• Aucun résultat trouvé

En parallèle de l'attention portée à la modélisation de la fonte, une réflexion sur la prise en compte de la variabilité spatiale du manteau neigeux et de son évolution au cours de la saison nivale doit être menée, à l'échelle du bassin versant.

3.3.1. Variabilité du manteau à l'échelle du bassin versant

Le bassin versant n'est ni une surface plate et régulière, ni sujet à des phénomènes homogènes en tout point. Par conséquent, la couverture neigeuse, quand elle est présente, est répartie et évolue très différemment selon les zones du bassin (Ferguson, 1999). Plusieurs éléments influent sur la quantité de neige accumulée et sur la vitesse de disparition du manteau :

• La variabilité des conditions météorologiques, combinée à la topographie du bassin, joue un rôle prépondérant sur la répartition du couvert neigeux. Les gradients altitudinaux de température et de précipitations favorisent des accumulations de neige plus importantes pour les altitudes élevées1 (cf. Figure 3-2). Le vent joue également un rôle important puisqu'il déplace et redistribue la neige, allant parfois jusqu'à la formation de congères (notamment dans des lieux particulièrement bien abrités). Néanmoins, la communauté scientifique est partagée concernant la prise en compte de la redistribution du couvert neigeux par le vent. D'une part, Luce et al. (1998), puis Anderton et al. (2004), estiment que la simulation de la fonte est améliorée en la considérant explicitement dans leurs modèles, et ce malgré les difficultés liées à sa quantification. D'autre part, Lang et Rohrer (1987) et Kokkonen et al. (2006) postulent que cette redistribution est négligeable à l'échelle du bassin versant, la neige déplacée restant a priori sur ce même bassin (et donc se retrouvant finalement à l'exutoire).

1

Nous verrons dans la partie II de la thèse que la température diminue avec l'altitude (hors phénomène d’inversion) et que les précipitations sont en général plus importantes quand on s'élève en altitude. Ces deux phénomènes contribuent à une augmentation de la quantité de neige au fur et à mesure qu'on se rapproche des altitudes les plus élevées.

CemOA

: archive

ouverte

d'Irstea

a) b)

Chute de neige Pluie liquide

Diminution de la température Topographie

Figure 3-2 : Influence de la variabilité des conditions météorologiques et de la topographie sur la couverture neigeuse a) les conditions sont identiques en tout point du bassin (modélisation globale avec des entrées identiques en tout point du bassin) alors que b) en réalité, les précipitations sont plus fortes et la température plus faible quand l’altitude augmente (neige au sommet, pluie en vallée).

• La physiographie du bassin accentue encore la disparité du couvert neigeux (cf. Figure 3-3). Ainsi, l'hétérogénéité du terrain (bosses et creux) engendre des quantités stockées plus importantes, et plus durables, au niveau des dépressions. L'exposition des versants influe fortement sur l'évolution du stock de neige : les versants orientés au sud et à l'ouest connaîtront une disparition du manteau neigeux plus rapide que ceux exposés au nord et à l'est, le rayonnement solaire étant plus faible et de plus courte durée sur ces derniers (Figure 3-3). La pente peut avoir un effet sur la variabilité du manteau : une pente importante augmentera le rayonnement solaire par unité de surface et favorisera les avalanches (pour grossir ainsi les stocks plus en aval, Figure 3-3.a). Enfin, la végétation (ou l'absence de végétation) accentue cette variabilité : les zones boisées perturbent les champs de vent tandis que les zones découvertes, et au vent, sont particulièrement soumises au phénomène de redistribution.

