seconds, alors nos résultats peuvent ne pas révéler d’effets non-linéaires. La non-linéarité peut
aussi être plus évidente dans le cas où nous examinons l’effet d’une seule caractéristique du
voisinage, comme le revenu. Dans notre cas, l’indicateur mobilisé est une combinaison de
plu-sieurs caractéristiques. Si vivre dans un quartier avec quelques caractéristiques défavorables
présente des effets linéaires sur la probabilité d’être en emploi, des effets non-linéaires peuvent
subsister pour certaines caractéristiques prises isolément.
3.1.3.4 Tester l’existence d’effets de seuil
Nous montrons que les effets de voisinage, tels que nous les avons définis, agissent de
manière linéaire. Il peut être pertinent de vérifier si ces effets se produisent au delà d’un certain
seuil ou non. Les effets négatifs ne se produiraient qu’au delà d’une "qualité" évaluée
particu-lièrement mauvaise dans les quartiers, par exemple. Pour valider ou invalider cette hypothèse,
nous partons de notre indicateur continu : "coordonnées sur le 1er axe" et nous définissons
comme "défavorisés" tous les quartiers qui sont au delà de tel ou tel décile de la distribution.
Nous mettons en place des modélisations de type biprobit pour regarder successivement les
effets de vivre dans les 20%, les 30%, les 40% et les 50% des quartiers évalués comme étant les
plus "défavorisés". Le fait de transformer notre variable endogène continue en variable
dicho-tomique impose de recourir de nouveau à ce type de modélisation. La méthodologie reste la
même que celle décrite précédemment. Les résultats des différentes estimations sont exposés
dans le tableau suivant (Tableau 3.7).
Tableau 3.7 – Effet de vivre dans un quartier "défavorisé" sur l’accès à l’emploi - Tests de diff
é-rents seuils
Variable Vivre dans un quartier "défavorisé"
seuil de 20% seuil de 30% seuil de 40% seuil de 50%
Coefficients -0,341*** (0,102) -0,329*** (0,114) -0,210* (0,125) -0,055 (0,106)
ρ12 0,126** 0,130** 0,059 -0,026
Log Likelihood -27 777,80 -31 226,90 -32 708,78 -33 316,70
Effets marginaux -0,056** (0,020) -0,052*** (0,020) -0,031* (0,019) -0,008 (0,015)
Observations 46 460
Source :Insee, Recensement de la population (1999).
Notes :Les écart-types sont représentés entre parenthèses. Le tableau synthétise les résultats de l’équation
principale duprobit bivarié. Les effets marginaux sont obtenus avec la commandemfx computesousStata.
Lecture :L’effet marginal de -0,056 obtenu signifie que le fait de vivre dans les 20% des quartiers évalués comme
les plus défavorisés (sur la base de notre indicateur) diminue la probabilité d’être en emploi de 5,6%.
Niveaux de significativité : *** au seuil de 1% ; ** au seuil de 5% ; * au seuil de 10%.
En comparant les résultats obtenus pour les différents seuils qui permettent de définir un
quartier "défavorisé", nous observons une diminution de l’effet du lieu de résidence. Plus la
définition d’un quartier "défavorisé" est large et moins l’effet sur l’accès à l’emploi est
impor-tant. Nous passons d’un effet marginal de -0,056 pour le seuil des 20% à un effet marginal
de -0,031 pour le seuil de 40%. L’effet s’atténue avec le seuil retenu car le fait de raisonner sur
davantage de quartiers tend à améliorer la composition socio-économique globale des quartiers
dits "défavorisés". Nous pouvons également constater que le fait de raisonner sur un trop grand
nombre de quartiers rend les effets observés non significatifs. C’est le cas pour le seuil de 50%
puisque, dans ce cas, cela revient à dire qu’un quartier sur deux est évalué comme "défavorisé".
