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Chapitre I - Etat de l’art: Toitures végétalisées, services écosystémiques et Technosol

Partie 1: Toiture végétalisée et services écosystémiques

III. Services de régulation

III.2. Qualité des eaux de drainage

Comme le rappellent Wang et al. (2017) l’un des enjeux majeurs du développement des villes concerne

la pollution des eaux de surfaces et des nappes phréatiques. Sur ce point, les toitures végétalisées peuvent

aider à baisser les niveaux de pollution au sein des villes, en dégradant, filtrant ou retenant les polluants

au travers des plantes ou du substrat, mais elles peuvent aussi se comporter comme des sources de

polluants. Les facteurs affectant la qualité de l’eau percolant au travers de toitures végétalisées sont

nombreux : notamment les apports locaux de polluants (atmosphère, matériaux utilisés), les espèces de

plantes cultivées, les compositions et profondeurs du substrat, la qualité de l’eau d’irrigation, les

fertilisants, l’âge de la toiture etc. Wang et al. (2017) listent 9 sources ou puits potentiels de polluants,

résumé sur la Figure 7.

Figure 7 : Schéma représentant les sources et puits potentiels de polluants liés à une toiture végétalisée. Schéma issu de Wang et al. (2017) légèrement modifié.

Eléments concernés et facteurs d’influence

Eléments traces métalliques

Chang et al. (2004) testant, expérimentalement, différents revêtements de toitures nus en extérieur,

observent un rejet de l’ensemble des matériaux concernant le cuivre (Cu) et le zinc (Zn). Berndtsson et

al. (2009) comparant des toitures extensives et intensives au Japon et en Suède, montrent un relargage

relativement faible de certains éléments notamment Zn et Cu. A l’inverse, certaines toitures intensives

peuvent agir en tant que puits d’éléments tel que le Fe, le Pb et le Zn. Les auteurs montrent que la qualité

de l’eau de drainage issue des toitures expérimentales est soit équivalente soit meilleure que celle du

milieu urbain. Certaines plantes telles que les plantes grasses peuvent absorber et fixer les métaux lourds

dans leurs tissus. Par ailleurs, l’alternance de cycles de dessiccation et de ré-humectation,

particulièrement présents sur des toitures extensives peut entrainer des phénomènes de chélation des

matériaux organiques aboutissant à la stabilisation des métaux lourds au sein des substrats (Han et al.

2001 dans (Gregoire and Clausen 2011)).

Comme le résume Schwager (2014), les toitures ne peuvent être directement classées en tant que source

ou puits d’éléments de type trace métallique, leurs comportements dépendant des matériaux utilisés et

du temps. Il faut également garder à l’esprit que le comportement comme source ou puits de la toiture

Plant

Substrate

(component; depth)

Structure

(waterproofing root barrier; water storage; drainage layer; filter layer)

Plant litter, dead root, secretions of animals etc.

Age of green roof

Irrigation water

Fertilizer, pesticide

Runoff pollutants

Indirect source of pollutants Direct source of pollutants

Rainfall

(Local) pollution sources Atmospheric deposition Uptake of pollutants Degradation of pollutants Sink/retention of pollutants Process External factors Inherent factors Mycorrhizae

résulte d’une addition de comportement source ou puit des différents matériaux le constituant. Les

toitures végétalisées étant un système vivant amené à évoluer, le temps impactera également leurs

comportements. Ainsi, étudiant la capacité d’absorption de différents matériaux constitutifs d’une

toiture, Schwager et al. (2015) observent que si les matières organiques ont une forte capacité

d’absorption du Cu, leur dégradation au cours du temps peut entraîner un relargage de ce dernier, tandis

que les billes d’argiles ont un comportement net d’absorption de Zn et Cu. Selon les conditions

climatiques et hydriques, une même toiture pourra ainsi passer d’un comportement de sources à celui

de puits. Aucune étude n’a à ce jour porté, à notre connaissance, sur l’émission d’éléments traces

métalliques par une toiture végétalisée productive.

Perte en éléments nutritifs (N, P, K etc.)

