• Aucun résultat trouvé

Questions de conception – Le modèle 3E

Dans le document Le paradoxe du marionnettiste (Page 160-169)

De nombreux travaux ont abordé la question de la conception de serious games. Ces travaux visent en particulier la conception d’outils pour assister le concepteur. Par exemple Malone et Lepper (1987) identifient six éléments à prendre en compte pour qu’un jeu vidéo ait des propriétés éducatives :

- Un niveau de difficulté adapté

- Des feedbacks clairs, constructifs et encourageants - Une capacité à susciter la curiosité par le contenu

- Un degré de liberté élevé et le sentiment d’avoir un certain contrôle - La prise en compte des aspects émotionnels

- La prise en compte de la dimension sociale (aspects interpersonnels)

Le plus souvent, l’approche qui est retenue s’appuie sur la scénarisation pédagogique et repose sur la conception de contenus, l’organisation des ressources, la planification de l’activité, des interactions et des médiations pour induire et accompagner l’apprentissage et l’orchestration des situations d’apprentissage. Le travail de thèse de Marfisi-Schottman (2012) propose un état de l’art assez complet et propose des modèles pour faciliter la scénarisation. Parmi les propositions de modèles et d’outils auteur pour la scénarisation de parcours ludo-éducatifs, on peut signaler ScenLRPG (Mariais, 2012), Legadee (Marfisi-Schottman, George, & Frank, 2010), WEEV (Marchiori, 2010) et les facettes du jeu sérieux (Marne, John, Huynh Kim Bang, & Labat, 2012). Ces propositions s’appuient sur différents niveaux de patrons de conception (situation de jeu, scénario ludo-éducatif, situation d’interaction, tâche…) et sont en partie adaptées à un public d’enseignants-concepteurs non spécialistes de game-design ou de développement informatique. L’approche que nous retenons s’en démarque pour s’adapter aux spécificités des JEN. Elle s’attache moins au scénario qui est réalisé qu’aux interactions que l’on souhaite voir se développer dans la situation.

Ainsi, dès les premiers travaux que nous avons conduits, nous avons été amené à identifier un certain nombre de facteurs à prendre en compte dans le processus de conception et d’intégration des dispositifs ludiques pour que les situations élaborées puissent effectivement permettre la mise en place d’interactions. Les premiers travaux réalisés avec Chronocoupe (Sanchez, 2003a, 2010; E Sanchez, 2011b) nous ont permis, en particulier, de souligner l’importance des rétroactions du milieu didactique et le rôle crucial de la phase d’institutionnalisation. Les projets dans lesquels nous avons été impliqué ont également porté sur des jeux qui visaient une éducation au développement durable (Sanchez et al., 2010; Sanchez & Jouneau-Sion, 2010). Ils nous ont permis de préciser les éléments travaillés dans les projets antérieurs et de concevoir un guide à l’usage des enseignants. Ce guide décrit huit éléments à prendre en compte dans la conception d’un jeu épistémique numérique. Par la suite, ces éléments ont été repris et précisés pour donner lieu à l’élaboration d’une grille de critères (E Sanchez, 2011a, 2011c). Cette grille a été finalisée dans le cadre d’un projet financé par le Conseil de la Recherche en Sciences Humaines du Canada). Elle a donné lieu à l’élaboration d’un modèle tridimensionnel décrivant les éléments à prendre en compte dans pour concevoir un jeu numérique épistémique et l’intégrer dans la classe. Publié initialement en langue anglaise (Sanchez et al., 2012b), ce modèle a été nommé modèle 3E. Chaque E renvoie à une dimension du modèle : l’obtention de l’engagement du ludant (Enroll), la mise en place d’une mécanique ludique (Entertain)

-160-

et la prise en compte des apprentissages (Educate). La validation de ce modèle s’appuie sur des focus groupes conduits avec les enseignants impliqués dans les projets soit durant les phases de conception des jeux, soit durant les phases d’analyse consacrées à la discussion des choix de conception et de leur impact sur le déroulement des séances. Ce modèle a également été présenté lors de formations et d’ateliers tels qu’un workshop pour la réunion annuelle du Working Group 3.1 de l’International Federation for Information Processing (IFIP) à Manchester (Sanchez & Jouneau-Sion, 2012). Nous décrivons ci-dessous ce modèle en renvoyant aux travaux de recherche qui ont également abordé cette question. Chaque élément est répertorié en utilisant une lettre qui renvoie à une des trois dimensions du modèle et un nombre. Ils sont regroupés dans le tableau 2 qui constitue également une grille d’évaluation utilisant une échelle de notation. Certains des éléments de ce modèle font l’objet de développements dans d’autres sections de ce document.

