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1.2 La transition de la quiescence à la prolifération

1.2.2 Une question de seuil d’activation

A la périphérie, l’activation des LT nécessite des signaux simultanés d’activation. Le premier signal dérive de l’interaction entre le TCR et le complexe peptide/CMH qui définit la spécificité du LT activé. Ce signal est alors transduit par un complexe moléculaire multiprotéique et peut être modulé via l’interaction de molécules agissant directement sur cette voie de signalisation et de cofacteurs. La régulation du seuil d’activation des LT fait intervenir un jeu de balance entre molécules inhibitrices et molécules activatrices. En intégrant l’ensemble de ces signaux, la cellule peut donc produire une large palette de réponses et finement adapter son comportement.

Des modifications intracellulaires intervenant directement au niveau des molécules composant la voie de signalisation en aval du TCR ainsi que la présence de molécules inhibitrices permettent de maintenir un état inactif des LT. Nous en citerons quelques exemples.

L’une des premières molécules dans la signalisation en aval du TCR est Lck. La régulation de l’activité de cette protéine tyrosine kinase cytoplasmique est donc cruciale pour déterminer le type de réponse à adopter. Lck permet au LT de moduler sa réponse en fonction de la force de l’interaction entre le TCR et le complexe peptide/CMH. En effet, si cette interaction est de faible affinité, Lck

phosphoryle rapidement SHP1 (SH2 domain-containing protein-tyrosine

phosphatase) et SHP1 déphosphoryle en retour Lck induisant un arrêt de la signalisation en aval du TCR (Štefanová et al., 2003). Au contraire, si l’interaction est de forte affinité, une activation rapide de Erk permet la phosphorylation de Lck empêchant la liaison de SHP1. Le signal TCR est donc soutenu et active encore plus fortement Erk. Lck existe sous différentes conformations déterminant son activité. Ainsi, les protéines Csk (C-ter Src Kinase) peuvent phosphoryler Lck sur une tyrosine inhibitrice et la maintenir

dans une conformation inactive (Vang et al., 2004). Cette action est

contre-balancée par CD45, qui peut déphosphoryler ce même site et ainsi permettre l’autophosphorylation de Lck et donc son activation. CD45 peut également avoir un rôle inhibiteur de Lck en déphosphorylant un site actif de la molécule (Figure 1.4). La balance entre ces deux rôles antagonistes de CD45 semble être contrôlée par la proximité des molécules effectrices stimulées par le TCR et par la conformation de CD45.

Figure 1.4 – Représentation schématique de la régulation du signal TCR par Lck

(D’après (Rhee and Veillette, 2012))

Dans les LT, l’activité de Lck est régulée par CD45 et les protéines Csk par un jeu de phosphorylation/déphosphorylation. L’activation de Lck permet de phosphoryler les chaines CD3 sur leurs motifs ITAM ainsi que Zap-70. Ainsi activée, Zap-70 peut à son tour phosphoryler les effecteurs en aval et ainsi activer par exemple les voies MAPK et du calcium.

Les molécules c-Cbl et Cbl-b facilitent également l’ubiquitinylation des protéines et donc leur dégradation. Ces régulateurs antagonisent donc le signal TCR (Bachmaier et al., 2000; Naramura et al., 2002; Murphy et al., 1998; Balagopalan et al., 2007). Ce signal négatif est contrebalancé par la signalisation via CD28 (Zhang et al., 2002).

Les protéines adaptatrices de la famille Dok (Downstream of tyrosine kinase) sont également impliquées dans le maintien de l’homéostasie des LT en établissant une boucle de rétrocontrôle négative de la signalisation du TCR. Les différents membres de cette famille sont régulés via des mécanismes différents. La phosphorylation de Dok-1 et Dok-2 est dépendante de la production de

1.2. LA TRANSITION DE LA QUIESCENCE À LA PROLIFÉRATION 49 phosphorylation de Dok-4 induit sa relocalisation dans un compartiment spécifique du cytoplasme (Gerard et al., 2009; Guittard et al., 2009; Guittard et al., 2010).

