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La compréhension des processus d’évolution du névé polaire, et donc de densification, est im-portante pour de nombreuses applications en glaciologie. Principalement pour l’interprétation des carottes de glace, en effet les modèles de densification du névé sont nécessaires pour établir des chronologies cohérentes pour la glace et les gaz qu’elle renferme (Schwander et al.[1997];

Goujon et al. [2003]). Nous avons besoin des modèles de densification pour calculer l’âge des névés à la Lock-In-Depth (LID, qui correspond à la profondeur où les bulles d’air piégées dans la glace n’ont plus aucun échange avec l’atmosphère) pour pouvoir ainsi calculer le ∆âge (e.g.

Buizert and Severinghaus[2016]).

Dans cette section nous allons tout d’abord vous présenter le processus de formation de la neige en glace tel qu’il est décrit dans les modèles puis nous décrirons rapidement le modèle utilisé dans le cadre de ma thèse qui sera présenté plus en détail dans le Chapitre 2.

1.4.1 Processus de densification

La densification résulte de la déformation sous l’effet de la charge de la colonne de neige et du névé situé au-dessus. L’étude des profils de densité mesurés a permis à Herron and Lang-way [1980] d’identifier deux zones aux pentes différentes, séparées à la densité ρneige/neve = 550kg/m3. Cette observation montre que des mécanismes différents opèrent dans différentes zones du névé, cette séparation en deux zones est présente dans tous les modèles de névé exis-tants. De plusHerron and Langway[1980] ont montré que la densification dépend essentielle-ment de la température et de l’accumulation :

- la dépendance à l’accumulation est représentée par la contrainte du poids de la colonne de neige, il en résulte une déformation proportionnelle au changement de densité dû à la compres-sion.

- la dépendance à la température suit une loi d’Arrhenius avec une énergie d’activation, il s’agit de l’énergie qui doit être apportée à un système pour que la déformation ait lieu. Pour chaque stade (neige et névé) une énergie d’activation est attribuée.

Seulement les influences de ces deux paramètres sont difficiles à dissocier ce qui entrave notre compréhension et donc notre modélisation du processus. En effet, au cours d’une déglaciation

par exemple, la température va augmenter, accélérant la vitesse d’enfoncement du névé et di-minuant son épaisseur. Dans le même temps, l’accumulation va augmenter, le névé va donc se construire plus vite augmentant son épaisseur. Ces effets opposés sur la vitesse de densification sont difficiles à quantifier parfaitement et diffèrent en fonction des sites étudiés. Par exemple pour les sites dits extrêmes, qui n’ont pas d’analogues actuels, la modélisation des vitesses de densification dans le passé reste très incertaine.

Grâce aux observations actuelles et aux mesures de densité effectuées pour de nombreux sites, la modélisation des profils de densité à l’état stationnaire pour les névés actuels ne pose pas de problème majeur pour les modèles de densification existants. En revanche, l’extrapolation du comportement du névé lors d’un changement climatique reste complexe.

Le modèle deHerron and Langway[1980] est basé sur l’hypothèse d’un névé à l’équilibre. Afin d’améliorer la modélisation du névé en régime transitoire pour étudier l’évolution du ∆âge lors des transitions climatiques, une nouvelle formulation a été développée (Arnaud et al. [2000];

Goujon et al.[2003]). Elle est basée sur les processus physiques de frittage sous pression, par analogie avec le frittage des céramiques à chaud (Wilkinson and Ashby [1975]; Bernache-Assollant [2005]). Près de la surface, la pression de la colonne de neige n’est pas suffisante pour être le moteur de la densification, et d’autres mécanismes doivent être pris en compte. Les premiers modèles de densification incluant le frittage sous pression utilisaient l’équation de Herron et Langway pour le premier stade (Barnola et al.[1991];Schwander et al.[1997]). Dans les premiers mètres, les gradients de température sont importants, et conduisent à un fort mé-tamorphisme de la neige (Colbeck[1997]). Ce métamorphisme n’est généralement pas inclus dans les modèles de densification. A partir d’environ deux mètres de profondeur, le névé est pratiquement isotherme et le mécanisme de glissement aux joints de grains considéré comme dominant (Alley[1987]).

La densification du névé est quant à elle modélisée comme une juxtaposition de sphères de taille identique, dont la surface se déforme (Figure 1.10). Au départ, la surface de contact étant faible, la pression qui s’exerce sur les joints est forte (concentrée sur une petite zone), les grains sphé-riques se déforment rapidement. Puis, à mesure qu’ils se déforment leurs surfaces de contact grandissent et la pression s’excerçant sur les joints devient moins forte (la zone s’étend) et donc

la vitesse de densification diminue. La nouvelle formulation donne des résultats proches de ceux de Herron and Langway [1980] mais elle représente le processus de manière plus phy-sique. Il existe plusieurs mécanismes de déformation des joints de grains (Maeno and Ebinuma

[1983]; Arzt[1982]) qui dominent dans différents gammes de température et de pression (ac-cumulation). Chaque mécanisme est associé à une dépendance en température suivant une loi d’Arrhenius avec une énergie d’activation différente, située entre 30 et 120 kJ/mol (Maeno and Ebinuma [1983]). Actuellement dans les modèles, une seule énergie d’activation est utilisée pour chaque stade de densification.

FIGURE 1.10 – Différentes représentations de la déformation des grains lors de la densification : (a) schéma de la déformation de sphère par frittage sous pression tiré deSalamatin et al.[2009], (b) image binaire qui illustre le névé pendant la densification à 45 m, 650 kg.m−3 tiré de Arnaud et al. [2000], (c) Images à microscopie électronique à balayage de la micro-structure des particules de glace à −25C après 216h de compression tiré deBlackford[2007].

