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III.1. Connaissance et intérêt pour l’ouverture des données : des approches contrastées

III.1.1. Quelle connaissance de l’ouverture des données ?

L’analyse est organisée autour de trois éléments : la définition, donnée par les professionnels, du libre accès et de l’open data, les exemples sur lesquels ils s’appuient et la manière dont ils positionnent l’ouverture des données dans le libre accès et l’open data. Les professionnels étaient libres de porter à notre attention ce qui leur semblait important sans donner de définitions exhaustives.

Les professionnels aboutissent généralement à une définition complète du libre accès, la connaissance de cette voie d’accès à l’information est partagée par tous. Quatre professionnels ont apporté au moins quatre éléments de définition. Deux professionnels en ont apporté plus de six. Plusieurs notions sont relativement communes. Cinq mêmes notions ont été exprimées par trois professionnels, ce qui montre leur caractère prégnant : la consultation, la gratuité, l’usage du web, les données, la culture. Des termes employés comme synonymes à ceux-ci sont parfois utilisés : « voir » et « lire » pour « consulter »,

« librement » pour « gratuitement », « internet » pour « web ». Certains mots apportent des précisions : les « données » sont comprises comme du « contenu » et de l’« information » exploitables humainement, les expressions « collections muséales » et « tout ce savoir qui peut être collecté dans un service de documentation » indiquent que le libre accès est un moyen privilégié des musées pour valoriser leurs collections et les informations qui s’y rattachent : « cela [...] favorise l’accès à la connaissance » (F). La voie du libre accès semble liée à la notion de service public. Deux professionnels considèrent en effet qu’il est du devoir des institutions de rendre accessibles les collections publiques et les informations qui les accompagnent. Des notions ont été évoquées individuellement, apportant des nuances intéressantes. Le professionnel B voit dans le libre accès une vitrine de la structure, organisée par une sélection des données. Nous pensons que cela suppose une réflexion en amont sur l’identité du musée à construire à travers les données diffusées. Le professionnel estime que cette diffusion doit être réalisée en lien avec le service de médiation. Le libre accès a également été rapproché de la médiation dans le sens où il prolonge, complète, ou remplace l’accès à la culture pour palier l’éloignement, le handicap ou l’inaccessibilité physique. De plus, l’idée d’un échange participatif intègre le libre accès aux Communs des Savoirs. Tous les professionnels n’ont pas la même idée du type de données accessibles dans le libre accès : ont été mentionnées les données administratives, les ressources produites par le musée, les

archives, l’open data, les données sous droit d’auteur ou du domaine public. L’élargissement du libre accès à une réelle ouverture des données a été longuement détaillé par le professionnel H2, en précisant que les données pouvaient « [être] réutilis[ées] sous certaines conditions, de la plus contraignante à la moins contraignante » et en expliquant les licences Creative Commons. Ces types de données et ces formes d’ouverture trouvent plutôt leur support dans des bases de données mentionnées deux fois avec en exemple la base Joconde128. D’autres formes ont été mentionnées : les « plates-formes », les « sites », et

« Wikimedia ». Le libre accès semble plutôt défini comme un accès aux données plutôt que comme une ouverture des données. Pour la majorité, les données disponibles sont des données de contenu et des informations sur les collections. Cela correspond à l’usage qui est fait du libre accès par les institutions culturelles et les collectivités.

L’open data a été plus difficile à définir par les professionnels. Trois d’entre eux ont apporté au moins quatre éléments de définition. Mais deux n’ont pas défini explicitement l’open data : il s’agit des deux premiers entretiens dont la grille comportait des défauts. Deux notions ont été exprimées par au moins trois professionnels : l’accès et la réutilisation qui permettent un développement par une tierce personne, notions souvent couplées avec l’idée de facilité. Pour les professionnels interrogés, l’open data semble privilégier les données administratives, même si D1 avait déjà raccroché les données administratives au libre accès. Nous en déduisons que D1 a exprimé une idée très large de l’ouverture des données, effectivement potentiellement présente à la fois dans le libre accès et l’open data.

