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CHAPITRE I : CONCEPTION, PROBLEMATIQUE ET QUESTIONNEMENTS

B. Problématique et questionnements

II. Questionnements

Au cours de mon investigation, j’ai été en prise avec des objets, des théories, des terrains, des corpus, des situations d'enquête qui ont mobilisé, en fonction de mon évolution dans ce travail, des manières de percevoir et de construire des objets, de les modéliser, de les analyser. J’ai composé, innové pour produire de nouvelles connaissances. Dans ces mouvements, j’ai été amenée à me positionner par rapport à mon objet, à mon terrain, mais également à penser ma place (ainsi que la définit CHARLOT en 1997 en évoquant la position anthropologique du sujet) dans la construction même de mon travail : ce qui est le plus adapté à moi en tant que « sujet chercheur ».

M’interroger sur la posture de « sujet chercheur » a impliqué un engagement dans un processus de réflexivité. Quel degré de réflexivité a été alors nécessaire pour trouver un équilibre entre progression de la recherche et retour sur soi ? Dans une perspective qualitative, la réflexivité m’a placée en tant que « sujet chercheur » dans un effort d’interprétation, de compréhension, de narration, et dans un effort de confrontation des représentations mentales qui en résultent avec l’expérience, le vécu, les normes, la diversité. Plus généralement, je me suis interrogée sur les processus d’interaction entre la pensée et la réalité de l’action.

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En cohérence avec la posture du « sujet chercheur » sus-évoquée, la méthodologie de travail choisie est de type hypothético déductive: l’analyse des entretiens semi-directifs réalisés a nécessité de préciser pour chacun des acteurs concernés deux notions importantes : d’abord la situation, dans le sens où la définit Pastré (2002) « réalité dans laquelle les acteurs se sont engagés » ; ensuite le contexte, selon QUERE (1997) : « éléments de la situation qui ont un rôle dans l’action. »

Ainsi, le psychomotricien qui travaille la structuration spatio-temporelle avec un jeune enfant accueilli dans le secteur des 2-15 ans n’est pas engagé dans la même réalité que l’ergothérapeute qui accompagne un adolescent en fauteuil sur le chemin de l’autonomie. Ces deux situations de travail différentes doivent être déterminées et replacées dans le contexte de l’activité pratiquée : quel est l’âge, le sexe, le handicap, « l’histoire » de la personne qui bénéficie de la rééducation ? A quel moment de la prise en charge se situe-t-on ? Le début, le milieu, la fin ? Quand ont lieu les séances, à quelle fréquence ? Dans quel lieu se déroulent-elles ? Une salle banalisée, une salle de rééducation, un cabinet ?

L’analyse de l’activité sera celle de situations de travail déterminées replacées dans leur contexte particulier dans l’environnement médico-social que constitue les terrains d’investigation sus évoqués : l’institut médico-éducatif Albertine LELANDAIS, et la résidence service de l’association « Un toit et moi ».

P. RABARDEL en 2002, définit le travail comme « une activité finalisée d’un homme concret et socialement situé ». Quand il y a activité de travail, c’est en réponse à des tâches dont l’aspect prescriptif est plus ou moins détaillé, contraignant, négociable localement : ainsi, l’enseignant spécialisé, personne concrète socialement située, qui travaille auprès d’élèves déficients intellectuels doit, selon le référentiel de compétences de l'enseignant spécialisé C.A.P.A. - S.H. Option D35 « organiser le travail de manière à développer l’autonomie en tenant compte des rythmes de travail de l’élève ». Ce type de prescription, cadre de l’activité, donne lieu à différentes traductions observables sur le terrain qui constituent autant d’activités variées : enseignement de l’utilisation de l’outil informatique, aide à la

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Circulaire n° 2004-026 du 10-02-2004 : Certificat d'aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap,Option D: enseignants spécialisés chargés de l'enseignement et de l'aide pédagogique aux élèves présentant une déficience motrice grave ou un trouble de la santé évoluant sur une longue période et/ou invalidant

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gestion du matériel et organisation du travail scolaire, accompagnement lors de l’élaboration du projet professionnel personnalisé.

Cet exemple peut s’appliquer à la définition des concepts de tâche et activité en ergonomie : ainsi LEPLAT définit la tâche comme « ce qui est à faire » et l’activité comme étant « ce qui est fait réellement ».

En ergologie, SCHWARTZ (2009), explique que la prescription de nouvelles normes comme l’exigence de la qualité dans les établissements médico sociaux (loi 2002-2 du 2 janvier 2002 sur la rénovation de l’action sociale) et les normes antécédentes, comme par exemple le référentiel de compétences de l’enseignant spécialisé (Circulaire n° 2004-026 du 10-02-2004) sont assimilées et combinées aux normes intrinsèques du sujet responsable de l’activité. Cela occasionne un débat de normes qui a lieu dans ce que SCHWARTZ nomme le corps soi : « corps humain considéré comme matrice de l’activité humaine où réside le domaine des interactions». Du débat de normes découle des renormalisations issues des confrontations de prescriptions entre celles que s’imposent l’individu et celles qui lui sont imposées. Elles expriment des traductions précises et donnent lieu à des choix. Les valeurs se rendent perceptibles ou sont occultées dans ces choix mais sont présentes comme médiatrices entre le corps soi et ses milieux. Quel que soit leur statut, ces normes sont traversées par des valeurs. L’activité humaine est un « re- travail » permanent de cet univers de valeurs. Par « re-travail », on peut comprendre redéfinition et hiérarchisation qui expliquent qu’une même tâche peut donner lieu à des activités différentes.

Ainsi, les cadres de références fournis par l’ergologie serviront l’analyse de l’activité mais participeront également à l’examen des écrits professionnels produits par les établissements médico-éducatifs : (projet d’établissement, projets personnalisés, livret d’accueil, charte…….) ; conformément aux prescriptions de la loi 2002-2 du 2 janvier 20002 sur la rénovation de l’action sociale et médico-sociale : quelles traductions de la loi sont faites sur le terrain, par le biais des « renormalisations », en fonction de l’identité, la culture, l’histoire, l’agrément, le fonctionnement de l’établissement et les représentations des acteurs en regard de la démarche qualité.

Ethique et qualité entretiennent des rapports de réciprocité : pas de qualité réelle sans posture réflexive. La démarche qualité a besoin de créativité et de diversité comme source d’innovation. Un espace doit être prévu pour leur

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émergence. Le produit du jeu des acteurs, allié à une idéologie dominante et des valeurs culturelles implicites construit le cadre de référence des choix possibles dans la perspective de la démarche qualité.

Après avoir posé le cadre théorique nécessaire à la construction de l’objet de la recherche, ces dernières réflexions complémentaires, posent quant à elles le cadre de référence qui sert l’analyse de l’activité effectuée au cours de l’enquête sur le terrain. Elles induisent un positionnement méthodologique qui se justifie par le choix de la démarche utilisée, développée au cours du chapitre suivant.

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