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La pertinence d’une enquête de terrain repose sur cette absence de documentation au sujet des capacités d’innovation dans l’accueil collectif extrafamilial des enfants et le positionnement des professionnels - directions en tête - en acteurs privilégiés du développement d’une politique sociale. Comme le montre la première partie de ce travail, les organisations comportent des tensions de divers ordres. Nous avons également montré que différents styles professionnels peuvent cohabiter au sein d’un même champ d’action. Pour le professionnel et le nouveau directeur d’une structure d’accueil, l’objectif qui est de comprendre et de montrer la nature de ces tensions, leurs présences aux différents niveaux de l’organisation, ainsi que les tendances managériales en présence, permet d’esquisser certaines perspectives quant à la profession de directeur d’institutions d’accueil collectif extrafamilial des enfants face aux enjeux sociaux et sociétaux. En confrontant notre cadre théorique de référence, ce travail a l’ambition de participer à la constitution d’une base nécessaire de documentation de la pratique de direction de structure d’accueil collectif extrafamilial des enfants.

Notre recherche souhaite donc mettre en lumière comment le contexte politique et administratif actuel mobilise les directions des lieux d’accueil, influence et justifie leurs postures au sujet de l’accessibilité aux places d’accueil, en particulier par les personnes sujettes à la précarité et à l’exclusion sociale.

Le cadre de référence de départ est constitué de l’apport du Professeur David Giauque pour ce qui est des niveaux de tensions dans les organisations. Pour les styles de management, nous nous référons aux propositions de Jean Afchain. À partir des cinq domaines de tensions mis en évidence par Giauque, nous proposons des adaptations qui nous semblent peut-être plus abordables pour les néophytes de la sociologie des organisations: ancrage environnemental de l’institution; management stratégique et gestion institutionnelle; compétences et pouvoir des directions; processus identitaires, culture institutionnelle; modes de légitimation des pratiques et de reconnaissance des prestations. Cette étude demande d’interroger:

- La représentation des politiques publiques qui touchent à l’accueil collectif extrafamilial des enfants, du point de vue des directions. En particulier la mission d’encouragement précoce qui est attribuée au lieu d’accueil dans le cadre de la politique de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Rôle des directions dans le développement des politiques publiques.

- L’influence des directives administratives des structures d’accueil sur la gestion et le management stratégique des structures d’accueil. Les logiques conflictuelles et les stratégies que les directions privilégient pour que l’intégration des familles non prioritaires soit acceptable, justifiable.

- Les considérations que les directions ont de leur rôle, à travers la professionnalisation et les modalités d’exercice de leurs pratiques.

- La considération de l’accueil collectif extrafamilial des enfants comme une des branches du travail social par les directions. Leur identité et engagement professionnel, en particulier en rapport à la thématique de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. L’évolution de leur regard quant au champ de l’accueil collectif extrafamilial des enfants.

- L’adéquation des systèmes de contrôle des prestations. La mobilisation des professionnels face aux enjeux de leurs pratiques dans le contexte actuel de développement des services d’accueil collectif extrafamilial des enfants.

Comme mentionné dans l’introduction, l’évolution de l’Etat social, des pratiques administratives de réalisation des politiques publiques, ainsi que les analyses sociologiques du fonctionnement des organisations nous amènent à poser l’hypothèse de recherche suivante. L’exclusion des pratiques de l’accueil collectif extrafamilial des enfants du champ de l’action social, l’absence d’une véritable politique publique en faveur du développement des structures d’accueil, ainsi qu’une culture professionnelle marginale ne permettent pas de légitimer les capacités d’expertise et de management stratégique des directions de structure d’accueil, car les services dispensés par les professionnels sont trop fortement influencés par le principe de marchandisation des prestations.

Afin de pouvoir répondre à nos questions de recherche, nous allons évidemment questionner le terrain, les directions et leur contexte administratif et politique. Compte tenu de la thématique de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, qui est étroitement liée aux politiques d’intégration, il nous semble essentiel que les directions exercent sur des territoires similaires à la commune de Renens, origine de notre réflexion. Leurs tissus socio-politiques sont proches et les enjeux similaires. Nous choisissons d’approcher des directions des cinq villes vaudoises ayant un ou une délégué à l’intégration. Il s’agit, en plus de Renens, de s’intéresser aux villes de Nyon, Lausanne, Yverdon-les-bains et Vevey. Pour chaque direction, il est prévu un entretien semi-directif qui aborde les cinq domaines

de tensions de Giauque, tels que mentionnés ci-dessus32.

Les informations collectées sont analysées à partir d’un recueil d’items significatifs mis en

évidence dans notre cadre théorique33. Cet outil développé pour notre enquête nous

32 C.f. Annexe 1 _ Eléments d’enquête et Annexe 2 _ Grille d’entretien 33 C.f. Annexe 3 _ Items analysés

permet de relever, dans le discours des directions, les thématiques sujettes de tensions et les principes de fonctionnement des professionnels participant d’un style spécifique de direction 34.

Afin de permettre la mise en évidence de la présence ou de l’absence de ces tensions, notre canevas d’entretien prévoit une série de questions de relance. Toutefois, nous choisissons également de privilégier la spontanéité des réflexions qui habitent le directeur au moment de l’entretien. Les questions de relance sont aussi relatives aux propos tenus dans l’instant. Une limite méthodologique réside dans le pouvoir et le vouloir parler de certains sujets. Bien que l’anonymat soit garanti et que cette étude ne vise pas une critique d’une pratique telle dans une organisation définie, un réflexe de censure peut survenir. Une autre limite découle du fait que la spontanéité induit que des thématiques soient plus développées par l’une ou l’autre des directions et déséquilibre la qualité et la quantité des informations récoltées. L’analyse des données répond dès lors à des règles de précaution. La subjectivité contextuelle des propos de la direction au moment de l’entretien nous contraint à adopter une position interrogative dans l’utilisation des données. L’absence ou la faiblesse de propos sur l’une ou l’autre des questions peut autant refléter les thématiques prioritaires ou secondaires par l’une ou l’autre des directions, ou participer de biais dans la conduite de l’entretien. Evidemment, cette prudence dans l’interprétation est de mise au moment de la synthèse des cinq analyses, car la quantité ne permet pas de tirer des conclusions, mais de proposer des hypothèses de réflexion.

Nous avons donc décidé de constituer des synthèses en fonction des thématiques plutôt qu’en fonction des entretiens. Chaque thématique commence avec un compte-rendu des éléments qui nous paraissent pertinents à utiliser en fonction des items recherchés et termine avec une mise en perspective réflexive.

À partir de ces synthèses, nous développons une réflexion critique sur la posture de direction, de management et évidemment, sur la place et la représentation des enfants et des familles d’une manière générale.