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En quoi consiste une aventure dans le roman des années d'entre-deux-guerres ? Nous avons jusqu'ici parlé de la naissance, du développement et du déclin de la notion d'aventures, en lien avec certains des problèmes fondamentaux de l'époque – problème du rêve, de l'héritage symboliste tout empreint d'impuissance et confronté au désir d'action que suscite une modernité déroutante et violente – qui informèrent la « crise du roman » dont parle Michel Raimond et à laquelle le roman d'aventures littéraire a pu apparaître comme une réponse possible. Nous nous sommes toutefois peu attardé ni sur les faits et les gestes mêmes de l'aventure romanesque de l'entre-deux-guerres, ni sur ses décors.

Matthieu Letourneux fait de l'action et du décor deux composantes essentielles de la poétique du roman d'aventures :

Par-delà les variations, on peut repérer un certain nombre de traits convergents : une place centrale accordée à l'action et, de préférence, à l'action violente, une certaine dynamique du récit retranscrivant dans l'écriture cette relation à l'action, l'importance du dépaysement qui, sans être toujours central, paraît toujours jouer un rôle dans les œuvres [...]1.

Letourneux appuie une partie de sa « typologie2 » sur les différents types de dépaysements

qu'implique l'aventure. L'action et le décor non seulement fondent la poétique du corpus de romans d'aventures qu'il constitue pour son étude – composé à majorité de romans issus de la littérature populaire – mais l'organisent. Notre corpus diffère de celui de Letourneux en ce qu'il exclut le roman populaire, toutefois les notions d'action et de dépaysement sont inhérentes à l'idée d'aventure et se conservent du domaine populaire au domaine littéraire. L'aventure, en effet, est un rapport au temps qui se construit par le geste et le lieu. Jankélévitch fait de l'aventure une façon de considérer le temps : l'aventure, c'est « l'avènement de l'avenir3 ». L'aventurier « provoque » l'avenir – c'est

l'essai de sa liberté –, ainsi ce rapport au temps qu'est l'aventure implique nécessairement un geste : « Pour qu'il y ait aventure au sens usuel de ce mot, il faut qu'une série d'épisodes ou de péripéties s'enchaîne à travers la durée4 ». Pour tenter le temps et sa chance, il faut s'écarter un minimum du

lieu quotidien qui est le lieu de la répétition et de la prévision. Le geste aventureux, la geste aventureuse s'effectuent plus ou moins « loin de » et sont par essence dépaysés. Le roman d'aventures, populaire ou littéraire, ne peut faire l'économie d'une mise en avant de l'action et du

1 Le roman d'aventures, op. cit., p. 13. Il insiste également sur un troisième point qui concerne de façon problématique le roman d'aventures littéraire et sur lequel nous reviendrons plus loin : la tendance du genre de l'aventure à être associé à une forme de littérature populaire.

2 Letourneux met lui-même le terme entre guillemets.

3 « L'aventure est liée à ce temps du temps qu'on appelle le temps futur et dont le caractère essentiel est d'être indéterminé, parce qu'il est l'empire énigmatique des possibles et dépend de ma liberté ; le possible n'est-il pas ce qui peut être ainsi ou autrement, et qui sera ceci ou cela selon mon courage, selon les risques que je consentirai à courir, selon ma bonne ou ma mauvaise chance ». L'aventure, l'ennui, le sérieux, op. cit., p. 10.

dépaysement. Le roman d'aventures littéraire de l'entre-deux-guerres suit en cela ses prédécesseurs et contemporains du roman populaire, toutefois son rapport à l'action et au lointain lui est propre et se modèle sur les problématiques de l'aventure moderne. Aussi est-il nécessaire de faire le point sur les faits, gestes et lieux des romans qui nous concernent.

a) Actions

Fondamentalement, le risque de l'aventure est un risque de mort5. Le geste aventureux met

l'instant à venir à portée de main de la mort. De fait, l'action6 typique du roman d'aventures est

risquée, souvent mouvementée, et le roman d'aventures littéraire de l'entre-deux-guerres, tout littéraire qu'il est, n'est pas exempt de violence. Pablo... de Fer, Moravagine, Fortune carrée et Les