Si les éléments nutritifs sont indispensables au bon développement des plantes, ils engendrent un risque

d’eutrophisation des milieux s’ils sont présents en trop grande quantité dans les eaux de drainage des

toitures. C’est pourquoi cette question a été rapidement soulevée au niveau des toitures végétalisées non

productives (Rowe et al. 2006). Néanmoins, le risque de lixiviation est limité en toitures extensives

basées sur des plantes grasses car celles-ci ont des besoins relativement faibles en nutriments et peuvent

se développer sur des substrats très poreux avec de faibles teneurs en matière organique. A l’inverse, les

besoins en nutriments des plantes potagères sont élevés et soulèvent directement la question de la fertilité

et du risque de lixiviation des toitures productives. Deux solutions peuvent être prises pour subvenir aux

besoins des plantes : augmenter le taux de matière organique (cf Eksi et al. 2015) ou apporter des

fertilisants.

Dans la seule étude actuelle réalisée sur une ferme urbaine sur substrat et en toiture, al. (2016a), se sont

intéressés à la qualité des eaux de drainage provenant de la Brooklyn Grange à New-York (voir Tableau

4). La ferme utilise un substrat de toiture végétalisée (Rooflite®) sur 20-25cm, amendé annuellement

en compost et fertilisant organique. Les résultats de cette étude montrent que, durant un an, la toiture

impacte la qualité de l’eau, aboutissant, en comparaison à de l’eau de pluie à un pH, une conductivité,

une turbidité, une couleur apparente et des taux de macro et micronutriments plus élevés. Ces valeurs

sont pour certaines supérieures à celles trouvées au niveau de toitures végétalisées non productives

concernant notamment la conductivité électrique et la teneur en macronutriments. Néanmoins, les

teneurs en micronutriments, restent dans les valeurs faibles habituellement observées dans la littérature

pour des toitures végétalisées et pour des cultures en plein champ. Même si cette étude ne porte que sur

une toiture, elle soulève de nombreuses questions quant aux compromis que les besoins en éléments

nutritifs impliquent au niveau de la composition du substrat, de sa potentielle fertilisation et des pratiques

culturales à adopter. Les deux autres études telle que celle d'Aloisio et al. (2016), présentent des résultats

plus contrastés où les systèmes installés sont sources d’azotes mais pas de phosphore. Les auteurs

mettent également en avant l’impact de l’espèce cultivée sur les pertes, résultats qui diffèrent de ceux

de Whittinghill et al. (2015), qui en comparant trois types de végétations (prairie, sédum et comestibles)

vis-à-vis de la qualité de l’eau, ne trouvent pas d’effet de la végétation sur l’azote mais uniquement sur

le phosphore, décroissant alors au cours du temps.

Au niveau des toitures végétalisées non productives, la littérature reste contrastée voire contradictoire

vis à vis de leurs comportements en tant que source ou puit. Les différentes revues existantes sur le sujet

(Czemiel Berndtsson 2010; Berardi et al. 2014 ; Li and Babcock 2014), mettent bien en évidence les

deux facteurs principaux liés à ces pertes : la nature du substrat d’une part et la fertilisation d’autre part.

L’utilisation de fertilisants est un des premiers facteurs explicatifs de pertes de nutriments au niveau des

toitures, même aux doses recommandées de 5 gN.m

-2

(Emilsson et al. 2007; Whittinghill et al. 2016a).

Par ailleurs, la diversité des comportements des toitures en tant que source ou puits, souligne le caractère

multifactoriel de ces flux.

Phénomène de first flush

Après l’implantation d’une toiture végétalisée ou de fortes périodes de sécheresse, des auteurs ont

observé un phénomène dit de « first flush » (Czemiel Berndtsson 2010). Ce phénomène résulte, soit de

la lixiviation d’éléments présents en solution du sol et qui ne peuvent être absorbés par des plantes tout

juste installées ; soit de dépôts atmosphériques en période de sécheresse qui sont ensuite lessivés.

Néanmoins, cet effet ne concerne pas tous les éléments. Ainsi, aucun effet first flush n’est rapporté pour

le potassium et le carbone organique dissous (Berndtsson et al. 2008; Bliss et al. 2009).

