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3.3 Comparaison de la variabilité isotopique diurne de la vapeur avec d’autre cam-

3.3.2 Quels sites présentent des cycles diurnes ?

D’après les résultats publiés dans les différents articles que nous avons étudiés, tous les sites côtiers et continentaux présentent des cycles diurnes clairs en humidité et en température (Fi-gures 3.7, 3.11, 3.12, 3.13, 3.14 et 3.15). Afin de visualiser plus rapidement les différences de comportements entre sites côtiers et sites continentaux, la Table 3.2 présente un récapitulatif des valeurs moyennes et des amplitudes pendant les campagnes de mesures de la température, de l’humidité, du δ D et du d-excess de tous les sites étudiés dans cette section.

FIGURE 3.10 – Carte de l’Antarctique et du Groenland marquant la position des sites (étoiles) où des campagnes similaires à celle de DDU ont été réalisées, mesures en isotopes de l’eau uniquement.

Kohnen présentent des humidités très basses, Neem, Syowa et DDU ont des valeurs basses au-tour de 4000 ppm tandis que Ivittuut a des valeurs plus élevées (auau-tour de 13000 ppmv). Le site de DDU a des caractéristiques proches de Syowa pour l’humidité, la température et la valeur moyenne de δ D. Concernant les amplitudes des cycles diurnes sur les profils de température, nous notons que le site côtier au Groenland, Ivittuut (9C) et le site côtier en Antarctique, Syowa (6C) indiquent des valeurs plus grandes que le site de DDU (4C, Table 3.2).

Contrairement aux cycles diurnes d’humidité et de température enregistrés sur tous les sites, les cycles diurnes en δ D en sont pas visibles sur tous les sites. En effet, certains sites montrent des cycles diurnes très faibles en isotopes de l’eau, à la fois en δ D et en d-excess, c’est le cas notamment des sites côtiers (signal < 12 ‰ en δ D), excepté pour le site de DDU.

Pour expliquer cette différence de comportement entre sites côtiers et sites continentaux, nous reprenons l’explication donnée plus haut pour les deux régimes identifiés (stratifié et turbulent, Figure 3.6) présentés précédemment. Nous proposons que les sites côtiers, à cause de la forte in-fluence marine, soient majoritairement dans un régime turbulent. Par conséquent, les échanges

Dôme C Kohnen Neem Ivittuut Syowa DDU Température (°C) Valeurs moyennes -32 -24 -12 12 -1 -0.5 Amplitudes cycle diurne 12 10 14 9 6 4 Humidité (ppmv) Valeurs moyennes 600 1200 4000 13000 4700 3600 Amplitudes cycle diurne 400 900 3000 5800 2300 1400 δD (‰) Valeurs moyennes -500 -415 -300 -160 -230 -245 Amplitudes cycle diurne 40 50 70 12 3 38 d-excess (‰) Valeurs moyennes 55 33 35 10 10 -10 Amplitudes cycle diurne 10 25 15 3 3 12

TABLE3.2 – Tableau récapitulatif des valeurs moyennes et des amplitudes de la température, de l’humi-dité, du δ18O et du d-excess pour les différentes campagnes de mesures.

avec l’océan proche ne permettraient pas la formation d’une couche de surface suffisamment épaisse pour enregistrer les cycles diurnes dans les isotopes de l’eau. A l’inverse, les sites conti-nentaux correspondraient au régime stratifié et la présence d’une couche de surface de plusieurs dizaines de mètres leur permettraient d’enregistrer des cycles diurnes clairs dans les isotopes de l’eau.

Cependant, le site de DDU ne suit pas le schéma des sites côtiers et enregistre des cycles diurnes clairs dans les isotopes de l’eau. Ce comportement se rapprocherait donc d’un régime stratifié comme les sites continentaux. Afin d’expliquer cette particularité, nous avançons deux hypo-thèses : (1) la présence de la glace de mer autour de l’île réduirait l’influence de l’atmosphère marine, affaiblirait les échanges avec l’océan et modifierait la teneur en isotopes de l’eau de la vapeur d’eau et (2) les forts vents catabatiques (vents gravitationnels produits par le poids d’une masse d’air froid dévalant un relief géographique, ici le glacier de l’Astrolabe) provenant du continent perturberaient les isotopes de l’eau en apportant de la vapeur d’eau du continent et

réduiraient l’influence océanique.

