conclusion

Le but premier de ces entretiens semi-dirigés est d’essayer de mettre en évidence les problèmes de compréhension liés aux réactions organiques, et d’évaluer le niveau de compréhension des élèves face à ces réactions.

Nous avons constaté que la notion même de réaction pose énormément de problèmes, avant même de nous attaquer à la notion de réaction organique. Il serait donc nécessaire d’effectuer un travail complet sur la notion de réaction, et nous ne pourrons malheureusement pas nous attaquer à cette problématique au sein de ce travail. Nous choisissons donc, pour la suite de ce travail, de nous focaliser sur la notion de synthèse organique plutôt que sur les réactions à proprement parler. Nous n’écrirons donc pas de réactions sous la forme « A + B  C + D ». Nous faisons le choix de présenter aux élèves une autre manière d’appréhender les réactions organiques comme étant un moyen de transformer une fonction organique en une autre fonction organique.

Le deuxième constat principal que nous pouvons faire suite à ces entretiens concerne la définition de la chimie organique et sa place dans notre quotidien. À l’instar de nos questionnaires écrits, nous

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observons que les élèves n’ont pas une définition correcte de ce qu’est la chimie organique, beaucoup d’élèves l’assimilant à la chimie du vivant. Dérivant de cela, ils ne savent pas donner une grande variété d’exemples de produits organiques dans la vie quotidienne, à l’exception des exemples qu’ils ont vus précédemment au cours. Ils sont donc incapables de déterminer si un produit « nouveau » est organique ou non, sans un certain guidage de notre part.

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Chapitre V : Conceptions alternatives présentes chez