Figurants de la mort multiplient bagarres, fusillades et batailles. Le meurtre y est relativement

commun : outre Moravagine et ses assassinats en série, Pablo de Fer ou le général Gonzales Clarriarte y Equipa des Figurants de la mort n'hésitent pas un seul instant à abattre un opposant d'une balle dans la tête. On pense également au héros de L'Atlantide, Saint-Avit, qui tue au marteau son compagnon Morhange. Toutefois, Letourneux montre que ce n'est pas l'action qui fait l'aventure, mais la façon dont les événements de l'action sont racontés : « Autrement, tout récit qui laisserait une place importante aux actions des personnages, […] c'est-à-dire toute œuvre privilégiant l'intrigue, serait un roman d'action7 ». La chaîne des événements aventureux doit se

5 « Car c'est la mort, en fin de compte, qui est le sérieux en tout aléa, le tragique en tout sérieux, et l'enjeu implicite de tout aventure. Une aventure, quelle qu'elle soit, même une petite aventure pour rire, n'est aventure que dans la mesure où elle renferme une dose de mort possible [...] ». Ibid., p. 18.

6 Françoise Revaz fait le point dans son ouvrage Introduction à la narratologie. Action et narration sur la différence entre l'événement, qui est un effet distinct de sa cause, et l'action, qui est un acte motivé par des raisons d'agir. Elle montre que la frontière entre les deux est mince et que la complexité des agissements humains est tributaire tant des causes que des motivations. Notre définition de l'action fait sienne cette ambiguïté. Qu'un aventurier se batte, c'est une action violente, qu'il soit, pris dans un événement violent – une tempête par exemple –, forcé de rassembler ses forces pour conserver sa vie, en est une autre. F. Revaz, Introduction à la narratologie. Action et narration, Bruxelles, De Boeck Duculot, 2009.

détacher des lieux et temps communs8 ; l'aventure traditionnelle – celle qui se développe à la fin du

XIXe siècle principalement dans la culture populaire – doit structurer une suite d'épisodes distincts9

qui mènent à sa fin10, généralement le retour triomphal au monde quotidien.

Sans afficher la progression rigoureusement répétitive des aventures populaires, plusieurs intrigues d'aventures parmi les romans qui nous intéressent reprennent l'idée d'un enchaînement de mésaventures. Pablo... de Fer en est le meilleur exemple, dont chaque chapitre correspond à un nouvel épisode. De même Raz Boboul, Les Figurants de la mort ou Moravagine reprennent, suivant une découpe en chapitres thématiques et événementiels, cette structure dont le premier événement est une rupture avec, ce que par analogie avec le vocable religieux, nous pourrions nommer le « siècle » des travaux et des jours. Francisque, le héros de Raz Boboul, quitte son poste de professeur du jour au lendemain ; Raymond La Science abandonne aussi brusquement la profession médicale pour s'enfuir avec Moravagine ; Pablo Ourroutchoa, qui n'est pas encore Pablo de Fer, renonce en une nuit à sa vie oisive de fils de notable ; les embarqués du Libertador dans Les

Figurants de la mort ont laissé familles et carrières11. Toutefois, le roman d'aventures littéraire

modifie quelque peu le schéma canonique de l'aventure.

Ainsi la linéarité de l'enchaînement des actions et événements aventureux peut être modifiée. L'aventure peut commencer en son milieu. Fortune carrée s'ouvre in medias res à Sanaa, au Yémen, « par un matin d'automne de l'année 192912 », puis une analepse revient sur les origines des

aventures d'Igricheff, « trente-neuf ans plus tôt, en 189013 »... Le roman n'en enchaîne pas moins les

8 Isabelle Guillaume montre comment les motifs de la transgression et du franchissement de la frontière informent le début de l'aventure « Au motif de l'exotisme on préférera celui du seuil, à l'invocation d'une unité de lieu, celle d'un geste ». Le roman d'aventures depuis L'Île au trésor, op. cit., p. 28.

9 « Ainsi, le roman d'aventures est-il fondé sur une tension entre l'unité de l'Aventure et l'éparpillement des mésaventures ». Le roman d'aventures, op. cit., p. 42.

