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État de l'art : que nous apprennent les modules neige existants ?

8.3. Questions à analyser de façon objective

8.3.2. Questions liées à la fonte – la méthode degrés-jour

La méthode degrés-jour est, sans contestation possible, la plus répandue dans les modèles hydrologiques ayant un module neige, principalement du fait de sa simplicité d'utilisation. Elle n'a besoin en données d'entrée que de la précipitation et de la température de l'air, données aisément disponibles en pratique. Dans ce paragraphe, nous abordons les éléments liés à la fonte qui nous semblent les plus importants à considérer dans un module neige de ce type (le paragraphe 8.3.4 abordera ensuite les questions relatives à des modélisations plus raffinées de la fonte).

La formulation mathématique générale la plus simple de l'approche degrés-jour est :

Si T

( )

z, j >Tf, FONTE

( )

z, j =Kf ×

(

T

( )

z, jTf

)

Eq. 8-3 Sinon, FONTE

( )

z,j =0

FONTE ,

( )

z j est la quantité d'eau fondue (mm) pour la zone z et le pas de temps j

considérés, T

( )

z,j est la température de l'air (°C), T est la température de fonte (°C) (en-f

dessous il n’y a pas de fonte) et K est le facteur de fonte (mm/°C). f

CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

8.3.2.1. Faut-il utiliser un facteur de fonte constant ou variable au cours de la saison ?

L'approche la plus simple consiste à utiliser la formulation de la méthode degrés-jour telle qu'elle se présente dans l'Eq. 8-3 avec un facteur de fonte constant quelles que soient les conditions. De nombreux modules ont fait ce choix parmi lesquels nous retiendrons HBV (Bergström, 1975), MOHYSE (Fortin et Turcotte, 2007), les différentes versions de MORDOR (Garçon, 1999; Paquet, 2004) ou encore NAM (DHI, 2009). Néanmoins, il est aussi possible de raffiner cette approche en considérant :

• un facteur de fonte variable avec la saison. Au fur et à mesure que la saison avance, la valeur de K augmente, reflétant l'augmentation des apports énergétiques (et la f

diminution de l'albédo). Le module neige SIMHYD (Chiew et al., 2002) considère par exemple une augmentation progressive du facteur de fonte passant de 3.0 mm/°C en début de saison de fonte à 4.2 mm/°C en fin de saison pour des bassins australiens. Le module neige SNOW17 (Franz, 2006) utilisé par le National Weather Service aux Etats-Unis ou encore SWAT (Lévesque et al., 2008) voient leur facteur de fonte évoluer entre une valeur minimale (au 21 décembre) et maximale (au 21 juin) suivant une sinusoïde (Figure 8-7). • un facteur de fonte dépendant d'autres éléments tels que le couvert végétal du bassin. Dans

sa version initiale décrite par Morin (1997), le module neige CEQUeau distingue ainsi deux lames de fonte différentes : une en terrain découvert et une en terrain boisé. Pour chacune des zones, des valeurs différentes des deux paramètres K et f T sont f

considérées.

Figure 8-7 : Évolution saisonnière du facteur de fonte suivant une sinusoïde entre une valeur minimale au 21 décembre et une valeur maximale au 21 juin (ces deux grandeurs étant à optimiser ou à fixer par le modélisateur). CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

8.3.2.2. Quelle température de fonte faut-il utiliser ?

Deux solutions sont envisagées pour déterminer la valeur de la température de fonte, T : f

T est un paramètre libre du module neige à optimiser de la même façon que les autres f

paramètres. CEQUeau (Morin, 1997) ou encore HBV (Bergström, 1975) ont opté pour cette solution.

T est un paramètre à fixer en amont de l'étape de calage. En général, la valeur choisie est f

de 0 °C mais peut être adaptée. Elle dépend alors des caractéristiques du bassin versant et permet surtout de corriger d'éventuelles différences d'altitude (et donc de température représentative), par exemple entre le point de mesure et l'altitude médiane du bassin ou de la zone d'altitude. MOHYSE (Fortin et Turcotte, 2007) et NAM (DHI, 2009) fonctionnent avec ce système.

Néanmoins, au cours de leurs travaux, Kokkonen et al. (2006) ont mis en évidence l'existence d'une interaction forte entre T et f K dans le cas où ces deux paramètres sont laissés libres f

pour l'optimisation du module neige. Pour cette raison, nous chercherons à fixer T en amont f

du calage.