SUD NORD SUD NORD

CemOA

: archive

ouverte

d'Irstea

La Figure 3-4 illustre, sur un cas concret (commune de Névache, Hautes-Alpes), une grande partie des phénomènes responsables de l'hétérogénéité du manteau. La comparaison des deux photos prises pendant la période de fonte (début mai 2008) montre une couverture neigeuse plus importante sur le versant exposé au nord. Le versant sud (ici la combe des Thures, Figure 3-4-c) met en évidence différents facteurs conduisant à la disparité de la couverture de neige. Tout d'abord, la surface boisée (à gauche) présente plus de neige au sol que la surface découverte (à droite). De plus, un amas de neige au-dessus de la zone boisée est sans doute le reste d'une ancienne corniche façonnée par le vent. Enfin, au niveau de la zone découverte, de la neige est encore présente dans les dépressions (notamment le fond de la combe) du fait d'une épaisseur accumulée plus importante pendant la saison hivernale.

Zone découverte

Versant exposé Sud

Versant exposé Nord

> 2100 m d'altitude Zone boisée Chemin forestier (1700m) Effet du vent dépression a) b) c) Limite forêt Limite neige Amas de neige

Figure 3-4 : Exemple de la variabilité du manteau neigeux au-dessus de la commune de Névache (Hautes-Alpes) au 9 mai 2008. a) Situation géographique (carte IGN), b) photo de la combe des Thures sur le versant exposé au sud (limite neigeuse supérieure à 2100 m) et c) photo du versant opposé, exposé au nord (limite neigeuse inférieure à 2000 m).

CemOA

: archive

ouverte

d'Irstea

3.3.2. Transcription dans les modèles précipitations - débit

Il est délicat de suivre l'évolution réelle du manteau sur les bassins versants. L'idéal est sans doute d'adapter l'échelle considérée (c'est-à-dire la distribution du bassin) à la variabilité spatiale des phénomènes que nous souhaitons expliquer (Kirnbauer et al., 1994). Pourtant, le problème lié à la disponibilité des données nécessaires subsiste à l'échelle du bassin versant :

"site scale models of snow cover processes are fairly advanced but much is left to be done at the catchment scale. Specifically, more emphasis needs to be directed towards measuring and representing spatial variability in catchments as well as on spatially distributed model evaluation." (Kirnbauer et al., 1994)

Nous retiendrons deux stratégies possibles (Eckert, 2002; Ferguson, 1999) :

• La modélisation du manteau neigeux. Le bassin versant est distribué (en bandes d’altitude ou selon une grille) pour être modélisé. Sur chaque zone ainsi déterminée, les données d'entrée (précipitation, température, etc.) sont estimées et un stock de neige est calculé (en termes d'équivalent en eau). Il est alors possible d'estimer la couverture neigeuse en sommant l'ensemble des superficies des zones avec un stock non nul. On en déduit donc un pourcentage de bassin enneigé, une estimation de la répartition du stock, ainsi que la lame de fonte. Cette approche est en général continue, et donc incrémentée à chaque pas de temps. De très nombreux modules ont opté pour cette approche, et certains sont présentés à la fin de ce chapitre (cf. Tableau 3-7).

• L'établissement de courbes d'épuisement du stock de neige à l'aide d'observations de surface. Ces observations sont des images obtenues à l'aide d'outils de télédétection (satellites) grâce auxquels il est aisé de déterminer les surfaces enneigées. Avec des séries temporelles collectées à chaque saison nivale, un lien statistique peut être établi entre le pourcentage de surface enneigée et des variables telles que la date, la température, ou encore la fonte cumulée. Ces relations permettent finalement d'estimer la surface enneigée en fonction de l'épaisseur du stock modélisée. On peut ainsi en déduire la lame de fonte. Appliquée de manière globale ou distribuée (en bandes d'altitude), chaque courbe est unique pour la surface sur laquelle elle a été établie (Blöschl et al., 1991). En pratique, cette méthode requiert une donnée d'entrée supplémentaire : la surface enneigée du bassin. Les modules neige SNOW17 (Anderson, 1973), SRM (Martinec et al., 1998) ou encore SWAT (Fontaine et al., 2002) utilisent cette approche.

CemOA

: archive

ouverte

d'Irstea