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QUESTION DE TERMINOLOGIE

INTERET DU MODELE GENETIQUE

QUESTION DE TERMINOLOGIE

Tout au long de cette période d’émergence la notion de réécriture et celle de brouillon n’ont cessé de nourrir les débats concernant la didactique de l’écrit. Mais La question qui s’impose est : qu’est ce qui distingue la réécriture du brouillon et comment nommer les retours sur son texte ? révision, correction, rature réécriture, variante ou substitution ?

Avant d’essayer de répondre à cette question, nous préférons reprendre les propos pertinents de Claudine Fabre concernant la relation écrire / réécrire et qui insiste sur le fait que ces deux notions représentent le recto et le verso d’une même activité:

« Dès lors écrire et réécrire s’analysent comme deux aspects d’une même

activité et la réécriture se comprend à la fois comme objectif et comme outil d’enseignement : un objectif, dans la mesure ou apprendre à écrire implique d’apprendre à réécrire ; et un outil d’intervention, au service du scriptural et des apprentissages dans toutes les disciplines »( Fabre-cols 2002 :14 )

Selon Bessonnat, le verbe « réécrire » peut désigner plusieurs sens : 1-Réécrire c’est écrire une seconde fois à quelqu’un par exemple.

2-Réécrire c’est reprendre une activité d’écriture qu’on a momentanément

suspendue. 3-Réécrire, c’est reproduire quelque chose qui a déjà été écrite par autrui .

4-Réécrire, c’est retravailler un texte qu’on a déjà écrit, le transformer en vue de l’améliorer. (Bessonnat, 2000 : 6-7).

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L’élève, a évidement dans la tête le sens 1 et 2, alors que penser « réécriture » c’est penser le sens 3 et 4 parce que l’élève est invité à faire une relecture critique, évaluatrice, et doit décider des changements et des modifications à faire en cas d’évaluation négative .

Bessonnat insiste sur l’aspect cognitif de cette activité qu’est la réécriture en disant que c’est une démarche réflexive qui porte l’élève à revenir sur son texte pour le modifier dans sa mise en mots. (ibid :25) .

Le brouillon est l’outil, la trace qui permet au scripteur de revenir sur le déjà écrit, pour découvrir d’autres moyens linguistiques.

Autrement dit, La réécriture est la production d’une nouvelle version du texte, en le remettant en travail de manière globale. Ainsi tous les éléments du texte qui auront été travaillés modifiés tant sur le fond que sur la forme, seront réécris pour plus de pertinence.

L’objet de la réécriture n’est donc pas d’essayer d’aboutir à la production d’un texte « parfait » mais d’acquérir des compétences d’écriture transférables en travaillant sur ses propres productions en vue d’aller plus loin dans l’exploration du langage.

Il s’agit de remettre en chantier un texte qu’on a écrit en employant les opérations : supprimer, ajouter, substituer, déplacer, ce qui permet d’engager le scripteur et sa production (1er jet) dans de nouvelles voies.

Cela suppose de la part de l’enseignant des consignes de réécriture qui ne se limitent pas à des corrections mais qui assignent une finalité et qui indiquent un cheminement à l’élève, pour relancer le processus d’écriture.

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Nous pensons comme Yves Reuter que la réécriture constitue l’outil d’intervention didactique qui permet d’atteindre l’objectif de l’enseignement/apprentissage de l’écriture (savoir écrire c’est savoir réécrire)et aide à construire aux apprenants des savoirs sur l’activité d’écriture « plus justes théoriquement et plus opératoires pratiquement ».

(Reuter, 2000 : 222) La pratique de la réécriture change le rapport de l’élève à l’écrit parce

qu’elle lui permet de travailler la langue autrement, de voir la rature , l’erreur comme indice de réflexion scripturale

Pour résumer , nous reprenons les propos de J.Peytard « la réécriture

et le brouillon font le matériau du même tableau. »( Fabre-Cols :25 )

Du moment que la réécriture comme travail sur la langue et le brouillon comme activité écrite, comme champs de travail : lieu des opérations de réécriture, comme « composante de la réflexion qui accompagne ce travail, comme outil de construction du texte, un moyen de gérer le texte » (Barré-DE Miniac 2000 :42 ) nous dirons que brouillon et réécriture représentent les deux revers de la même médaille qui est l’écriture.