Figure 13 : Le modèle 3E (d’après Sanchez, 2013a)  Développer l’engagement (A Enroll)

L’entrée dans le jeu et le maintien de l’engagement du joueur dépendent de sa motivation à participer. Considérée comme un élément clef du processus d’apprentissage, la question de la motivation a été souvent abordée par la recherche et son impact largement démontré (Viau, 1994). Les tenants d’une pédagogie ludique mettent souvent en avant le pouvoir motivationnel des jeux (Egenfeldt-Nielsen, 2007; Wilson et al., 2006). D’autres travaux ont proposé des modèles spécifiques de la motivation dans les jeux. C’est par exemple la cas du travail de thèse de Mariais qui distingue sept ressorts motivationnels dans les jeux (Mariais et al., 2010). Le modèle de Ryan et Deci (Ryan & Deci, 2000), que nous avons retenu dans nos travaux propose un cadre pour penser cette question de la motivation en contexte éducatif. Selon ces auteurs, la motivation résulte de la volonté de satisfaire des besoins fondamentaux et universels qui comprennent la compétence, l’autonomie et les relations sociales. Ces éléments sont abordés ci-dessous en lien avec la question la conception de jeux numériques épistémiques.

-161-

Le sentiment de compétence (A1) augmente lorsque les objectifs à atteindre sont clairs (A1.1) . La clarté des objectifs dépend de la capacité du joueur apprenant de se représenter l’issue du jeu en termes de réalisations. Lorsque cette condition est remplie, la dévolution du problème (Brousseau, 1986) à résoudre devient possible c’est-à-dire que le ludant accepte de prendre en charge le défi/problème et les décisions qu’il prend sont motivées par la compréhension qu’il a de la situation plutôt que par les attentes de l’enseignant (Ahuja et al., 1995). Le sentiment de compétence dépend également du niveau de difficulté du défi/problème (A1.2) qui doit donc être adapté aux capacités du ludant. Cela peut se traduire par des différents niveaux de jeu dont la complexité augmente au fur et à mesure que l’on avance dans le jeu. Un défi motivant (A1.3) peut être également un élément important pour renforcer le sentiment de compétence. Le caractère motivant d’un défi dépend de facteurs intrinsèques au problème à résoudre (tels que sa nouveauté ou les conséquences de sa résolution) tous en lien avec les attentes du ludant qui pourra être motivé par tel ou tel aspect spécifique. Dans les focus groupes que nous avons conduits dans le cadre du projet Jouer Pour Apprendre en ligne, de nombreux éléments, parfois paradoxaux, sont ressortis : plaisir de réaliser quelque chose de difficile, attrait de la nouveauté, dimension frivole de la situation ou au contraire son ancrage dans le réel et les bénéfices qu’elle pourrait apporter.

Le niveau d’engagement du ludant dépend également de l’autonomie qui lui est offerte (A2). L’autonomie comprend d’une part la liberté de faire des choix et de prendre ses propres décisions (A2.1) et, d’autre part d’adopter sa propre stratégie (A2.2). La plupart du temps, il est nécessaire que différentes stratégies soient gagnantes. Cette autonomie dépend également de la capacité du ludant d’interpréter les rétroactions fournies par le jeu en termes de réussites et d’échecs (A2.3).

Quant aux interactions sociales (A3) elles comprennent des éléments de compétition (A3.1) car les jeux sont des méritocraties (D. Thomas & Brown, 2011). Néanmoins, le succès dans un jeu peut également découler de la capacité à collaborer (A3.2) avec d’autres. Ainsi, l’engagement dans un jeu peut résulter d’une combinaison entre ces deux éléments.