10 « Quelque chose commence pour finir : l'aventure ne se laisse pas mettre de rallonge ; elle n'a de sens que par sa mort ». La Nausée p. 59.

11 Le narrateur des Figurants insiste tout particulièrement sur ce point initial et critique de l'aventure : « Toujours est-il que Peter Borel, officier mécanicien depuis dix ans sur La Ville de Copenhague, abandonna son bateau, sa situation, son grade, son avenir, sans un soupir, pour s'embarquer avec un rôle mal défini sur une espèce de cargo pirate. M. Kock quitta je ne sais quel rond-de-cuir confortable dans l'administration du port, et Schutz renonça à son salaire de docker ; sans compter tous les deux leur vie de famille, leur foyer qu'ils brisaient délibérément ». FM, p. 82.

12 FC, p. 6. 13 Idem.

mésaventures dans un ordre linéaire par la suite. L'ouverture in medias res n'est pas rare dans le roman d'aventures littéraire de l'entre-deux-guerres. La Guêpe ou Courrier Sud ont recours à ce procédé, qui met le monde quotidien immédiatement à distance et fait l'économie de longs préparatifs comme on peut en trouver chez Jules Verne, par exemple. Cette organisation fait de l'action une donnée immédiate sans autre justification que son avènement, et de l'aventurier un mystère. Une partie du roman – et parfois la plus importante – est consacrée à l'élucidation de cette énigme : qui est cet homme – l'aventurier – et pourquoi est-il engagé dans cette aventure ? Si

Fortune carrée conserve une certaine aura de mystère autour des personnages d'Igricheff et de

Mordhom, La Guêpe et Courrier Sud deviennent de véritables enquêtes psychologiques entrecoupant l'enchaînement des aventures de retours sur le passé de l'aventurier. De la même façon,

Les Conquérants de Malraux s'ouvre par une déclaration qui résume toute l'action sans en donner

les prémisses : « La grève générale est déclarée à Canton », et tout un pan du roman sera consacré au dévoilement de la psychologie et du passé de Garine. L'ouverture in medias res du roman d'aventures littéraire ne concerne pas uniquement la structure de l'intrigue, mais participe d'un mouvement qui déplace l'intérêt de l'aventure vers l'aventurier.

D'autres romans commencent par la fin. Cette autre entorse à la linéarité est due à la narration souvent rétrospective de ces romans, le narrateur racontant l'histoire qu'il a lui-même reçue d'un aventurier, l'œuvre mêlant alors plusieurs temporalités, celle, en début de roman, du récit de l'aventurier au narrateur, celle du récit fait au lecteur et celle de l'action. Cette multiplication des voix et perspectives narratives est héritée du roman anglais, de Stevenson, et particulièrement de Conrad qui, par exemple, utilise le personnage de Marlow, tantôt comme l'aventurier récitant son histoire à un intermédiaire (Heart of Darkness), tantôt comme narrateur intermédiaire entre l'aventurier et le lecteur (Lord Jim). L'Atlantide, Koenigsmark, Les Dieux rouges, Les Figurants de

la mort fonctionnent sur le modèle du récit indirect. Dans la tradition conradienne, chacun des

extatique, à la suite de l'aventure de Saint-Avit, de celui-ci et d'Olivier Ferrière pour le Hoggar14 ;le

début de Koenigsmark présente au lecteur le lieutenant Vignerte en prise avec des idées noires, voulant se délester du récit de son aventure ; Les Dieux rouges s'ouvre par le mot « FIN » et le suicide du héros ; Les Figurants de la mort par le cri de douleur que PetitGuillaume pousse encore plusieurs années après son aventure. De façon similaire à l'ouverture in medias res, cette complexification de la structure narrative déplace également l'intérêt du roman vers l'aventurier – comment cet homme en est-il arrivé là ? Elle modifie par ailleurs la logique de suspens et la relation à la mésaventure propre à l'aventure traditionnelle. L'aventurier type est invincible, et sur cette invincibilité repose une partie du plaisir et de la psychologie du genre15. Dans le roman d'aventures

