femme commune. Les officiers ministériels, dans les
par-— 89 —
tages, sont donc obligés de faire deux liquidations, l'une fiscale, l'autre civile.
Les législations étrangères se sont montrées beaucoup plus libérales et ont mieux compris la nature du contrat
d'assurance sur la vie : il n'y a d'impôt en cette matière, ni
en Suisse (1), ni en Belgique, ni en Amérique, ni en Angle¬
terre : dans ce dernier pays, la loi de 1870 a bien soin de préciser que la somme assurée au profit de fa femme par le mari, ne fait pas partie de la succession de ce dernier. Loin d'entraver, par des dispositions fiscales, le développement
des assurances sur la vie, la loi anglaise les favorise. C'est
ainsi qu'un Act du 28 juin 1853, décide que le montant des primes, s'il ne dépasse pas le sixième du revenu, est déduit
du revenu soumis à l'Income Tax. Si la taxe du revenu aété
payée, le Trésor anglais en accorde un dégrèvement pro¬
portionnel au montant des primes d'assurance, et délivre
lui-même les formules qui recevront la déclaration des
assurances contractéeset desprimes payées.
Ce serait là un exemple à suivre; malheureusement nos
législateurs- ne paraissent pas disposés à entrer dans cette
voie. La préoccupation budgétaire ne leur permet desonger
qu'à développer et perfectionner les mesures fiscales desti¬
nées à combler des déficits toujours menaçants; c'est dans
cebut que la Chambre des députés a adopté, dans sa séance
du 19 novembre 1895, un article deloi intéressant particu¬
lièrement les assurances sur la vie, et qui, s'il était adopté
par le Sénat, aurait sur ces dernières une influence fâcheuse.
(1) Sauftoutefois danslecanton deGenève(voit1Lêgisl. comparée).
Cet article faitpartie du fameux projet de loi sur les suc¬
cessions, qui admet l'impôt progressif. Nous nevoulons pas ici prendre parti dans les discussions auxquelles ce projet a
donné lieu et nous nous arrêtons seulement à son art. 41
qui intéresse notre sujet. Le but de cet article est d'assurer
la perception des droits de succession, il estainsi conçu :
« L'art. 25 de la loi du 8 juillet 1852 est modifié ainsi qu'il
suit :
» Le transfert ou la mutation au Grand Livre de la dette
publique, d'une inscription de rentes provenant de titulaires
décédés ou déclarés absents, ne pourra être effectué que
sur la préséntation d'un certificat délivré sans frais par le
receveur de l'enregistrement, dont la signaturesera légalisée
par le directeur constatant l'acquittement du
droit de
muta¬tion par décès.
» Il en sera de même pour les transferts ou
conversions
de titres nominatifs des sociétés, départements, communes, établissements publics. Nul dépositaire ou détenteur
de
titres, sommes ou valeurs dépendant d'une succession ne pourra s'en dessaisir autrementque sur laprésentation d'un
certificat délivré sans frais par le receveur de l'enregistre¬
ment, dans la forme indiquée au premier alinéa du présent article,et constatant soitl'acquiescement, soit lanon exigibi¬
lité de l'impôt de mutation par décès.
» Cette disposition est applicable : 1° aux assureurs sur
la
vie en ce qui concerne les sommes, rentes ou
émoluments
quelconques dûs par eux à raison dudécès de l'assuré;
2° aux sociétés, compagnies et banquiersen ce qui concerne
toutesles sommes dues, mêmeautrementqu'à titre de dépôt
à l'auteur de la succession*
— 91 —
» Quiconque aura contrevenu aux dispositions du présent
article sera personnellement tenu des droits et pénalités exigibles, sans que la pénalité à la charge du contrevenant puisse être inférieure à 500 francs, en principal ».