Une fois la densité de la glace atteinte ce ne sont plus les grains de neige qui sont modélisés, mais les pores dont le volume diminue. L’interface entre la glace et les bulles d’air est soumise à la différence de pression entre le poids de la colonne de névé qui s’exerce sur la glace et à la pression de l’air contenu dans la bulle qui augmente. La modélisation des pores de forme cylindrique au début puis sphériques suit la formulation de Wilkinson and Ashby[1975]. La

modélisation de la densification de la glace n’est pas vraiment importante pour étudier le ∆âge puisque les pores sont déjà fermés, en revanche elle l’est pour la représentation du profil de température dans le névé.

Les modèles de densification basés sur le principe du frittage (Barnola et al. [1991]; Arnaud et al. [2000]; Goujon et al.[2003]) ont des paramètres qui ont été déterminés empiriquement pour modéliser correctement les sites actuels. Néanmoins, ces paramétrisations ont leur limites, et aucun des modèles existants ne permet de modéliser correctement le ∆âge dans les sites froids (Vostok, Dome C) en période glaciaire.

En résumé, le modèle de densification produit un profil de densité en fonction de la profon-deur, jusqu’à obtention de la densité de la glace. Ce profil dépend essentiellement de la densité de surface, de la température et de l’accumulation. Pour simuler les teneurs en δ15N et ainsi obtenir des indications directes sur l’épaisseur du névé dans le passé nous devons connaitre la densité de piégeage des gaz, ρLID. Les premiers modèles utilisaient une densité constante pour tous les sites ρLID = 819 kg.m−3 (e.g.Barnola et al.[1991]), maisMartinerie et al. [1994] ont proposé une paramétrisation de la profondeur de piégeage dépendante de la température. La densité de piégeage est ensuite traduite en profondeur de piégeage ZLID à l’aide du profil de densité produit par le modèle de densification, elle-même reliée au fractionnement gravitation-nel grâce à l’équation suivante :

δ15Ngrav= ∆mg(ZLID−Zconv)/RT (1.24) où Zconvcorrespond à l’épaisseur de la zone convective que nous avons besoin de connaitre pour la modélisation (fixée à 2m pour tous les sites sauf Vostok, 13m d’aprèsBender et al.[2006]).

1.4.2 Modèle du LGGE utilisé dans le cadre de mon doctorat

Dans le cadre de mon doctorat j’ai travaillé à l’amélioration du modèle duLGGE (Barnola et al.

[1991];Arnaud et al.[2000];Goujon et al. [2003]) pour les simulations passées du δ15N, en particulier pour les sites dit extrêmes, c’est-à-dire avec des températures très basses et de faibles taux d’accumulation (e.g. Dôme C, Vostok, Dôme F, Dôme A).

Le modèle deGoujon et al.[2003] est une version dynamique du modèle de densification 1-D de Arnaud et al. [2000]. En s’inspirant du frittage à chaud des céramiques ou des métaux, la densification du névé polaire est décrite comme un glissement aux joints de grains pour la pre-mière étape : densification de la neige (Alley[1987]) comme une déformation plastique d’un matériau poreux pour l’étape de densification du névé (Arzt[1982]). La principale amélioration du modèle deGoujon et al.[2003] émane du calcul du transport de la chaleur dans la calotte de glace, de la surface au socle rocheux, en utilisant une version simplifiée du modèle du transport de la chaleur dans la glace de Ritz [1989]. En plus de déterminer la profondeur de fermeture des pores et ∆âge, ce modèle permet de simuler les gradients verticaux de température actuels et passés dans le névé et la glace. De plus, la reproduction des variations passées du δ15N par le modèle deGoujon et al.[2003] permet de quantifier les variations de température et d’accu-mulation associées aux évènements de Dansgaard-Oeschger (D-O) indépendamment de celles calculées à l’aide des isotopes de l’eau (e.g.Landais et al.[2004];Guillevic et al. [2013]). Les isotopes de l’air sont calculés en suivant les Equations (1.4) et (1.5). Une approche inverse peut également être utilisée pour reconstruire ces paramètres passés (LID et ∆âge ; Orsi et al.

[2014]). Ce modèle a été optimisé pour les conditions actuelles au Groenland et pour certains sites antarctiques (Goujon et al.[2003];Landais et al.[2006]).

Le modèle du LGGE est le modèle le plus complet de la littérature, mais il ne permet pas de reproduire correctement le ∆âge en période glaciaire dans les sites extrêmements froids du pla-teau Antarctique. Aucun des modèles de densification existants ne simule dans le bon sens les variations passées de δ15N. Nous avons donc essayé d’améliorer les simulations pour les sites extrêmes sans dégrader les simulations pour les autres sites qui ne posaient pas de problème. Notre idée était de nous concentrer sur les paramètres climatiques jouant le plus sur le proces-sus de densification, comme la température et l’accumulation. Nous avons choisi de modifier la paramétrisation de la température dans le modèle et d’incorporer l’effet des aérosols dans le modèle comme cela avait été fait parFreitag et al.[2013], leur paramétrisation sera détaillé dans le chapitre suivant. Le travail effectué visait à réconcilier mesures et simulations, il sera détaillé dans le Chapitre 2 (Bréant et al. [2017]) et de nouvelles simulations pour les sites extrêmes seront présentées dans le Chapitre 4.

1.5 Récapitulatif des mesures effectuées au cours de mon