littéraire, la présentation initiale d'un héros affecté par son aventure confirme, certes, que l'aventurier a survécu à l'aventure – le héros n'est pas mort puisqu'il peut raconter son histoire – mais modifie les attentes du lecteur. Le lecteur d'un roman d'aventures traditionnel se délecte à l'avance de la façon dont le héros va triompher des obstacles, et les mésaventures en deviennent paradoxalement ses alliées puisqu'elles révéleront et accompliront sa force. Un héros de prime abord présenté comme brisé par son aventure sous-entend deux modifications du pacte de lecture traditionnel de l'aventure : d'une part, le héros est faillible et psychologiquement plus complexe que le héros traditionnel ; d'autre part, les événements aventureux acquièrent un certain relief offensif, l'aventure « tire à balle réelle » ; de pot de fer, l'homme devient pot de terre. Ainsi cette structure inversée de l'aventure participe de la réintroduction du réel dans le roman d'aventures.

L'action dangereuse, l'événement périlleux le sont par contraste avec un état des choses plus calme. « Ainsi les séquences d'actions alternent-elles avec des séquences narratives en apparence moins importantes, en ce qu'elles peuvent être supprimées sans affecter la progression du récit, mais qui jouent un rôle fondamental dans le rythme du récit16 ». Or, peu de romans d'aventures littéraires 14 « Si les pages qui vont suivre voient un jour la lumière du soleil, c'est qu'elle m'aura été ravie ». A, p. 9.

15 « Dans le roman d'aventures, le risque de mort n'existe pour le personnage que dans l'univers de fiction ; la logique narrative en revanche désamorce tout danger, puisque l'échec du héros n' pas place dans le pacte de lecture sériel. Une part du plaisir du lecteur tient à cette découverte de mésaventures toujours plus périlleuses appelées à être surmontées par le héros ». Le roman d'aventures, op. cit., p. 64.

suivent de façon régulière cette alternance. Seuls les rythmes narratifs de Pablo... de fer ou Fortune

carrée s'en rapprochent. Les Figurants de la mort pourrait prétendre à une telle structure, mais toute

la seconde partie est une recherche vaine de l'aventure et est donc dépourvue d'action véritable. Quant aux autres romans qui nous intéressent, ils sont bien loin de présenter autant d'action. Le fait est que le roman d'aventures littéraire de l'entre-deux-guerres est avare en action. Celle-ci y est présente – et essentielle –, certes, mais en quantité limitée. Si l'aventure traditionnelle présente une teneur de cinquante pour cent d'événements aventureux et d'action, l'aventure littéraire offre un dosage radicalement différent. Moravagine développe de nombreuses actions mais régulièrement la narration a recours à l'imparfait, ce qui noie l'aventure dans le cours des événements17. Raz Boboul

et L'Atlantide contiennent peu d'événements véritablement périlleux, feu de brousse, inondation, chute de roches, fuite dans le désert... moins d'une dizaine d'événements pour les deux romans. L'action des Dieux rouges est toute concentrée à la fin du roman. La scène dans le village Moï dans

La Voie Royale, l'avarie technique dans Courrier Sud sont les seules scènes de danger et de suspens

de ces romans. Le Chant de l'Équipage et La Guêpe ne contiennent pratiquement aucune action véritable, si ce n'est une parodie d'action dans Le Chant de l'Équipage, durant la scène de l'abordage pour rire.

Si « un roman d'aventures n'est pas seulement un roman où il y a des aventures ; c'est un récit dont l'objectif premier est de raconter des aventures, et qui ne peut exister sans elles18 », alors le

roman d'aventures littéraire de l'entre-deux-guerres n'est pas un roman d'aventures, du moins au sens traditionnel du terme. L'homme se donne à l'action dans les romans qui nous occupent. Ce sont les romans d'hommes qui se meuvent, qui se mettent en marchent, qui se risquent à l'action – une action plus rare, certes, mais qui n'en est que plus intense : ce sont littéralement des romans d'aventures. Cependant l'intérêt est déplacé de l'aventure à l'aventurier. L'aventure ne disparaît pas,

