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Premier questionnement : quelles définition, mesure et quantification de la neige qui

2.2. Nature des précipitations

Une des premières interrogations soulevées au cours de cette thèse a été la détermination de la nature des précipitations : comment savoir si les précipitations enregistrées par les instruments de mesure sont tombées sous forme liquide (pluie) ou sous forme solide (neige) ?

Pour aborder ce sujet, un bref rappel de météorologie générale se trouve en Annexe A et traite de la genèse des précipitations. Dans ce paragraphe, nous nous concentrons sur le type de précipitations qui nous intéresse, à savoir la neige et ses conditions d'apparition, à travers un jeu de questions / réponses. Puis, nous évoquons la question de la différenciation pluie / neige dans la modélisation hydrologique.

2.2.1. Conditions de formation de la neige

1) D'après Météo-France : "97% des précipitations à nos latitudes prennent naissance dans des nuages à température négative"… Cela signifie-t-il que les précipitations sont à l'état solide à l'intérieur du nuage?

Non, pas systématiquement. Un nuage peut contenir des gouttelettes d'eau surfondue à des températures extrêmement négatives (jusqu'à -40°C). Aussi, à une température comprise entre 0 et -10°C, la proportion d'eau liquide sera non négligeable, conduisant à la formation de pluie, et non de cristaux de glace à l'intérieur même du nuage (pourtant déjà froid). Dubé (2003) donne des ordres de grandeur des proportions d'eau liquide et solide en fonction de la température :

"On estime qu'à -10 °C, 60 % des nuages contiennent de la glace. A -15 °C, la proportion augmente à 90 %, et à -20 °C, elle passe à 100 %".

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2) Dans le cas de formation de cristaux de glace dans le nuage, restent-ils solides jusqu'à atteindre le sol ?

La nature des précipitations atteignant le sol est étroitement liée à la température de l'atmosphère sous le nuage duquel tombent les cristaux de glace. De nombreuses situations sont possibles dans la réalité. Les plus triviales sont représentées par la Figure 2-1 :

• Lorsque la température est négative1 de la base du nuage jusqu’au sol, les précipitations tombent sous forme de neige.

• Lorsque la température devient positive, les précipitations atteignant le sol sont liquides. • Il arrive que l’atmosphère présente un profil de température plus complexe : négative

directement sous le nuage, elle devient positive lorsque les précipitations se rapprochent du sol : les précipitations passent à l'état liquide. Puis elle redevient négative à l’approche du sol modifiant une nouvelle fois les précipitations. La nature de celles-ci dépend alors de l’épaisseur de la couche d’air à température négative : si l’épaisseur est suffisante, du grésil est observé au sol, sinon, ce sera de la pluie verglaçante (l’eau reste en surfusion et ne gèle qu’au contact du sol).

T < 0°C T < 0°C T > 0°C T < 0°C T > 0°C T < 0°C

Figure 2-1 : Nature des précipitations atteignant le sol en fonction du profil de température de l'atmosphère. Les hexagones gris représentent la neige, les ronds bleus, la pluie et les polygones bleus et blancs de la pluie retransformée à l'état solide ou en surfusion.

1

Pour simplifier, nous avons choisi ici de considérer une température seuil égale à 0°C pour déterminer la nature des précipitations. Nous restons tout de même conscient que la réalité n’est pas aussi simple (cf. paragraphes suivants) mais ce seuil permet de comprendre comment peut évoluer une précipitation en atmosphère libre.

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3) De quels éléments dépend la nature des précipitations observées ?

Nous avons vu dans le paragraphe précédent que le profil de température de l'atmosphère joue un rôle primordial dans la détermination de la nature des précipitations au sol. Néanmoins, ce n'est pas l'unique facteur justifiant la présence éventuelle de neige. Murray (1952) a en effet montré que la nature des précipitations pouvait s'expliquer en fonction de divers facteurs météorologiques tels que la largeur des couches 1000-700 mb ou 1000-500 mb, l'altitude de l'isotherme zéro ou encore les températures de l'air mesurées en surface. Qui plus est, en montagne, les pourcentages de pluie ou de neige observés vont fortement dépendre de l'altitude et de la latitude des points considérés. Ainsi, à titre d’illustration, le rapport sur l'hydrologie nivale de l'US Army Corps of Engineers (1956) donne quelques ordres de grandeur pour l'Amérique du Nord1 :

"… On the average approximately 95 percent of occurrences of winter precipitation at 7000 feet are in the form of snow, while at 4000 feet about 50 percent are on snow. At 1000 feet, only 2 percent of the occurrences are snow. […] with increasing latitudes there would be a slight lowering of the elevation levels […] an approximate decrease of 1000 feet per 10 degrees of latitude."

