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En plus des isotopes de l’eau et de l’air, nous trouvons dans la glace des aérosols, ce sont des particules de matière en suspension présentes par millions dans l’atmosphère. La plupart ne dépasse pas le micromètre de diamètre. Durant leur temps de vie, les particules d’aérosol ont des impacts prononcés sur le système atmosphérique, influençant le climat, la chimie atmo-sphérique, la qualité de l’air, les écosystèmes ou encore notre santé. Dans cette section nous présentons les différents types d’aérosols, leur distribution, leur impact sur le climat et pour

finir nous introduirons les aérosols enregistrés dans les carottes de glaces et leur rôle sur la densification du névé.

1.2.1 Les différents types d’aérosols

Les aérosols atmosphériques sont de petites particules solides ou liquides en suspension dans l’atmosphère. Leur durée de vie est de l’ordre de 1 à 2 semaines dans la troposphère (la partie basse de l’atmosphère) et de 1 à 2 ans dans la stratosphère (la partie haute de l’atmosphère). Elles présentent des variations importantes de concentration, taille (quelques nanomètres à plu-sieurs micromètres), de composition chimique et de forme. Elles peuvent être d’origine naturelle ou anthropique. Il existe deux processus de formation, si les aérosols sont émis directement dans l’atmosphère (abrasion, érosion), ce sont des aérosols primaires. Dans le cas où ils sont formés dans l’atmosphère par le biais de réactions chimiques (conversion gaz-particules), ce sont des aérosols secondaires. Selon leur composition chimique ils sont soit inorganiques (métaux, ions sulfate, ammonium, sodium, etc.) soit organiques (composés carbonés).

Il existe quatre types d’aérosols d’origine naturelle. Ceux d’origine marine sont des aérosols primaires essentiellement de composition inorganique. Ils sont produits par les embruns marins, les gouttelettes sont projetées dans l’atmosphère et s’évaporent laissant place à des sels marins (Na+,Cl, SO2−4 , ...). Les océans sont aussi une source importante d’aérosols secondaires, en particulier l’oxydation du diméthylsulfure (DMS) gazeux qu’ils émettent est une source de sulfate et d’acide méthane sulfonique (aérosols secondaires). Ceux d’origine volcanique sont essentiellement inorganiques, ils peuvent être primaires ou secondaires. Dans le premier cas ce sont des composés soufrés et métalliques. Dans le second cas ils proviennent du dioxyde de soufre. Pour ces aérosols les apports sont essentiellement troposphériques, parfois stratosphé-riques lors de grosses éruptions où la force de propulsion verticale peut être très forte. Ceux d’origine minérale (crustale) sont des aérosols primaires principalement inorganiques. Ils sont générés par l’érosion éolienne des sols (Mg2+, Ca2+, ...). La quantité d’aérosols injectés dans l’atmosphère est liée à la vitesse du vent. Pour finir ceux d’origine biogénique sont des aéro-sols primaires et secondaires majoritairement organiques. Les primaires sont représentés par les pollens, les bactéries et les virus. Les secondaires proviennent de la conversion gaz-particules

de composés produits par l’oxydation de molécules organiques gazeuses émises par les végé-taux. Les feux de biomasse (naturels et anthropiques) représentent aussi une source importante d’aérosols biogéniques primaires et secondaires.

Les aérosols peuvent également être d’origine anthropique, ce sont des aérosols de pollu-tion. Ceux dont le processus est primaire représentent environ 20 − 30% , il s’agit de débris de pneus, du charbon, des particules métalliques, des hydrocarbures aromatiques (combustion incomplète), du carbone suie et du carbone organique. Les aérosols dont le processus est secon-daire représentent 70 − 80% et proviennent de l’oxydation d’espèces gazeuses émises par rejets industriels, véhiculaires et la combustion du bois et des combustibles fossiles. Ces aérosols de pollution ont une structure complexe car ils émanent de plusieurs sources.

1.2.2 Distribution et impact sur le climat

Il existe différentes classifications en taille communément utilisées qui permettent d’étudier toutes les populations de particules présentes sur terre. Ici nous présentons la classification de

Whitby and Cantrell [1976]. D’après cette classification les particules sont divisées en deux groupes, les particules fines qui correspondent aux particules dont la taille est inférieure à 2µm, et les particules grossières représentant les particules dont la taille est supérieure à 2µm. Le devenir des aérosols pendant leur séjour dans l’atmosphère dépend des processus de formation les affectant. Ils sont au nombre de trois, la nucléation, la coagulation et la condensation (Figure 1.4).