L’influence de la glace de mer sur les résultats isotopiques est une hypothèse qui permet éga-lement d’expliquer que nous n’observons pas de lien entre d-excess et sodium, comme c’est le cas pourSinclair et al.[2014].

Afin de vérifier les hypothèses avancées dans cette section nous proposons plusieurs perspec-tives :

(i) effectuer les mêmes mesures que lors de cette campagne mais à plusieurs hauteurs pour pou-voir étudier la dynamique des basses couches de l’atmosphère.

(ii) les données isotopiques à DDU pourraient être comparées aux données météo et radar/lidar de surface pour étudier la dynamique des couches atmosphériques de surface.

(iii) réaliser des mesures toute l’année pour visualiser le comportement des isotopes de l’eau pendant l’hiver, mais également pendant des années de débâcles pour vérifier l’hypothèse avan-cée sur l’effet de la glace de mer sur la chimie et les cycles diurnes.

(iv) nos mesures pourraient être comparées aux données de précipitations pour ainsi vérifier les teneurs basses en δ18O pendant les périodes neigeuses.

(v) nos résultats pourraient être comparées à ceux du programme scientifique ACE (Antarc-tic Circumnavigation Expedition) qui a réalisé des mesures depuis un bateau juste en face de la base de DDU au cours du mois de janvier 2017, c’est-à-dire quand je mesurais les isotopes de l’eau dans la vapeur à DDU. Ceci nous permettrait de vérifier l’hypothèse de l’influence de la banquise sur les cycles diurnes (pas de banquise autour du bateau) et celle sur le d-excess bas dans la vapeur d’eau.

FIGURE3.11 – Résultats des mesures météorologiques effectuées à Dôme C. De haut en bas, les profils suivant sont présentés : δ D (bleu foncé), δ18O (vert), d-excess (bleu clair), vitesse des vents (noir), direction des vents (points gris), température à 3m (violet), différence de température entre 0 et 3 m (ombre violette) et humidité spécifique (rouge). Le régime 1 correspond à une période de faible amplitude des cycles diurnes pour les isotopes de l’eau et la température, tandis que le régime 2 correspond à une période de forte amplitude des cycles diurnes pour les isotopes de l’eau et la température. Le graphique est issu deCasado et al.[2016].

FIGURE3.12 – Résultats de la campagne de mesures météorologiques à Kohnen. Pour tous les profils, les mesures sont en noir et/ou vert, les simulations avec le modèle ECHAM5-wiso en rouge, et les simulations avec le modèle LMDZ-iso en bleu, les profils sont les suivants (de haut en bas) : humidité, δD, température à 2m et d-excess. Les cadres bleus foncés et bleus clairs représentent les périodes de neige et de faible neige. Le graphique est issu deRitter et al.[2016].

FIGURE3.13 – Mesures météorologiques à Neem, profils présentés de haut en bas : direction des vents, vitesse des vents, humidité relative, température, humidité, d-excess, δ18O et δ D. Les mesures ont été réalisées avec deux instruments de spectroscopie différents, le PICARRO (rouge) et le LGR (bleu). Le graphique est issu deSteen-Larsen et al.[2013].

FIGURE3.14 – Mesures météorologiques à Ivittuut (rouge), profils présentés de haut en bas : température (a), humidité spécifique (b), δ D (c) et d-excess (d). Le graphique est issu deBonne et al.[2015].

FIGURE3.15 – Deux périodes de mesures météorologiques à Syowa (JARE 55 et 56). Les barres bleues représentent les jours de neige pendant les mesures. Les profils présentés sont (de haut en bas) : anoma-lie du δ D, anomaanoma-lie du d-excess, température et humidité relative. Les courbes noires représentent les moyennes glissantes sur deux jours pour tous les profils. Le graphique est issu deKurita et al.[2016].