Correction : Action de rectifier un faute » (Larousse) Corriger, c’est

confronter le texte à une norme et rétablir une version conforme à la dite norme.

Cela dit que la correction,( loin de la réécriture qui est de l’ordre de l’intra langagier, et convoque des savoir-faire, des connaissances procédurales) « opère le plus souvent au niveau phrastique, fait appel à des

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norme et n’admet qu’une solution possible celle imposée par cette dernière. » (Fabre-COLS,2002 : 30)

La correction s’applique à rendre un texte conforme aux normes orthographiques et syntaxiques. Elle est nécessaire dans le tout dernier toilettage du texte

Révision : la révision implique une lecture critique, une évaluation du

texte à produire pour détecter ce qui ne va pas. Puis remédier par la correction et la réécriture.

Selon D. Bessonnat, « la réécriture présuppose la révision alors que la

révision n’implique pas la réécriture parce que le scripteur peut détecter l’erreur mais ne serait pas capable d’y remédier par la réécriture »(2000 : 7)

DES BROUILLONS D’ECRIVAINS AUX BROUILLONS D’ELEVES

Les élèves sont beaucoup plus confrontés à la lecture de produits scripturaux finis. Ils n’ont jamais vu, jamais travaillé sur un texte en train de se développer. La réécriture dans ce cas, pas plus que la relecture n’est pour eux, qu’un acte insensé, gratuit.

Le brouillon est le seul objet qui montre aux élèves et aux professeurs que l’écriture résulte d’un processus inscrit dans le temps et dans l’espace et que l’art d’écrire c’est l’art de la réécriture qui consiste à maîtriser quatre opérations : remplacer, ajouter, supprimer et déplacer.

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Grésillon( 1988 :118) propose aux professeurs d’étudier avec leurs élèves les brouillons de quelques écrivains : « montrer aux petits

« auteurs » de la petite école, à ces scripteurs malhabiles qui ont peur de la page raturée, un seul brouillon d’un seul grand auteur, leur dire que l’art de la rédaction est aussi un art de la réécriture »

Nous estimons qu’un échange des manuscrits au sein de la classe, qu’un regard sur la fabrique des romans de grands écrivains comme Zola ou Flaubert qui lui même reconnaît l’énorme difficulté éprouvée à construire une phrase, aura surement un effet positif sur nos élèves :

« Quand mon roman sera fini, dans un an, je t’apporterai mon

manuscrit complet, par curiosité. Tu verras par quelle mécanique compliquée j’arrive à faire une phrase »( Grésillon , 1988 :110)

A lire ce témoignage parmi d’autres, élèves et professeurs sauront d’une part «qu’on ne sait pas assez le mal que donne une phrase bien faite » (Grésillon , 1988 :110)et comprendront enfin, que l’apprentissage de l’écriture est avant tout un entrainement au travail sur le déroulement de l’activité ce qui nécessite du temps et de la patience.

D’autre part ils sauront que les grands écrivains sont de grands producteurs de brouillons (ils peuvent aller jusqu'à sept versions ou plus), en quête d’un sens, d’un mot, d’une phrase bien structurée.

L’expression « travail de l’écriture » prend tout son sens pour un écrivain : elle est aussi bien un métier, un gagne-pain (J.Rousseau), qu’un véritable accouchement semblable à la mise au monde d’un enfant comme le confirme certains écrivains : « le texte est toujours le résultat d’un processus

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En effet l’écriture est un travail douloureux, laborieux parce que chaque écrivain sait que le texte est un objet qui se transforme, s’améliore grâce à la réécriture qui offre des possibilités qui ne s’épuisent pas.

Observer les brouillons des écrivains peut donc aider les élèves à prendre conscience du fait que l’écriture n’est pas quelque chose d’inné qui relèverait d’un don qu’on a ou qu’on n’a pas, et que dans

tous les cas « écrire » c’est un véritable travail qui demande de réels efforts même pour les écrivains, même pour leur professeur de Français !