Après émission, le mouvement de masses d’air à différentes échelles spatiales et temporelles (vent, turbulence, courants ascendants, ...) entraine le déplacement des particules d’aérosol ainsi que leur dilution (verticale et horizontale). Le puits de particules dans l’atmosphère est le dé-pôt, qui peut être sec ou humide. Dans le cas du dépôt sec, les particules heurtent une surface à laquelle elles restent attachées (sol, mur, végétation, ...). Ce processus est le puits le plus ef-ficace pour les particules du mode de nucléation et les grosses particules. Dans le cas du dépôt humide, particulièrement efficace pour les particules solubles dans l’eau et du mode d’accu-mulation, les particules sont lessivées du réservoir atmosphérique sous forme humide : pluie, neige, brouillard,...(Rose [2014]). Lorsque les particules d’aérosol atteignent des tailles

suffi-FIGURE1.4 – Schéma de la distribution granulométrique des aérosols et de leurs mécanismes de forma-tion et de déposiforma-tion adapté deWhitby and Cantrell[1976].

santes (supérieures à 50 − 100nm), elles peuvent servir de noyau de condensation pour la for-mation de gouttelettes de nuage (Cloud Condensation Nuclei, CCN). Ce sont principalement les particules du mode d’accumulation qui participent à la formation des gouttelettes de nuage (Komppula et al.[2005];Asmi et al.[2012]).

Le cycle des aérosols dans l’atmosphère a un impact non négligeable sur le climat. Première-ment, l’interaction entre la lumière solaire et les particules d’aérosol affecte la quantité d’énergie qui arrive à la surface du globe. Ce premier effet des particules d’aérosols est connu sous le nom d’impact radiatif direct (Charlson et al.[1991]). Il est difficile de quantifier la contribution de cet impact dans le bilan radiatif terrestre : à l’échelle globale, il est assorti d’un effet de refroidis-sement de l’atmosphère, mais dont l’intensité est entachée d’une incertitude importante (Rose

essentiellement liés au rôle de CCN joué par certaines particules. Le principe est simple, une augmentation de la concentration en particules entraine une augmentation du nombre de CCN. Les nuages contiennent donc plus de gouttelettes, par conséquent leur pouvoir réfléchissant (al-bédo) est plus élevé et conduit à un refroidissement de l’atmosphère. Ce premier effet indirect a été mis en lumière parTwomey[1977]. De plus, si la taille des gouttelettes est modifiée, alors la capacité du nuage à précipiter, et donc son temps de vie, sont affectés. La découverte de ce deuxième effet est due àAlbrecht[1989].

Le rôle des aérosols sur le climat reste aujourd’hui difficile à quantifier, et la complexité des in-teractions entre les particules et le climat est encore accrue par l’existence de rétroactions (Rose

[2014]).

1.2.3 Les aérosols analysés dans les carottes de glace

Les concentrations en impuretés dans les carottes de glace profondes nous donnent des infor-mations sur les aérosols passés. Toutefois, l’interprétation de ces données en terme de source et de condition de la chimie atmosphérique est compliqué pour deux raisons principales : (1) les variations locales du taux d’accumulation, (2) les modifications du transport atmosphérique des sources vers le continent Antarctique. Malgré ces limites, l’étude des carottes de glace fournit des informations importantes sur les paléoenvironnements atmosphériques, en particulier pour les cycles biogéniques majeurs (S, N et C). En retour, l’étude simultanée des paramètres cli-matiques et environnementaux est nécessaire pour mieux comprendre les interactions entre la chimie atmosphérique et le climat.

De nombreuses études ont mis en lumière la présence d’une quantité importante d’impuretés dans les carottes de glace, incluant des espèces insolubles (essentiellement aluminosilicates) et solubles (Na+, NH ; K+, Ca2+, Mg2+, H+, Cl, NO

3 et SO2−4 ) dans la neige polaire (Boutron and Lorius[1979];Delmas[1992];Legrand[1985]). Les carbonates partiellement solubles sont également importants à prendre en compte puisqu’ils sont à l’origine d’une part de la difficulté d’interprétation des analyses en continu (CFA pour Continuous Flow Analysis) de calcium (e.g.

Sala et al. [2008]). Les mesures des différentes espèces se font principalement par chroma-tographie à échange d’ions, souvent appelée chromachroma-tographie ionique. La technique ICP-MS

(Inductively Coupled Plasma Mass Spectrometry) de spectrométrie de masse à plasma à cou-plage inductif peut également être utilisée.

