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Les limites de cette pratique de l’écriture

Ce test nous permet de mettre en valeur quelques insuffisances des pratiques adoptées.

1- Les sujets proposés par les trois professeurs placent l’élève d'emblée dans des situations de production de textes complexes, à partir de consignes opaques (écrivez, rédigez votre contribution à ce débat en ironisant, expliquez le phénomène...) qui le mettent dans des situations de surcharge cognitive (voir première partie) alors qu’ils ne l’ont pas préparés à entrer dans l’écriture.

Nous pensons qu’une étude des consignes qu’un professeur doit donner aux élèves avant de leur demander d’écrire est vraiment indispensable. Comme nous l’avons fait remarquer dans la première partie, une consigne « productive »(Groupe EVA :103),cohérente, précise indique les directions de travail, détermine une tâche faisable, permet une focalisation successive sur les différents niveaux du texte (planifier, formuler, réécrire..) dans le but de diminuer le cout globale de la tâche et réduire la surcharge cognitive. 2- Les professeurs ont essayé de faire un rappel des caractéristiques thématiques des textes, des connecteurs et des articulateurs pour aider les élèves. Cela est nécessaire mais demeure insuffisant. L’élève doit avoir un

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savoir sur le thème dont il est question en expression écrite. Le professeur peut lui proposer avant même de commencer la rédaction, ou après le premier jet, des documents et textes variés pour le familiariser avec le thème proposé, lui faciliter la tâche et favoriser en même temps la correction des erreurs de fond.

3- Nous avons remarqué que les trois professeurs parlent de l’élaboration d’un plan, cependant, le sens désigné n’est pas celui de la planification conçue par le modèle de Hayes et Flower (qui concerne le but du texte : pour quoi ? pour qui ? Etablir un plan guide pour la production à partir de l’activation et l’organisation des idées) pour aider les élèves à développer le processus rédactionnel.

La planification pour le professeur(A) et (C) désigne le plan scolaire compris comme juxtaposition de parties et non comme mouvement de construction un écrit articulé en trois parties : introduction, développement, conclusion destiné à un correcteur et non à un lecteur, ce qui est à notre sens un élément paralysant. Pour le professeur (B), la planification désigne le modèle textuel, ce qui n’aide en rien les élèves dans la réalisation de la tâche.

4- Concernant la formulation des idées, les élèves que nous avons observés font part de leurs difficultés en disant qu’ils n’ont pas d’idées, et d’autres remplissent la page d’un flot de mots incohérents. Conséquence évidente d’une mauvaise préparation et d’une absence de planification. Cette phase de planification qui, normalement, doit permettre à l’élève de se fixer un but, d’activer des informations, de les hiérarchiser, n’est pas accomplie. Par conséquent, l’élève qui ne sait pas planifier et qui, en plus de

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cela, doit formuler des idées qui pourraient ne pas préexister, doit respecter l’orthographe, la grammaire, et le choix du vocabulaire, se trouve bloqué parce que cela lui demande une grande quantité d’énergie (voir :p 38/39). La formulation des idées est un travail sur le fond du texte. Que doivent faire des élèves qui ne savent pas utiliser un brouillon et à qui on ne demande pas de faire un brouillon pour réécrire leurs textes ?

5-L’usage du brouillon est complètement oublié ou plus exactement ignoré. Nous avons remarqué que les élèves observés ne savent pas faire un brouillon. Ils ne font pas de rature, pas de modifications sauf celles concernant les fautes d’orthographe.

Il y a même des élèves qui pour ne pas faire de ratures, laissent des vides, ensuite ils demandent aux professeurs comment orthographier, comment traduire certains mots puis, ils les portent sur la copie pour ne pas la salir et il y a d’autres, partisans de la loi du moindre effort, qui écrivent directement au propre

Les professeurs non plus ne sont pas conscients de la valeur du brouillon dans l’acquisition du savoir écrire : ils ne font aucune allusion à l’usage du brouillon ils ne l’exigent pas, ne demandent pas aux élèves de se relire ni de réécrire pour améliorer leur production.

Le professeur(A) par exemple, n’intervient que pour traduire un terme ou aider les élèves à formuler une phrase, il ne leur demande pas de réécrire leur texte et de faire bon usage du brouillon.

Pourtant la réalité de l’acte d’écriture révèle le contraire : il n’ya pas d’écrit réussi sans travail sur le texte produit ; il n’ya pas de travail sans réécriture et il n’ya pas de réécriture sans brouillon.

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CONCLUSION

Nous pensons que les élèves montrent peu d’enthousiasme parce que comme nous l’avons vu, ils ignorent comment écrire, ce qu’est l’acte même d’écrire. Ils ignorent la valeur du brouillon et le rôle de la réécriture dans la pratique scripturale.

A son tour l’enseignant projette sur les élèves des pratiques hérités de la tradition scolaire. C’est pourquoi nous rejoignons Elizabeth Bing (Garcia-DEBANC : 1989 : 40 ) pour dire qu’une transformation profonde dans les pratiques des enseignants est indispensable à l’application d’une pédagogie de la réussite en écriture.

Et pour cela, nous estimons qu’une formation professionnelle des professeurs est indispensable et « doit avant tout contribuer à développer

les capacités à mettre en place et à gérer dans les classes des situations de production écrite favorisant la construction d’un savoir-écrire chez les

élèves » (Garcia-DEBANC : 1989: 29).

Et pour permettre aux professeurs de mieux analyser les tâches d’écriture qu’ils donnent à leurs élèves , de comprendre les difficultés qu’ils leur imposent et de remettre en question les pratiques adoptées habituellement, Garcia-DEBANC (ibid :41) propose de mettre les enseignants à l’épreuve dans une tâche d’écriture complexe.

En effet placés dans des situations d’écriture inédites (Yves Reuter fait écrire à des enseignants des plagiats de polars, ou de romans érotiques) (Garcia- DEBANC, 1989 : 41) les enseignants peuvent remettre en cause les situations d’écriture que la méthode traditionnelle leur a enseigné, ce qui

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peut provoquer des changements favorables dans les attitudes et les pratiques professionnelles.

Aussi nous estimons qu’il est important que le professeur :

-Enseigne les opérations du processus rédactionnel à ses élèves, pour leur éclairer les mécanismes de l’écriture, par la pratique du brouillon. Et là nous insistons sur l’importance du temps comme facteur essentiel pour laisser les élèves penser-écrire eux mêmes.

-Applique la technique des facilitations procédurales avec ses élèves, en s’appuyant sur des consignes précises de base, pour leur permettre d’apprendre et de maitriser chaque opération du processus scriptural.

- Explique aux élèves, par le biais de la pratique, la fonction du brouillon et de la réécriture : le brouillon est l’outil qui permet d’avoir un produit fini de qualité, du fait d’un travail continu nommé la réécriture. La rature est un geste de transformation qui crée le sens et que l’écriture est un travail qui demande du temps et de la patience.

-Remplit le rôle qu’aurait un parent dont le niveau d’études serait suffisant pour qu’il puisse offrir une aide à son enfant. Le professeur doit être capable de descendre de son estrade pour inspirer à l’élève, par un comportement sécurisant, une réelle confiance, lui apporter une aide individualisée, ainsi permettre un travail sérieux qui donnera ses fruits.

Il est important aussi de se demander si l’horaire fixé à l’apprentissage du français en générale et de l’écrit en particulier est suffisant pour permettre l’apprentissage et la pratique des activités.

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CHAPITRE III

LE BROUILLON, OUTIL