• Aucun résultat trouvé

Au sein du système immunitaire, le pool de cellules T naïves a longtemps été considéré comme un prototype de cellules quiescentes, se retrouvant dans un état non prolifératif par défaut attendant un signal d’activation. Mais du chapitre précédent, il ressort que la quiescence est un état de non prolifération réversible activement régulé par de nombreux mécanismes cellulaires.

Les LT naïfs sont considérés comme ayant une activité métabolique réduite et étant capables de rester en interphase sur une longue période de temps tout en conservant leur état naïf (Sprent and Tough, 1994; Tough and Sprent, 1994). Le maintien de ces cellules nécessite un contact avec un complexe CMH/peptide du soi et de l’IL7 (Sprent and Surh, 2011; Takada and Jameson, 2009a). En plus de permettre la survie des cellules, ces signaux homéostatiques pourraient également réguler la fonction des LT naïfs ; le contact des LT naïfs avec des cellules dendritiques (DC) à l’état d’équilibre apparaissant essentiel pour maintenir la capacité de ceux-ci à répondre efficacement lors de la reconnaissance d’un antigène (Ag) étranger (Hochweller et al., 2010). Le concept selon lequel l’état quiescent des LT naïfs est un état régulé plutôt qu’un état de latence est débattu depuis de nombreuses années au cours desquelles un grand nombre de facteurs

ont été décrits pour maintenir la quiescence des LT. Parmi ceux-ci on retrouve, par exemple, les facteurs de transcription de la famille Fox (Forkhead box) FoxO et FoxP1, qui ont été décrits pour jouer un rôle dans le contrôle de la survie et de la quiescence des LT (Feng et al., 2011).

Afin de définir les caractéristiques des LT naïfs quiescents, de nombreuses études se sont penchées sur la sortie de quiescence des LT en réponse à des signaux extrinsèques homéostatiques, c’est-à-dire en absence de toute stimulation par le biais d’un Ag étranger. Cette capacité des LT naïfs à proliférer, dans certains contextes, en réponse à des facteurs homéostatiques (complexe CMH/peptide du soi et IL7) permet au système immunitaire de combler une niche vide et ainsi stopper tout autre prolifération homéostatique en limitant l’accès à ces signaux (Sprent and Surh, 2011; Takada and Jameson, 2009a). Ce mécanisme, à partir de LT naïfs, produit des LT appelés « cellules mémoires virtuelles », ayant un phénotype similaire à celui des cellules mémoires sans passer par un stade de différenciation en effecteur. Ces études ont mis en évidence qu’une certaine hétérogénéité existe au sein du pool de LT naïfs quiescents puisque tous n’ont pas la même capacité de réponse à ces signaux homéostatiques (Sprent and Surh, 2011; Jameson, 2002). En effet, certains LT naïfs resteront quiescents et ne subiront pas de prolifération homéostatique en dépit du contexte. Cette différence pourrait, par exemple, s’expliquer par une quantité différente des ligands CMH/peptide du soi à la périphérie, par l’expression de molécules particulières comme CD5 ou par la définition d’un

potentiel de prolifération homéostatique au cours de la sélection des

thymocytes (Hamilton and Jameson, 2012; Kieper et al., 2004; Smith et al., 2001).

L’hétérogénéité du pool de LT naïfs quiescents conduit à une capacité différente de ces cellules à proliférer et se différencier en réponse à des signaux homéostatiques. Certains LT naïfs, avec le plus grand potentiel prolifératif, occupent une « zone grise » entre les cellules naïves et mémoires : ces cellules sont constamment prêtes à « perdre » leur quiescence en fonction des changements de signaux homéostatiques (Hamilton and Jameson, 2012).

Le pool de LT mémoires ne requiert pas les mêmes signaux que les LT naïfs pour sa survie et sa maintenance. En effet, la survie des LT mémoires nécessite la présence d’IL7 tout comme les LT naïfs mais également de l’IL15 pour assurer leur auto-renouvellement. Ces cellules sont considérées comme étant maintenues dans un état plus actif, donc moins quiescent. Des analyses indiquent que les

cellules mémoires ne sont pas dans une phase G0 comme les cellules naïves mais

dans une phase plus avancée proche de la phase G1. En effet, leur niveau d’ARN

est plus élevé, ce qui permet une réponse fonctionnelle rapide (Latner et al., 2004; Veiga-Fernandes and Rocha, 2004; Allam et al., 2009). Cet état différent de celui des cellules naïves est un processus actif nécessitant un contact avec des cellules dendritiques impliquant CD27 et 4-1BB (CD137), membres de la

1.1. LES CARACTÉRISTIQUES DES LT QUIESCENTS 39 superfamille des TNFR (Tumor Necrosis Factor Receptor) (Allam et al., 2009). In vitro, le blocage de ces interactions conduit à une réversion des cellules

mémoires vers une phase G0, donc à une perte de leurs caractéristiques

fonctionnelles. En effet, dans des souris déficientes pour CD27 infectées par LCMV, les cellules mémoires s’expandent deux fois moins et le virus est moins bien éliminé (Matter et al., 2005). L’engagement de CD27 implique l’activation de la voie PI3K et l’induction de mTor, expliquant en partie l’augmentation de l’activité métabolique des cellules mémoires (Kaech et al., 2002).

Cependant, des études montrent que bien que les capacités effectrices des cellules mémoires soient rapidement mobilisables, le temps nécessaire pour

induire leur prolifération n’est pas différent de celui des cellules

naïves (Veiga-Fernandes et al., 2000; Stock et al., 2006; Whitmire et al., 2008). De plus, il existe également une hétérogénéité dans le pool de cellules mémoires conférant une capacité différente de survie dans un état quiescent. Ce

pool de LT peut être séparé en deux sous-populations possédant des

caractéristiques (Tableau 1.1) et des localisations différentes : les LT mémoires centraux (LTcm) et les LT mémoires effecteurs (LTem). Les LTcm circulent au sein des organes lymphoïdes secondaires alors que les LTem sont plutôt résidents dans les tissus non lymphoïdes. Les deux populations sont détectées dans le sang et la rate, bien que les LTem soient retrouvés dans la pulpe rouge de la rate et les LTcm dans la pulpe blanche. Les LTem présentent une forte activité effectrice alors que les LTcm ont une capacité de prolifération supérieure (Sallusto et al., 2014; Masopust, 2001).

Type de

cellules

Phénotype murin Phénotype humain

LTcm

CCR7high, CD44high,

CD127high, CD62Lhigh,

KLRG1low

CCR7high, CD44high, CD45ROhigh,

CD45RAlow, CD127high, CD62Lhigh,

expression de niveaux élevé d’IL2 et intermédiaire d’IFNγ et de TNF

LTem

CCR7low, CD44high,

CD127high, CD62Llow,

KLRG1high

CCR7low, CD44high, CD45ROhigh,

CD45RAlow, CD127high, CD62Llow,

expression de niveaux élevés d’IFNγ et TNF et de faible niveau d’IL2

Table 1.1 – Marqueurs des sous-populations de LT mémoires (D’après (Rosenblum

et al., 2016))

La quiescence des LT naïfs et mémoires n’est pas identique mais s’appuie sur des spécificités de réseaux moléculaires propres à chaque stade de différenciation. A la fois pour les LT naïfs et les LT mémoires, l’état quiescent n’est pas un état homogène mais il existe un degré de quiescence qui est activement maintenu dans les cellules afin de préserver les caractéristiques de chaque sous-population.

Dans la suite de ce manuscrit, les LT mémoires désigneront principalement les LTcm puisque ceux-ci partagent de fortes similitudes avec les LT naïfs.