Enfin, les versions globales du module neige MORDOR (MORD10 et MORD4) n’utilisent pas de température de fonte telle que les autres approches l’entendent. Une comparaison de deux indices de température a été préférée, ces indices étant des pondérations différentes de

( )

z j

T , , des pas de temps précédents et d’autres éléments plus indirects tels que le pourcentage de bassin enneigé ou l’hypsométrie des bassins (cf. Annexe F).

8.3.2.3. Faut-il préférer une approche degrés-jour restreinte ?

Nous avons vu au Chapitre 3 que certains auteurs préconisaient l'utilisation d'une formule degrés-jour enrichie d'un terme de rayonnement afin de mieux prendre en compte les processus de fonte. Ainsi Hock (2003) suggère l'ajout d'un terme de radiation suivant :

Si T

( )

z, j >Tf, FONTE

( )

z, j =Kf ×

(

T

( )

z, jTf

)

R×Ray

( )

j Eq. 8-4 Sinon, FONTE

( )

z,j =0

où, par rapport à l'Eq. 8-3, un deuxième terme a été introduit pour calculer la fonte, avec

α

R

-2

( )

CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

N'ayant pas à notre disposition de données de radiation nette ou même d'ensoleillement, nous pouvons cependant imaginer utiliser le rayonnement extraterrestre. Exprimé en W.m-2, celui-ci ne dépend que du jour julien et de la latitude du point considéré. Cette variable augmente d'autant plus qu'on est proche du 21 juin, ce qui a pour conséquence d'accélérer progressivement la vitesse de fonte du stock de neige d'après l'Eq. 8-4. La Figure 8-8 montre ainsi des rayonnements extraterrestres quasiment identiques en France, en Suisse et au Québec, les latitudes étant du même ordre de grandeur. Nous pouvons d'ores et déjà noter un risque de double-emploi avec le premier terme de l'Eq. 8-4. En effet, la température T

( )

z,j

est déjà un intégrateur de l'accélération de la fonte avec le réchauffement de l'atmosphère. Les deux termes de l'équation vont donc en général dans le même sens.

Figure 8-8 : Évolution du rayonnement extraterrestre pour une année calculé pour quatre bassins versants. Le bassin français est représenté par les traits larges verts, le suisse par la ligne rouge, le suédois par les traits bleus et le québécois par les pointillés orange.

8.3.2.4. Faut-il calculer un bilan des énergies nécessaires à la fonte et l'ETR ?

En pratique, l'énergie disponible à un pas de temps j donné ne peut pas être utilisée deux fois : elle sert soit pour la fonte, soit pour l'évapotranspiration réelle. Nous nous sommes donc interrogés sur le bien-fondé de poser un bilan d'énergie simple afin de respecter ce principe. Pour ce faire, il faut choisir à quel phénomène la priorité est donnée (fonte ou ETR), puis établir un bilan d'énergie pour déterminer la part d’ETP restante pour le phénomène non prioritaire. Il ne s'agit pas ici de réaliser un bilan d'énergie complet, délicat (voire impossible !) à l'échelle globale du bassin versant ou des bandes d'altitude, à laquelle nous raisonnons. Nous souhaitons savoir s'il est préférable d'éviter la double utilisation de l'énergie disponible dans la donnée d'entrée qu'est l'ETP.

Cette approche a été utilisée par Makhlouf (1994). Il considère que la fonte est "prioritaire" sur l'ETR. Il calcule la lame d'eau qu'il serait possible d'évaporer avec l'énergie utilisée par la

CemOA

: archive

ouverte

d'Irstea

( ) ( ) ( ) ( )

5 . 7 j FONTE j ETP j ETP L j FONTE Lf × = v× ff = Eq. 8-5

L est la chaleur latente de fusion de la glace (égale à 334 kJ.kgf -1 à 0 °C), L est la chaleur v

latente d'évaporation de l'eau (égale à 2501 kJ.kg-1 à 0 °C), FONTE

( )

j est la lame de fonte calculée à partir de la formule degrés-jour (Eq. 8-3) pour le pas de temps j considéré et

( )

j

ETPf est la quantité d'eau qu'il aurait été possible d'évaporer avec l'énergie mobilisée pour la fonte pour ce même pas de temps j.

Se basant sur l'inégalité ETPf

( )

j +ETR

( )

jETP

( )

j pour un pas de temps j donné, l'évapotranspiration réelle restante peut être déduite.