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À l’instar des résultats obtenus concernant les objectifs, nous constatons que certaines capacités scientifiques sont entrainées dans la majorité des documents analysés (C1 à C4, C6, C7 et C10) alors que d’autres capacités ne sont que peu voire pas du tout présentes (C5, C8, C9 et C11).

En poussant notre analyse un cran plus loin, nous constatons que certains objectifs/capacités sont directement liés à l’étude d’une fonction particulière. Par exemple, l’objectif O2 (sont en interaction étroite avec les développements technologiques) et la capacité C10 (Etablir des liens entre les développements des sciences et des technologies) sont à chaque fois présents au sein du chapitre concernant les alcènes et les polymères. L’objectif O4 (sont des sciences expérimentales contribuant à mettre en place des démarches rationnelles aptes à résoudre des problèmes) et la capacité C4 (Utiliser des procédures expérimentales) sont quant à eux principalement présents au sein du chapitre concernant les esters. On peut donc pointer que ces objectifs/capacités ne sont pas abordés de manière transversale, mais sont plutôt associés à une fonction précise.

De manière complémentaire, les objectifs et capacités ne se retrouvant pas dans les chapitres consacrés à la chimie organique nous semblent particulièrement propices à l’abord de la chimie organique de manière globale et non fonction après fonction. Ainsi, il nous semble que la capacité C5 (Bâtir un raisonnement logique) peut être entrainée en appliquant ce que l’on apprend sur une fonction à une autre fonction similaire, en laissant par exemple les élèves imaginer des règles de nomenclature ou de réactivité d’une fonction en les dérivant de celles d’une autre fonction. La capacité C8 (Utiliser les outils mathématiques et informatiques adéquats) peut également se développer en présentant aux élèves des logiciels de représentation de molécules et en leur demandant de représenter des molécules ou des réactions afin de dresser des tableaux récapitulatifs reprenant un ensemble de fonctions ou de réactions. La mise en application de ces objectifs/capacités serait favorisée par une approche globale de la chimie organique et non pas structurée par fonctions ou par réactions, ce qui est le cas pour la majorité des documents présents dans le corpus, comme nous allons le voir ci-dessous.

La structuration du savoir à enseigner

Notre analyse de la structuration du savoir à enseigner au sein des différents livres et programmes d’enseignement du corpus montre l’omniprésence de la structuration par fonction (les alcanes, puis les alcènes, puis les alcools, etc…). Cette structuration se constate immédiatement en parcourant la table des matières des différents ouvrages, ou en observant le découpage effectué par les concepteurs de programmes d’enseignement en chimie organique.

Cette structuration du savoir à enseigner est historique et présente chaque fonction l’une après l’autre, en détaillant sa structure, ses propriétés, sa nomenclature et, parfois, une réaction qu’elle peut subir. L’ordre des fonctions est presque toujours identique et suit une progression liée à leur complexité : les premières fonctions abordées sont les hydrocarbures (alcanes, alcènes et parfois alcynes), suivies des alcools, qui mènent parfois aux fonctions aldéhydes et cétones. Viennent ensuite les fonctions acides carboxyliques et esters. Les fonctions azotées (amines et amides) sont parfois abordées. Cette logique est suivie par l’ancien référentiel de compétences, tous les anciens programmes et les manuels écrits à cette époque. Pour illustration, voici un extrait de la table des matières portant sur les chapitres de chimie organique d’un livre de 5ème et 6ème années.

65 Les alcanes

Les alcènes

Des alcènes aux polymères de polyaddition Les alcools

Les aldéhydes et les cétones

Réactions réversibles et équilibre chimique dynamique (estérification)

Extrait de la table des matières du Pirson, 2004

Le nouveau référentiel de compétences tente d’innover quelque peu en modifiant l’ordre des différentes fonctions. On y aborde tout d’abord les alcanes ainsi que les fonctions nécessaires à l’abord de la réaction d’estérification (alcools, acides carboxyliques et esters). Les alcènes et les fonctions azotées sont quant à elles vues en deuxième partie de cours. Les programmes et manuels élaborés en suivant ce nouveau référentiel ont donc adopté le même ordre de découverte des fonctions organiques.

Certains programmes et certains manuels ont choisi de nommer leurs différents chapitres non pas en termes de fonctions mais en termes de réactions. Cependant, chaque réaction vue en secondaire étant typiquement associée à une fonction particulière, ceci revient exactement à faire une structuration par fonction. Pour illustration, voici un extrait de la table des matières portant sur les chapitres de chimie organique d’un livre de 5ème et 6ème années, dans laquelle nous reconnaissons l’ordre des fonctions imposé par le nouveau référentiel et un découpage établi sous forme de fonctions, bien que les titres des chapitres ne soient plus directement des noms de fonctions organiques.

Classification des composés organiques et inorganiques Représentation et nomenclature des alcanes

Composés oxygénés en chimie organique et leurs usages Combustion des alcanes

Réaction d’estérification Réaction de saponification

Synthèse des polymères et structure des protéines Les matières plastiques

Extrait de la table des matières du Pirson, 2018

Ainsi, nous pouvons conclure que l’ensemble des documents présents dans le corpus impose une structuration par type de fonction, bien que l’ordre des fonctions varie entre l’ancien et le nouveau référentiel de compétences. Seul un programme n’impose pas clairement de structuration. Comme nous l’avons vu précédemment, certains chercheurs ont déjà déterminé qu’une telle structuration n’était pas bénéfique à l’élève. D’une part, elle ne permet pas à l’élève d’avoir une vue d’ensemble de la chimie organique, de toutes ses fonctions et des propriétés de celles-ci. D’autre part, cette structuration favorise la stratégie de restitution.[1], [54], [60], [67] Or, les objectifs avancés par le référentiel de compétences sont clairs : il faut au contraire favoriser une vision globale (O6) et utiliser des capacités de raisonnement pour résoudre des problèmes (O3, O4, O9) et non pas apprendre par cœur quelques règles et définitions. Il nous semble donc pertinent de remettre en cause la structuration préétablie par les référentiels de compétences.

66 Les grands thèmes abordés

Une autre façon de caractériser le savoir à enseigner repris dans les documents du corpus est d’établir une distinction des savoirs sur base des différents thèmes abordés. Pour rappel, voici les différents thèmes que nous avons choisi de considérer :

- Thème 1 – Généralités - Thème 2 – Structure - Thème 3 – Propriétés - Thème 4 – Réactions - Thème 5 – Nomenclature

Pour chaque fonction abordée, nous pouvons ainsi envisager de présenter le groupe fonctionnel et des généralités le concernant (Thème 1), les structures particulières de cette fonction, principalement les isomères possibles et la structuration tridimensionnelle (Thème 2), les propriétés physiques de molécules porteuses de cette fonction (Thème 3), une ou plusieurs réactions impliquant cette fonction (Thème 4) ainsi que la nomenclature propre à cette fonction (Thème 5).

Nous avons repéré dans chaque document du corpus la présence ou non de chacun de ces cinq thèmes à propos de chaque fonction. Ceci permet de mettre en évidence l’importance de certains thèmes par rapport à d’autres, ainsi que l’abord partiel de certaines fonctions pour lesquelles seuls certains thèmes sont abordés, comme nous pouvons le voir sur la figure 2.3.

Figure 2.3 : Vue d’ensemble des différents thèmes abordés au sein de chaque fonction organique. L’aire de chaque cercle est proportionnelle au nombre de documents du corpus abordant chaque thème au sein de chaque fonction.

Généralités Structure Propriétés Réactions Nomenclature

Présence des différents thèmes au sein de chaque fonction