Les cendres volcaniques - Une éruption volcanique s’accompagne d’une émission massive de gaz dans l’atmosphère, ainsi qu’une importante quantité de particules solides. Le sulfate (SO−24 ) est le principal marqueur des éruptions volcaniques, et l’analyse chimique des carottes de glace permet de retracer les éruptions volcaniques passées. Les composés émis sont transportés par les courants atmosphériques, avant d’être redéposés et conservés si le milieu le permet. La glace polaire est la meilleure archive dont nous disposons en terme de paléo volcanisme (Sigl et al.

[2013,2015];Gautier[2015]). Pour la paléoclimatologie, les éruptions volcaniques enregistrées dans les glaces polaires nous permettent d’améliorer les datations des carottes de glace en utili-sant les couches de cendres et les pics de sulfate des éruptions identifiées et datées. Les pics les plus remarquables servent alors de marqueurs temporels. L’impact climatique de ces éruptions est lui aussi étudié.

Les poussières - Les aérosols désertiques ou poussières minérales font partie des espèces traces présentes dans l’atmosphère sous forme de particules. Les grands déserts, comme les déserts du Sahara et du Sahel, sont les plus grandes sources de poussière minérale. L’intérêt porté à l’étude du cycle des aérosols désertiques résulte des impacts qu’ils ont sur leur environnement. En effet, les aérosols désertiques en suspension dans l’atmosphère rétrodiffusent une partie du rayonnement solaire, ce qui entraine un refroidissement en surface. A l’inverse ils réchauffent l’atmosphère en absorbant une partie du rayonnement tellurique. Le calcium (Ca2+) est géné-ralement l’élément utilisé comme marqueur des poussières minérales. Dans le cadre de mon étude, je me suis intéressée au rôle des impuretés dans le processus de densification de la neige, cet aspect sera présenté dans la section suivante ainsi qu’au Chapitre 2 (Bréant et al.[2017]).

1.2.4 Le rôle des aérosols sur la densification du névé

Nous venons de présenter les différents types d’aérosols, leurs impacts sur le climat et ceux pré-sents dans les carottes de glace. Nous nous intéressons aux aérosols car depuis de nombreuses années ils sont au cœur des débats sur la compréhension de la densification du névé. En effet,

la présence d’impuretés dans la glace peut jouer un rôle sur la vitesse de densification.

Hörhold et al. [2012] ont mis en évidence une relation entre variabilité de la concentration en calcium (utilisée comme marqueur des variations passées des concentrations en poussières) et variabilité de la densité de différents névés polaires. La forte corrélation qu’ils présentent indique que les aérosols facilitent la déformation mécanique de la neige conduisant à une densi-fication plus rapide. Dans une des carottes étudiées l’effet des aérosols implique que la densité développe un cycle saisonnier identique au cycle saisonnier du calcium. L’effet des aérosols est susceptible d’avoir des implications directes sur notre compréhension de la densification du névé polaire et des estimations des différences d’âges entre gaz et glace en période glaciaire.

Freitag et al. [2013] ont simulé cette variabilité et l’impact des impuretés sur la densification avec un modèle simple de densification de la neige. L’effet des aérosols est formulé sur une base empirique en utilisant les variations saisonnières des concentrations en calcium (Ca2+).

Malgré les bonnes corrélations observées, des précautions doivent être prises quant aux conclu-sions tirées par l’utilisation des concentrations en calcium comme marqueur des variations pas-sées des concentrations en poussières. En effet, le calcium ne représente pas toutes les pous-sières, et ne permet pas de distinguer les poussières solubles et insolubles. Or, il a été montré que les poussières solubles et insolubles peuvent avoir des impacts différents sur la densification (Durand et al.[2006]). Ensuite parce que le calcium mesuré par CFA (Continuous Flow Analy-sis) utilisé parFreitag et al.[2013] peut mal représenter la composante insoluble des poussières (Sala et al.[2008]). Pour finir, l’étude deHörhold et al.[2012] et les simulations deFreitag et al.

[2013] ne prennent pas en compte la localisation des impuretés dans le névé. Si les poussières sont localisées ou non aux joints de grains leurs rôles sur la densification sera différent (Alley

[1987]).

En conclusion, les poussières semblent jouer un rôle important sur la densification du névé, cependant leurs effets restent encore mal contraints.