Nous observons également queρ12n’est plus significatif pour les seuils de 40% et 50%. Dans
un tel cas, la méthode de correction pour l’endogénéité du lieu de résidence n’apparait plus
appropriée.
Ces différentes estimations vont dans le sens d’une confirmation de l’existence d’un effet
de seuil. C’est seulement pour les quartiers identifiés comme les plus "défavorisés", entre 30%
et 40% de l’ensemble des quartiers, que l’effet négatif se produit. Au delà, le lieu de résidence
n’a pas d’impact sur l’accès à l’emploi. Nous avons également vérifier l’impact de résider dans
un quartier dit "favorisé" sur l’accès à l’emploi. Nous nous sommes concentrés sur les quartiers
situés sur l’autre extrémité de l’axe issu de l’ACP. Quel que soit le seuil retenu, que celui-ci soit
large (50%) ou restreint (20%), nous n’observons pas d’effet du lieu de résidence sur l’emploi.
Galster (2002) ou Galster et al. (2007) développent des stratégies similaires et analysent
l’importance des effets de quartier pour différents seuils de pauvreté. Ils montrent notamment
que les effets de quartier agissent sur les comportements (mesurés par l’abandon scolaire ou la
durée des épisodes de pauvreté) à partir du moment où le taux de pauvreté du quartier excède
20%. Ils montrent également que les conséquences de vivre dans un quartier ou le taux de
pauvreté est élevé sont particulièrement importantes sur l’éducation ou les gains ultérieurs,
lorsque celui-ci appartient aux déciles les plus élevés. Bien que les approches ne soient pas
fondamentalement les mêmes, nos résultats ou ceux des travaux cités tendent à montrer que
les externalités négatives ne se manifestent que dans les quartiers où la situation est
particu-lièrement défavorable.
Le but de cette section était d’examiner si la probabilité d’être en emploi (pour les hommes)
pouvait être influencée par la localisation dans un quartier "défavorisé". Nous nous sommes
concentrés sur l’agglomération parisienne afin de mettre au jour les liens potentiels entre la
composition du voisinage et la probabilité d’être en emploi. Nos résultats montrent que la
situation d’emploi ne dépend pas seulement de l’expérience des individus ou de leurs
compé-tences mais également de la localisation résidentielle. Nous montrons ainsi que,toutes choses
égales par ailleurs, vivre dans un quartier "défavorisé", caractérisé par une faible qualité
socio-économique de l’environnement ou par la présence d’une ou plusieurs Zones Urbaines
Sen-sibles, diminue la probabilité d’être en emploi. De plus, nos résultats suggèrent l’existence
d’une relation linéaire et d’un effet de seuil entre les effets de voisinage et les performances des
individus sur le marché du travail.
En termes de politiques publiques, cela signifie que la localisation résidentielle est un
important déterminant des performances sur le marché du travail. L’existence d’un effet de
seuil suggère qu’il est important de concentrer les efforts sur un certain nombre de quartiers
identifiés comme prioritaires plutôt que d’agir de manière diffuse sur l’ensemble des quartiers.
Dans ces conditions, et si nous croyons en une relation linéaire, une recommandation
perti-nente pourrait être de développer et promouvoir la mixité sociale. Pourtant, les bienfaits de la
mixité sociale sont discutables dès lors que l’on accorde du crédit aux théories de la
compéti-tion. La présence de différents groupes qui sont en concurrence pour l’accès à des ressources
locales ou un succès socio-économique peut être une source de conflit social ou de nuisances
pour les populations du voisinage les plus fragiles (Galster, 2008). De telles théories ne vont
pas à l’encontre des principaux résultats de ce travail et de la nécessité de focaliser les
poli-tiques publiques sur les quartiers les plus défavorisés, mais elles ne plaident pas non plus pour
la nécessité de la mixité sociale.
Dans la prochaine section, nous nous intéressons toujours aux caractéristiques du lieu de
Dans le document
Les effets du contexte local sur l'emploi : différentes applications sur données géo-localisées
(Page 169-172)