L’engagement de facteurs de co-stimulation est alors nécessaire pour lever la régulation négative afin de permettre l’activation des cellules.

Il existe deux grandes familles de facteurs de co-stimulation. La superfamille des immunoglobulines regroupe un ensemble de molécules s’associant directement à des kinases. Le membre le plus connu de cette famille est le récepteur membranaire CD28 dont les ligands, exprimés sur les APC, sont CD80 (ou B7.1) et CD86 (ou B7.2). L’engagement de ce récepteur est nécessaire pour induire la prolifération et la différenciation des cellules naïves. En effet, la réponse à une large variété de challenges immuns chez des souris déficientes pour CD28 est réduite (Shahinian et al., 1993; King et al., 1996; Mittrucker et al., 2001; Compton and Farrell, 2002). Etonnament, la signalisation en aval du TCR peut être amplifiée en partie par l’engagement à la membrane plasmique d’une forme mutée de CD28 ne possédant qu’un domaine extra-membranaire (Morin et al., 2015). La signalisation via CD28 peut agir directement sur le cycle cellulaire en induisant une augmentation de l’expression des cyclines D, l’activation de CDK4 et CDK6 et la phosphorylation

de pRb ainsi qu’en dégradant l’inhibiteur p27kip1 par l’activation de la voie de

la PI3K (Boonen et al., 1999; Kovalev et al., 2001; Appleman et al., 2002). De plus, la signalisation de CD28 en augmentant l’expression de c-REL, un membre de la famille NF-κB, contribue à la modification de la structure de la chromatine et à la déméthylation de l’ADN notamment au niveau du locus du gène codant l’IL2, nécessaire pour l’engagement de la croissance des cellules, l’entrée du cycle cellulaire et la différenciation (Kane et al., 2002; Grogan et al., 2001; Rao et al., 2003; Bruniquel and Schwartz, 2003).

La seconde grande famille de facteurs de co-stimulation est celle des récepteurs TNF. Parmi ceux-ci on peut noter, par exemple, CD27, OX-40 ou encore 4-1BB. Ces récepteurs ne s’associant pas directement avec des protéines kinases, la transduction du signal se fait par l’intermédiaire de protéines adaptatrices TRAF et permet l’activation des voies PI3K, NF-κB, JNK et MAPK. Ceci entraîne donc une augmentation de la survie, la production de cytokines et la prolifération cellulaire (Watts, 2005).

Suite à leur activation, les LT expriment des co-répresseurs tels que CTLA-4 (Cytotoxic T Lymphocyte Antigen-4) et PD-1 (Programmed Death-1) qui

permettent d’augmenter le seuil d’activation des LT. CTLA-4 est

structurellement très proche de CD28, protéine de co-stimulation emblématique, et interagit avec les mêmes ligands mais avec une affinité différente (Balzano et al., 1992; van der Merwe et al., 1997). Ces deux molécules sont retrouvées sur les LT et sont notamment importantes pour le contrôle du développement des maladies auto-immunes (Waterhouse et al., 1995; Hizawa et al., 2001).

Un réseau moléculaire interactif complexe se met donc en place afin de contrôler la réponse immune. Les LT naïfs et mémoires pourraient donc produire des réponses d’efficacité différente en s’appuyant sur des spécificités sous-jacentes de ces réseaux moléculaires propres à chaque stade de différenciation.

La différence observée dans l’efficacité de la signalisation entre un LT naïf et un LT mémoire peut provenir de différents niveaux. On peut citer, par exemple, la protéine Lck. Des études utilisant des souris, dans lesquelles l’expression de Lck est inductible, montrent que cette molécule n’est pas nécessaire pour l’induction d’une réponse CD8 mémoire contrairement à une réponse primaire. Ainsi, lors de l’activation du TCR avec un super Ag bactérien, la voie de signalisation induite par la phospholipase C-β pourrait compenser l’absence de Lck (Tewari et al., 2006). Au contraire, l’activité kinase de Zap-70 semble nécessaire à l’activation des LT mémoires (Au-Yeung et al., 2010). Ceci suggère donc que Zap-70 est activée par une autre kinase que Lck dans les LT mémoires.