Perte en carbone organique dissous (DOC)

Les pertes en carbone et donc en matière organique sont l’un des principaux risques associés aux toitures

végétalisées. Le carbone organique dissous est susceptible d’impacter la demande biologique en

oxygène de l’eau et donc de conduire à une asphyxie des milieux aqueux. Les sources de matière

organique dissoute sont de deux ordres (i) celle présente au sein du substrat et (ii) les végétaux en

décomposition. Aucune étude sur ces flux ne concerne des toits productifs, même si, comme évoqué

précédemment, les taux de matière organique plus élevés qui peuvent y être observés représentent une

source directe de DOC. Dans une étude comparant des toitures extensives (3 cm - sedum) et intensives

(40 cm – végétation arbustive), Berndtsson et al. (2009) observent des concentrations 20 fois supérieures

aux précipitations pour les premières. Sur un site d’infiltration composé de 3 toitures dont une

végétalisée Mason et al. (1999), notent que 90% du carbone dissous est sous forme organique et

qu’aucune dégradation n’est observée durant l’écoulement au sein du milieu d’infiltration, avec

néanmoins une diminution des concentrations rejetées au cours du temps. al. (2011) quantifient sur des

systèmes végétalisées avec un substrat commercial Rooflite® de 7,1 cm d’épaisseur, des pertes allant

jusqu’à 42.1 mg C.l

-1

de DOC. Pour comparaison, la valeur de DOC fixée par l’Union européen dans

les cours d’eaux est de 7 mg C.l

-1

(Dusza 2017).

Facteurs d’influence

o Substrat

La composition chimique du substrat impacte directement la perte d’éléments et notamment de

nutriments. La teneur en matière organique est déterminante. Ainsi Beecham et Razzaghmanesh (2015)

comparent trois types de substrat (à base de scories, de briques ou et un mélange de scories et de

compost), et observent que plus la teneur en matière organique est élevée, plus les pertes en nutriments

sont fortes. C’est pourquoi certains auteurs ont proposé des teneurs optimales de matière organique à

cet égard (Nagase and Dunnett 2011).

Des matériaux chargés positivement retiendront plus facilement des anions tels que les nitrates et les

nitrites. Par ailleurs le mélange de différents substrats comme l’argile expansée avec de l’écorce de pin

peut aboutir à un relargage d’éléments traces métalliques comme montré par Alsup et al. (2009).

L’incorporation de biochar pour réduire les pertes par lixiviation de carbone et de macronutriment a

ainsi été proposé (Beck et al. 2011).

L’épaisseur d’un substrat peut affecter positivement ou négativement la qualité des eaux de drainage au

travers de deux phénomènes (i) l’augmentation de la quantité d’éléments proportionnelle à celle de la

quantité de substrat et lié à sa teneur, et (ii) l’augmentation du temps d’infiltration de l’eau au sein du

substrat favorisant l’interaction entre la solution du sol et ce dernier, avec une augmentation possible

des phénomènes d’absorption et désorption. Dans l’étude citée ci-dessus, Beecham et Razzaghmanesh

(2015) montrent que l’épaisseur des substrats, entre 10 et 30 cm, n’impacte pas la teneur en nitrate et

potassium dans les eaux. A l’inverse Seidl et al (2013), étudiant des substrats de toiture extensive de 6

à 16 cm d’épaisseur, notent une augmentation des concentrations de carbone dissous, phosphore et azote

minéral avec l’épaisseur, en accord avec les résultats de Dusza (2017) pour le carbone organique dissous.

o La végétation

Beecham et Razzaghmanesh (2015) montrent que la présence de plantes, en comparaison à un témoin

sans plante, participe à réduire la perte de micro et macro nutriments dans les eaux de drainage. Cette

diminution est due aux prélèvements effectués par les plantes pour leurs développements. Par ailleurs,

un effet du type de plante est observé. Ainsi, Dusza et al. (2017) dans une étude croisant les facteurs

profondeurs de sol et type de plantes, montrent que les Fabaceae sont associés à des rejets plus faible en

DOC mais plus important en nitrate que les Crassulaceae.

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