17 « Nous étions pistés, nous étions traqués. Notre signalement était tiré à cent mille exemplaires et affiché partout. Nos têtes étaient à prix. Nous avions la police russe à nos trousses ; un monde d'espions, de mouchards, de traîtres, de faux frères, une nuée de détectives nous harcelaient ». M, p. 91 ; « Et les Vallataons étaient à nos trousses. Durant plus de trois semaines ils nous harcelèrent avec les petits projectiles pointus de leurs sarbacanes, durant plus de trois semaines nous fûmes pourchassés par leurs flûtes ». Ibid., p. 195.

mais sa violence, son suspens son action y brillent d'une autre lueur. Dans le roman d'aventures littéraire l'homme se donne à l'action et l'action l'éclaire en retour.

b) Dépaysements

Chacune des intrigues est basée sur un ou plusieurs déplacements, suivant une expédition particulière, ou les multiples équipées d'une vie aventureuse. Motivés par un trésor pécuniaire ou culturel (Le Chant de l’Équipage, L'Atlantide, Raz Boboul, La Voie Royale), un objectif militaire (Les Dieux rouges, Pablo...de Fer, La Guêpe, Les Figurants de la mort), une mission d'utilité publique (Courrier sud) ou simplement répondant à une quête ouverte de l'aventure (Moravagine,

Fortune carrée), les déplacements autour desquels s'organise l'action aventureuse impliquent tous

des dépaysements d'ordre géographique. À l'exception du roman d'Albert Touchard, qui se déroule en Allemagne, chacune des aventures éloigne ses aventuriers de l'Europe, que ce soit vers l'ouest, dans les mers tropicales et les Caraïbes (Le Chant de l’Équipage, Les Figurants de la mort), ou les terres sauvages de l'Amérique (Pablo...de Fer, Moravagine), vers l'est, dans les colonies asiatiques (Les Dieux rouges, La Voie Royale) ou la Russie (Moravagine), ou encore vers le sud, en Afrique ou au Moyen-Orient (L'Atlantide, Raz Boboul, Courrier Sud, Fortune carrée).

Dans le roman populaire, le dépaysement, qui n'est pas uniquement géographique mais qui équivaut de façon générale à une perte de repères, assure la vraisemblance de l'action, le lointain – géographique, historique, social, fantastique... – étant un lieu d'altérité dans lequel l'invraisemblable peut devenir vraisemblable19. De façon similaire, le dépaysement de plusieurs romans d'aventures

de l'entre-deux-guerres, qui se distinguent par ailleurs du roman populaire par bien des aspects, permet le déploiement d'invraisemblances extravagantes. Ainsi dans Raz Boboul, au pays d'Amharah en Abyssinie, une île isolée renferme une église byzantine monolithique et souterraine,

19 « Dans le roman d'aventures, l'interrogation sur le cadre est fondamentale, dans la mesure où c'est lui qui définit la relation de l'aventure au réel, et les modalités du vraisemblable, essentielles lorsqu'on se penche sur un roman qui se consacre au premier chef à la narration d'événements extraordinaires ». Le roman d'aventures, op. cit., p. 77.

demeure d'une princesse à l'accent méridional et dont les caves recèlent un trésor inestimable et des écrits apocryphes inédits. Il faut y lire un clin d'œil à L'Atlantide de Pierre Benoit, dans lequel les cavernes du Hoggar abritent la résidence d'Antinéa qui, en sus d'y bénéficier du confort moderne, y possède son propre vignoble et des textes inédits de Platon. Dans Les Dieux rouges, une vallée isolée du Laos est le dernier refuge d'un écosystème préhistorique comprenant pré-humains et autres mammouths. Le dépaysement peut aussi servir de cadre aux agissements d'un surhomme dont l'énergie déborde le principe de réalité. Ainsi peut-on lire dans Pablo... de fer : « Au Mexique, les hommes vaillants ont, plus qu'ailleurs peut-être, toute facilité pour accéder aux plus hautes destinées20 ». Le milieu révolutionnaire anarchiste russe permet de façon similaire à Moravagine de

déployer sans entraves sa rage et sa mélancolie ; le pourtour de la Mer Rouge absorbe, dans

Fortune Carrée, l'énergie inépuisable d'Igricheff et de Mordhom21.

Le dépaysement peut permettre d'altérer les normes du réel dans l'aventure littéraire. Toutefois,