Chapitre 4

Étude de la variabilité orbitale et

millénaire des isotopes de l’air de

l’Antarctique de l’Est

L’alternance de périodes glaciaires et interglaciaires caractérise la variabilité climatique du Qua-ternaire (Imbrie and Imbrie[1980]). Les transitions glaciaires-interglaciaires, ou déglaciations, et interglaciaires-glaciaires, ou entrées en glaciation, sont déclenchées par des changements dans les distributions saisonnières et en latitude de l’énergie solaire reçue par la Terre. Ces changements sont dus aux variations de l’orbite de la Terre et de son axe de rotation (e.g. Mi-lankovitch [1941] ; Raymo et al., 2006 ; Huybers[2006] ; Schulz and Zeebe [2006] ; Chapitre Introduction).

Dans le Chapitre 2 nous avons étudié le comportement des isotopes de l’air à l’échelle orbitale, au cours de la dernière déglaciation, qui correspond à la Terminaison 1 (T1), pour différents sites du Groenland et de l’Antarctique. Malgré des limites mises en évidence dans le Chapitre 2 sur l’interprétation du signal des isotopes de l’air en Antarctique, ces isotopes vont nous permettre d’en apprendre plus sur l’évolution de la température et de l’accumulation lors des déglaciations en les couplant avec les modèles de densification et les isotopes de l’eau. De plus, si le rôle de la température et de l’accumulation sur les isotopes de l’air a été étudié au Chapitre 2, l’étude de la T1 ne nous a pas permis de séparer l’influence de chaque paramètre sur la densification. Pour ce faire, il est intéressant d’étudier d’autres terminaisons, afin de tester notre compréhension des processus déduite de notre étude de la T1, notamment les Terminaisons 2 et 3 (T2 et T3)

pour lesquelles le réchauffement est plus abrupt que pendant la T1. Pour cette étude nous avons choisi deux sites de l’Antarctique de l’Est, Dôme C et Vostok.

Après une présentation des variabilités orbitales et millénaires, nous présenterons les données d’isotopes de l’air sur les déglaciations. Nous comparerons les sites entre eux et également leur comportement au cours des deux Terminaisons. Puis, dans un second temps, nous les compare-rons aux isotopes de l’eau mesurés dans ces mêmes carottes de glace. Nous essayecompare-rons d’éva-luer et de quantifier séparément l’impact des deux principaux paramètres climatiques pouvant influencer la densification de la neige et donc les isotopes de l’air : la température et le taux d’accumulation. Nous avons également vu au Chapitre 2 que la poussière avait un rôle à jouer dans la densification mais que ce rôle est difficile à séparer de ceux de la température et de l’accumulation pour la dernière déglaciation. L’étude de la T3, pendant laquelle les variations de la température et des poussières ne sont pas synchrones, permettra de mieux séparer l’effet des poussières de celui des autres paramètres climatiques afin d’identifier plus précisément son impact sur la densification du névé. L’utilisation du modèle de densification du LGGE (Goujon et al.[2003] ;Bréant et al.[2017]) permettra de quantifier l’effet des différents paramètres sur la densification. Dans un troisième temps, nous comparerons le duo isotopes de l’air/isotopes de l’eau à d’autres archives paléoclimatiques, comme les carottes sédimentaires, pour faire le lien avec le climat et proposerons un mécanisme permettant d’expliquer les évolutions différentes des isotopes de l’eau et de l’air lors de la T3. Pour finir nous étudierons le comportement du δ15N pendant les AIM à Talos Dôme, qui correspondent à des réchauffements d’environ 2C en 1000 ans. Le site de Talos Dôme est un bon site pour étudier le δ15N en Antarctique. En effet, les simulations du modèle de densification du LGGE (ancienne et nouvelle version) sont en accord avec les données mesurées pour la T1 (Chapitre 2). Nous pouvons donc utiliser les mesures de δ15N sur le site de Talos Dôme pour étudier son comportement sur des variations plus rapides du climat.

4.1 Changements climatiques majeurs en Antarctique de l’Est