 Divertir (B Entertain)

Divertir le joueur est l’objectif premier d’un jeu et le plaisir de jouer résulte principalement du sentiment de liberté (B1.1) qu’offre une telle situation. En tant que caractéristique centrale du jeu (Brougère, 2005), la liberté du joueur est l’un des éléments les plus importants à prendre en compte par le concepteur. Cette liberté offerte permet au ludant de prendre des décisions et d’élaborer ses stratégies propres mais aussi de quitter le jeu à sa guise. Elle est fondée sur l’idée qu’il possède une expertise en cours de développement. Ainsi, permettre à des ludants de penser comme des sujets actants et de s’engager dans des activités créatrices les rend autonomes et capables de jouer le rôle d’experts (Kirriemuir & Mc Farlane, 2004) et de rendre l’expérience « playsante » (Vial, 2013).

Le niveau de contrôle (B1.2) offert au ludant renvoie aux événements qui surviennent dans le jeu en lien avec les décisions qu’il prend. Il est important de lui permettre de se sentir responsable des succès qu’il rencontre mais il est également essentiel qu’il ne soit pas placé en situation d’être incapable de prendre une décision en raison de la complexité du défi à relever. Ce facteur est ainsi lié au concept de Zone de Développement Prochain (Vygotski, 1934), c’est-à-dire la distance entre ce que l’apprenant est capable de réaliser seul et ce qu’il est capable de réaliser avec l’aide de ses pairs ou d’un maître.

-162-

Les règles du jeu sont le pendant de la liberté (B1) offerte au joueur. Elles constituent un ensemble de normes et de conventions partagées par l’ensemble des joueurs. Elles encadrent cette liberté même si parfois le joueur est conduit à transgresser ces règles. Bien que les règles d’un jeu soient par essence arbitraires, il est nécessaire qu’elles apparaissent comme acceptables (B1.3) aux yeux du ludant. En particulier, il est important qu’il ne soit pas mis dans une situation qui le conduirait à agir selon des règles contraires à l’éthique ou à ses propres valeurs. L’acceptabilité des règles passe parfois par le fait qu’elles puissent être modifiées par les joueurs. Ces règles doivent également être pertinentes (B1.4) du point de vue du modèle de connaissances implémenté dans le jeu. Dans un jeu de rôle, cela se traduit par le fait que les actions du joueur sont en adéquation avec le rôle qu’il joue. Il est important également que ces règles soient claires (B1.5) et que leur appropriation soit aussi aisée que possible.

Jouer consiste également à marquer des points et recevoir des récompenses (B1.6). Ces récompenses sont très importantes pour maintenir l’intérêt du joueur (Habgood & Overmars, 2006). Elles correspondent à la dimension ludique des rétroactions et de l’évaluation du ludant.

Le divertissement apporté par un jeu provient également de la prise en compte de la dimension émotionnelle (B2) et l’un des intérêts majeurs du jeu en contexte éducatif est justement le fait qu’il permet cette prise en compte. Les émotions jouent en effet un rôle majeur dans la cognition et les processus impliqués dans l’attention, la mémoire ou la prise de décision (Damasio, 1995). Cette prise en compte est liée à une dimension fondamentale des situations de jeu : leur frivolité (Brougère, 2005). Cette frivolité autorise le ludant à faire des erreurs sans conséquences rédhibitoires (B2.1) et il est encouragé à poursuivre malgré ses erreurs (J. Gee, 2003). Mourir dans un jeu n’est pas dramatique et peut même être parfois considéré comme drôle. Puisque les décisions qui sont prises et les actions effectuées n’ont pas de véritables conséquences sur le monde réel, le jeu se déroule dans un espace où le ludant peut se sentir en sécurité (B2 .2). Ainsi, l’apprentissage peut se dérouler sans l’angoisse de l’échec ou de la mauvaise note.

L’importance de donner la possibilité au ludant d’endosser un rôle et de se construire un avatar (B2.3) a été soulignée très tôt par les enseignants impliqués dans la conception des jeux des projets que nous avons pilotés. L’importance de l’avatar en tant qu’identité projective a été soulignée par dans de nombreux travaux (Ibid.). L’avatar permet en effet au joueur apprenant de projeter ses idées, ses désirs et ses valeurs dans une figure idéalisée permettant la subjectivation. Cet avatar peut d’autre part endosser la responsabilité des échecs et des erreurs commises dans le jeu et ainsi les dédramatiser.

