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Les e ff ets de quartier regroupent di ff érentes mécanismes, parmi lesquels certains ont en commun de montrer comment les habitants du quartier de résidence peuvent influer sur les

attitudes et/ou comportements d’un individu. Les problèmes d’effets de contagion et les

pro-cessus de socialisation collective rentrent dans cette catégorie. L’entourage immédiat dans le

quartier s’impose comme référence et comme norme, si bien qu’il dicte directement et

indi-rectement les comportements et normes à adopter. Quand l’échec scolaire, les comportements

déviants ou l’inactivité dépassent un seuil donné, leur propagation se fait de manière

expo-nentielle. Le nombre de personnes adoptant un comportement donné pousse à s’y conformer,

et plus il y a de participants, plus le phénomène risque de se propager (Benabou, 1993 ; Crane,

1991). Nous pouvons également citer le problème du réseau social, qui peut être de moindre

qualité dans certains quartiers. Ce réseau constitue parfois l’un des moyens privilégiés lors de

la recherche d’emploi. Il peut constituer un frein à l’emploi lorsque les individus ne peuvent

en disposer (Reingold, 1999).

Tandis que les mécanismes précédents sont à relier à la composition socio-économique du

voisinage, d’autres sont à relier à des forces extérieures plus importantes. C’est le cas de la

discrimination territoriale. Les habitants de certains quartiers peuvent être discriminés sur le

marché du travail uniquement en raison de leur lieu de résidence. Celui-ci peut renvoyer un

signal négatif en raison d’une criminalité supposée ou d’une médiatisation négative qui affecte

tous les habitants de ce quartier. C’est également le cas pour un certain nombre de mécanismes

relatifs au Spatial Mismatch. Cette hypothèse développée par Kain (1968) s’appuie sur l’idée

qu’être déconnecté des emplois a des conséquences importantes sur la situation de chômage.

La littérature identifie différents canaux qui lient cette hypothèse à la situation défavorable

sur le marché du travail, de certains habitants : vivre éloigné du centre d’emploi est source

d’importants coûts de transports pour les individus à la recherche d’emplois. Dès lors que le

salaire proposé ne couvre pas ce coût, l’incitation à accepter un emploi reste faible (Coulson

et al. 2001 ; Brueckner et Zenou, 2003) ; Chercher un emploi dans une zone éloignée de son

domicile peut s’avérer trop coûteux. Les individus cherchent efficacement un emploi dans une

zone restreinte, près de leur domicile, même si ce ne sont que des emplois de moindre qualité

(Davis et Huff, 1972) ; D’autres travaux ont montré que la distance physique aux emplois réduit

l’information disponible quant à l’existence de postes vacants (Ihlanfeldt et Sjoquist, 1990,

1991).

Nous dressons ensuite une revue de littérature non exhaustive des travaux qui se sont

inté-ressés aux effets de quartier et à l’hypothèse deSpatial Mismatch. Ces travaux sont

principale-ment développés autour des villes américaines, bien qu’ils soient de plus en plus appliqués aux

villes européennes. Que cela soit l’une ou l’autre de ces deux explications qui soit privilégiée,

les auteurs sont généralement confrontés à la même difficulté majeure. Les travaux qui veulent

évaluer l’effet du lieu de résidence sur l’accès à l’emploi doivent prendre en compte le fait que

le lieu de résidence est potentiellement endogène au statut d’emploi. Il existerait des

caracté-ristiques individuelles inobservées qui joueraient à la fois sur le choix du lieu de résidence et

sur l’accès à l’emploi. Ne pas tenir compte de ce fait est susceptible de biaiser l’analyse. Nous

verrons que différentes techniques ont été proposées et appliquées pour contrôler ce biais.

En outre, chacun de ces grands types d’explications présente des spécificités. Les travaux

sur les effets de voisinage (une sous-catégorie des effets de quartier) cherchent parfois à voir

si ces derniers se manifestent de manière linéaire ou non-linéaire. La question est de savoir

si ces effets sont beaucoup plus importants au delà d’un certain seuil ou si ils se manifestent

effectivement en deçà d’un seuil minimum. Concernant les travaux sur leSpatial Mismatch, le

questionnement est tout autre. Aux États-Unis, ce problème concerne davantage les minorités

ethniques et principalement les Noirs. Il est observé que cette catégorie a un taux de chômage

plus important que d’autres. De nombreux travaux ont donc cherché à vérifier si ce constat est

effectivement dû à une mauvaise accessibilité des Noirs, qui sont relégués loin des emplois, ou

si cela est dû à leurs seules caractéristiques. Ces derniers seraient fragilisés sur le marché du

travail en raison de discrimination ou de moindres compétences et qualifications.

Dans le second chapitre, nous regardons comment se manifestent les disparités spatiales

de chômage sur le territoire métropolitain français et en Ile-de-France. Nous mesurons les

chances de retour à l’emploi à un niveau spatial très fin : la commune ou le code postal. Nous

utilisons les fichiers qui assurent le suivi des demandeurs d’emplois inscrits à Pôle Emploi.

Nous trouvons que la géographie du chômage se caractérise par de très fortes disparités locales.

Des communes voisines affichent des chances de sortie du chômage parfois très différentes.

Nous observons également l’existence de régularités spatiales puisque des blocs ou des grappes

de communes, proches géographiquement, peuvent avoir des chances de sortie du chômage

équivalentes. Ces phénomènes se retrouvent dans l’ensemble des régions françaises, bien que

certaines affichent des profils plus extrêmes que d’autres.

Nous regardons ensuite si cette géographie particulière ne s’explique pas par la

composi-tion locale de la commune en termes de demandeurs d’emplois. A ce stade, les chances de sortie

du chômage sont évaluées avec des modèles de durée, mais sans prendre en compte les

carac-téristiques des demandeurs d’emplois. De nouvelles estimations sont ensuite mises en place

qui purgent des effets de la composition socio-économique des demandeurs d’emplois de la

commune. Malgré ce procédé, la nouvelle géographie du chômage reste relativement proche

de l’ancienne, avec ses régularités et disparités. Les contrastes territoriaux en termes de retour

à l’emploi ne s’expliqueraient donc qu’imparfaitement par les caractéristiques des demandeurs

d’emploi.

Il n’en demeure pas moins que certaines communes ou certaines zones sont avantagées par

leur composition alors que d’autres sont désavantagées. Pour vérifier cela, nous avons estimé

quelles seraient les chances de sortie du chômage d’une commune si elle avait la composition

socio-économique moyenne de se région. Lorsque la durée de chômage obtenue, après avoir

fixer les caractéristiques des demandeurs d’emplois au niveau de la moyenne régionale, est