Finalement, des éléments tels que l'intensité des précipitations ou encore la vitesse du vent viennent souvent complexifier la détermination de la nature des précipitations. Aussi, en pratique, de la neige a déjà été observée à température positive, et inversement, de la pluie à température négative. La détermination de la nature des précipitations n’est donc pas une mince affaire puisqu’elle dépend d’un grand nombre de facteurs, tous n’étant pas mesurés ni mesurables. CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

2.2.2. Comment les hydrologues déterminent-ils qu’il neige ?

Les paragraphes précédents montrent que la genèse et la nature des précipitations dépendent de mécanismes, de facteurs et d'interactions complexes. Pourtant, l'étape de détermination de la nature des précipitations est fondamentale pour la modélisation hydrologique sur des bassins influencés par la neige, comme le souligne l'Organisation Mondiale de la Météorologie (OMM, 1986a) :

"Whether precipitation falls as rain or snow can have a very significant influence on the estimation of runoff; model performance is therefore sensitive to decisions made concerning the form of precipitation."

Nous savons avec une quasi certitude qu'il neige en-dessous de -5°C et qu'il pleut au-dessus de +5°C mais l'enjeu est d'évaluer le plus précisément possible les proportions liquide et solide autour de la valeur 0°C. La Figure 2-2 a) montre que la très grande majorité de notre échantillon a au moins 20% des précipitations tombant dans cet intervalle de température (seuls les pourcentages de quelques bassins français sont en-dessous de ce seuil).

a) b)

Figure 2-2 : Distributions par pays des pourcentages des précipitations tombant a) entre -5 et +5°C et b) entre -1 et +3°C, pour les bassins versants de notre échantillon.

Les hydrologues vont plutôt concentrer leurs efforts sur des méthodes de détermination a

priori de la nature des précipitations, très souvent en fonction de la température de l'air qui

reste le facteur météorologique pertinent le plus facilement mesurable et accessible. Pour justifier ce choix, le chapitre III du rapport "Snow Hydrology" (US Army Corps of Engineers, 1956) reprend les conclusions de Murray (1952) :

"The study showed that surface air temperature (approx. 4 feet) is as reliable as any

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Différentes solutions sont envisagées pour déterminer la phase liquide ou solide des précipitations en fonction des mesures de température de l'air. Parmi elles, nous pouvons notamment citer :

• L'utilisation d'une unique température seuil, encore appelée température critique. Au-dessus de cette température, les précipitations seront liquides ; en-dessous, elles seront solides. Ce seuil peut être fixé quelque soit la nature des bassins étudiés, ou optimisé pour chaque bassin (Anderson, 1973). De plus, même s’il est généralement considéré constant sur l'année, certains auteurs ont introduit une variation saisonnière en fonction des conditions climatiques (Kienzle, 2008; Martinec et al., 1998).

• La détermination d'un intervalle de température pour lequel un mélange pluie / neige est possible. Cet intervalle peut être déterminé comme dans les travaux présentés par les auteurs du rapport "Snow hydrology" (US Army Corps of Engineers, 1956, chapitre 3) : ils ont en effet réalisé et exploité une campagne de mesure qui répertorie le nombre d'occurrences de pluie et de neige en fonction de la température sur un site donné. Ils en ont déduit qu'un mélange pluie / neige est possible entre -0.5 et 3.5°C approximativement (cf. Figure 2-3 a). L'Hôte et al. (2005) ont également comparé les relations existant entre la nature des précipitations (pluie ou neige) et la température de l'air sur deux sites très distincts (dans les Andes et en Suisse). Ils ont trouvé une grande similarité pour les deux régions: un mélange pluie / neige est observé entre -1 et +3°C et les fractions solides dans cet intervalle sont relativement proches entre les deux sites. La Figure 2-2 b) révèle que 10 % au moins des précipitations ont lieu dans cet intervalle critique pour la quasi-totalité de notre échantillon de bassins. D'autres auteurs ont préféré valoriser les mesures journalières de températures minimales et maximales de l'air pour déterminer les fractions liquide et solide des précipitations dans un intervalle de température autour de 0°C (Turcotte et al., 2007). CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

Nous n'avons présenté ici que quelques exemples de détermination possible de la répartition pluie / neige dans le cadre d'une modélisation hydrologique sur des bassins influencés par la neige. Nous reviendrons plus en détail sur ce point dans le Chapitre 8.