L’humour (B2.4) apparait également être un élément clef pour la conception de jeux épistémiques. Il joue un rôle important pour le développement de sentiments positifs et dans l’engagement du ludant.

Enfin, la prise en compte de cette dimension ludique passe également par le déploiement d’un environnement graphique de qualité attractif (B2.5) ainsi que d’une bonne utilisabilité (Tricot, Plégat-Soutjis, & Camps, 2003) (B2.6).

-163-  Eduquer (C Educate)

Eduquer le joueur par l’entremise d’un jeu est généralement considéré comme paradoxal bien que l’importance du jeu pour le développement de l’enfant soit établie depuis des décennies (voir par exemple (Piaget & Inhelder, 1966; Vygotski, 1966; Winnicott, 1971). Sur cette dimension, lors des travaux que nous avons conduits, deux aspects ont émergés des focus groupes qui ont été conduits avec les enseignants concepteurs et les élèves. Il s’agit d’une part de la question du contenu du jeu et d’autre part de l’intégration du jeu dans la classe.

En tant que méta-activité ou situation de second degré (Brougère, 2005), un jeu modélise une situation de référence. Jouer, c’est donc explorer une situation qui comprend des éléments physiques et humains (Egenfeldt-Nielsen, 2006). Ainsi, la question du contenu (C1) du jeu est importante. Un jeu épistémique numérique est ancré dans le monde réel, la situation de référence qui fait l’objet d’apprentissage. Il se doit donc d’être une métaphore ou une représentation crédible du domaine et inclure les savoirs appropriés (T. Reeves, 2011). Le modèle de connaissances implémenté dans le jeu résulte d’une transposition d’un ensemble de concepts et de valeurs sélectionnés par le concepteur. Il n’est pas la réalité elle-même. Néanmoins, la question de la pertinence des contenus (C1.1) est un élément dont la prise en compte est cruciale (Kirriemuir & Mc Farlane, 2004) en termes d’acceptabilité pour l’enseignant mais également d’utilité pour l’élève. En effet, si les contenus ne sont pas pertinents, il y a un risque de conduire les joueurs/apprenant "to get used to manipulating a system whose core assumptions they do not see and which may or may not be ‘true’" (Turkle, 2005).

En raison de la liberté offerte par le jeu, il n’est pas aisé, pour l’enseignant, de garder le contrôle des objectifs pédagogiques visés alors même que l’adaptation du jeu à ces objectifs est un facteur à prendre en compte (C1.2) ainsi que, d’une manière générale, l’adaptation du jeu au curriculum (C1.3).

Une autre question centrale à prendre en compte dans le processus de conception est celle de l’intégration de la jouabilité (le game-play) et des contenus éducatifs. Un jeu est dit intrinsèque (Habgood, 2007) si les connaissances requises pour avancer dans le jeu sont également celles qui font l’objet d’apprentissage). Dans un jeu extrinsèque des phases de jeu purement gratuites alternent avec des moments qui s’apparentent à des activités scolaires. Le caractère intrinsèque du jeu est un facteur important à prendre en compte au cours de la conception (C1.4).

L’intégration du jeu dans la classe (C2) est également un point qui a fait l’objet d’une attention particulière des concepteurs dans les recherches que nous avons menées. En effet, l’institution scolaire n’a généralement pas été conçue pour accueillir une telle approche pédagogique et, d’une manière générale, son organisation est peu compatible avec la mise en œuvre de situations ludiques. Cette question recouvre des éléments matériels comme l’organisation de l’espace ou le fait de pouvoir disposer d’ordinateurs et d’une connexion Internet de bonne qualité. Elle recouvre également des questions organisationnelles telles que la durée des séances et, d’une manière générale, l’organisation de la classe (C2.1). Pour un enseignant, intégrer un jeu numérique épistémique dans ses pratiques pédagogique implique des changements en termes d’organisation du temps et de l’espace scolaire. Cela implique également des changements du point de vue de ce qui est autorisé ou interdit aux élèves.