Nous avons remarqué une difficulté à nommer les types de données présents dans l’open data. Le libre accès et l’open data semblent différenciés non en fonction des données mais du nombre des données et de l’objectif visé pour l’open data, plus lié au développement économique et citoyen que le libre accès, centré, lui, sur l’accès à la connaissance. Le professionnel F insiste deux fois sur la notion de volume des données, qu’il perçoit comme beaucoup plus important dans l’open data que dans le libre accès. Il lie l’open data à un changement de fonctionnement dans la gestion de l’information, à quelque chose de nouveau et de pas encore bien cerné : « Je ne connais pas assez pour me prononcer. J’aurai un jugement qui sera subjectif et pas très éclairé ». D’autres notions complémentaires

128.Joconde, portail des collections des Musées de France : catalogue. Culture.gouv [en ligne]. [Consulté le 12 juin 2017]. Disponible à l’adresse : http://www.culture.gouv.fr/documentation/joconde/fr/pres.htm#

ponctuelles, que les professionnels ont davantage abordées lorsqu’ils exprimaient leur opinion, distinguent l’open data du libre accès : il s’agit de « données brutes »,

« téléchargeables », utilisables sous certaines conditions, pour lesquelles il n’y a pas d’effort d’accompagnement par l’ergonomie de la plate-forme. Il semble que la diffusion des connaissances auprès d’un public à la fois large et expert soit l’apanage du libre accès et que l’open data soit réservé à la pratique de la réutilisation de données massives par un public spécialisé. Les professionnels ont parfois spontanément illustré leur propos d’exemples : ont été mentionnés l’open data sur les collections du musée Albert Kahn, celui sur la plate-forme Data.Toulouse-Métropole. L’open data est compris comme différent du libre accès, mais en aboutissant plus ou moins à une opposition entre libre accès et réutilisation des données :

« les données ouvertes permettent la réutilisation, c’est une différence majeure » (G). Les données ouvertes sont uniquement associées à l’open data : G considère que le libre accès et l’open data sont la même chose mais que la réutilisation est une « dimension supplémentaire » de l’open data par rapport au libre accès.

Nous n’avons pas explicitement posé de question sur ce que les professionnels percevaient de l’ouverture des données : cela aurait été instructif, car la question aurait pu amener les professionnels à éclaircir certains aspects du libre accès et de l’open data. Cependant, nous pouvons tirer certains éléments des entretiens. Le type de données le plus évoqué est la photographie, une donnée de contenu. Seuls trois professionnels, D1, G et H2 identifient les spécificités des données de chaque voie, c’est-à-dire données relevant de la propriété intellectuelle pour le libre accès, des données administratives publiques pour l’open data, des données du domaine public pour les deux. Cette identification des données montre que ces trois professionnels comprennent que l’ouverture des données concerne à la fois le libre accès et l’open data. Deux professionnels, G et H2 ont évoqué les licences Creative Commons. H2 les définit : « Cela va de pouvoir juste utiliser une donnée, jusqu’à réutiliser une donnée en la commercialisant, la modifier, comme recadrer une photo ». La notion d’open data semble difficile à définir en dehors de tout contexte et reste incomplète. Nous constatons que seuls trois professionnels maîtrisent certains éléments concernant l’ouverture des données.

Nous pensons que cette difficulté de définition tient au caractère nouveau de l’open data et peut-être au questionnement de début d’entretien qui demandait aux professionnels de se positionner hors contexte. Une autre raison à ce problème de définition est l’usage sémantique des termes qui entourent les problématiques explorées. En effet, comme le professionnel D1, il nous semble que G nomme « open data » tout ce qui relève de l’ouverture des données, y compris lorsque celle-ci intervient dans le cadre du libre accès.

Cette association « open data » et « ouverture des données » transparaît chez ces deux professionnels aux connaissances déjà bien affirmées sur ces questions. Il est vrai qu’ « open data » et « ouverture des données » ont littéralement le même sens. Cependant, « open data » est davantage consacré au modèle d’ouverture des données publiques issu du monde anglo-saxon, et « ouverture des données » désigne une possibilité technique et juridique commune au libre accès et à l’open data.

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