-164-

Un autre changement concerne le rôle de l’enseignant durant le jeu. Il apparaît qu’il ne peut pas jouer son rôle d’enseignant car cela diminuerait la jouabilité de la situation par la confusion que pourrait entrainer l’absence de distinction entre le temps de la classe et le temps du jeu. Dans les situations que nous avons conçues l’enseignant se voyait attribuer un rôle clair et intégré au jeu (C2.2).

Pour conserver le caractère ludique de la situation il nous est apparu qu’il fallait borner de manière précise le temps consacré au jeu et l’expliciter auprès des élèves (C2.3). Cela peut se traduit par un début du jeu marqué de manière forte d’un point de vue symbolique (par exemple en utilisant des accessoires de déguisement) et, de la même manière, par une fin de jeu explicite pour les ludants. De ce point de vue l’engagement du joueur dans le jeu doit être considéré comme un acte volontaire de la part de l’apprenant et, pour un enseignant, imposer un jeu ne donne aucune garantie que l’apprenant jouera comme lui imposer une lecture ne permet pas de garantir qu’il lira (Fullerton, 2014).

Les travaux que nous avons mené sur le jeu Chronocoupe (E Sanchez, 2011b; E. Sanchez, 2011) convergent avec des travaux antérieurs (Garris et al., 2002; Habgood, 2007; E Sanchez, 2011b) pour montrer que le développement de connaissances déclaratives n’a lieu que si le temps consacré au jeu est suivi d’une phase d’institutionnalisation qui permet d’expliciter et de formaliser les connaissances utilisées pour répondre au défi du jeu. Cela souligne l’importance du rôle de l’enseignant pour aider les ludants à prendre conscience des connaissances principalement implicites qu’ils ont utilisé dans le jeu. Egenfelt-Nielsen résume cela en notant que “if the players are not aware of the learning elements, this will undermine the learning experience and, especially, the transfer value. The transfer has to be made explicit, and here the teacher can play” (Egenfeldt-Nielsen, 2006). Les travaux anglo-saxons du domaine qualifient cette phase de débriefing ou « after action review » (Aldrich, 2009) mais ces termes ne recouvrent pas la complexité de cette phase qui consiste, outre l’explicitation des concepts sous-jacents, à valider des stratégies pertinentes, à énoncer les concepts scientifiques mobilisés et à les distinguer des concepts quotidiens (C2.4).

La question de l’évaluation du ludant s’apparente à un paradoxe. En effet, un jeu intègre toujours un mécanisme d’évaluation du joueur et lui renvoie des feedbacks adaptés qui lui permettent d’évaluer la pertinence de ses choix stratégiques. En ce sens, un jeu constitue un espace de réflexivité permettant au ludant d’éprouver sa manière de penser et d’agir (Sanchez & Jouneau-Sion, 2010). Néanmoins, intégrer une évaluation formelle à un jeu c’est prendre le risque d’anéantir la frivolité du jeu et, par conséquent, le jeu lui-même. Cette délicate question peut être résolue en ludifiant les éléments d’évaluation c’est-à-dire en intégrant les critères et les modalités de l’évaluation à la situation (C2.5).

 Des éléments interdépendants et parfois contradictoires pour la conception

Un jeu numérique épistémique est un monde de paradoxes et sa conception est un processus complexe du fait du nombre d’éléments à prendre en compte. La complexité provient également du fait qu’il s’agit parfois de concilier des éléments contradictoires : nécessité de concevoir une situation motivante, et engageante dont le défi à relever est adapté au public auquel elle s’adresse tout en prenant garde à conserver son authenticité du point de vue de la situation de référence qu’elle modélise et des interactions qu’elle permet. Cela se traduit en particulier par la difficulté de concilier

-165-

deux impératifs. Il s’agit d’une part d’élaborer une situation dont la simplicité des règles permet leur appropriation . Il s’agit d’autre part de satisfaire au critère d’authenticité de la situation. La situation élaborée se doit d’être authentique du point de vue du modèle de connaissance, ceci afin que les apprentissages soient pertinents. Ces questions se sont posées dans le cadre des projets dans lesquels nous avons été impliqués lors de la phase de conception des jeux. Pour le jeu Mets-toi à

Dans le document Le paradoxe du marionnettiste (Page 160-169)