Des deux premiers paragraphes, nous n'avonsrien à dire,
c'est toujours la préoccupation fiscale que nous avonssigna¬
lée, et tant qu'elle n'a pas de conséquence fâcheuse, il n'ya
qu'à s'incliner. Mais quand on propose d'étendre leprincipe
aux assurances sur la vie, on crée pour les héritiers une situation critique, dont les compagnies se sont à bon droit
émues. Le comité des assurances à primes fixes sur la vie,
a adressé aux membres du Sénat une note dans laquelle, rappelant le but de ce contrat, il montre les conséquences dommageables qu'aurait une mesurefrappant d'indisponibi¬
lité, pendant untemps plus ou moins long, un capital dont
le besoinest souventurgent (Moniteur çles assurances, 1895,
p. 675). Il faut espérer que le Sénat sera frappé des incon¬
vénients que ferait naître la mesure proposée et que,
jouant une fois de plus son rôle régulateur, il rejettera
la
disposition que nous venons d'examiner.SECTIONII. — droits d'enregistrement
Le contrat d'assurance sur la vie est soumis à un droit
d'enregistrement, celadécoule de l'art. 69
§ 2,xi'2 de laloi du
22 frimaire an vu et del'article51, n° 2, delà loi du 28 avril
1816. Comme il n'existe pas de disposition spéciale sur la matière, il faut s'en rapporter auxprincipes généraux.
Aucun délai de rigueur n'est donc imposé pour l'accoim
plissement de cette formalité (art. 23 1. 22 frimaire an vu), qui ne devient indispensable qu'au cas seulement où le
contrat est produit enjustice ou s'il est relaté dansun acte rédigé pai' un notaire ou quelque officier
ministériel.
Comment sera calculéce droit?
L'art. 69 § 2 de la loi de l'an vu dispose que les actes et
contrats d'assurance sont assujettis au droit proportionnel
de 1% sur la valeur de la prime : 1,25 % avec les décimes depuis 1879.
Le droit est donc dû sur la valeur de la prime.: la déter¬
mination de cettevaleur a donné lieu à de nombreux sys¬
tèmes.
Si l'assurance estfaite àprime unique, si l'assuré selibère
en une seule fois, aucune difficulté ne peut s'élever : la
valeur de la prime est égale au versement unique qui est
effectué.
Mais c'est là un cas exceptionnel; en général, la prime
estviagère. Quelle estdans ce casla valeurde la prime devant
servir de base au calcul de l'impôt? La durée de la vie est
essentiellement incertaine; essayer de la calculer d'après les
tables de mortalité et prendre comme valeur de laprime
la prime unique correspondante, n'est pas un moyen légal.
De même, on nepeutassimilerles primes, bienque viagères,
à des arrérages, et appliquer par suitel'art.
14
§ 9 de la loidel'an vu qui ditque le droit doitêtrecalculé sur un capital
formé de dix fois laprestation viagère.
La Direction générale de l'enregistrement dans la solution
du 14 novembre 1878, a repoussé ce mode de procéder. Elle
nie à la prime le caractère d'une rente viagère et refuse
d'étendre à ce cas l'art. 14 § 9. Elle estime que par
applica-— 93 —
tion de l'art. 46 de la loi de frimaire an vu il y a nécessité d'exiger des parties une évaluation ou déclaration estima¬
tive, du moins dans le cas d'assurance vie entière. Dans le
cas d'assurance mixte, le droit doit être perçu sur le total
des primes àpayer par l'assuré pendant toute la durée du
contrat.
Cette opinion ne nous parait pas conforme à la nature du
contratd'assurance sur lavie. Quelle que soit sa forme,
mixte ou vie entière, il n'y a engagement de la part de l'as¬
suré que pour une année, et chaque primecouvre le risque
tout entier.
SECTION III. — DROITS DETIMORE
La loi du 5juin 1850 a assujetti le contrat d'assurances
sur la vie au timbre de dimension L'art. 37 laissait aux
Compagnies la faculté de s'affranchir, dans certains cas
déterminés, de l'obligation du timbre de dimension en con¬
tractant avec l'État un abonnementannuel. Cet abonnement
réglementé par les lois du 2 juillet 1862, du 23août 1871 et
du 30 mars 1872, a été rendu obligatoire par la loi du 28
décembre1884.
CHAPITRE VI
LÉGISLATION COMPARÉE
Les difficultés que nous avons examinées et qui ont leur
source dans l'absence d'une législation fixant le caractèrede
l'assurance surla vie, ont été résolues dans la plupart des législations étrangères.
Sur ce point notamment nous sommes en
retard
et notrevieux Code aurait grand besoin d'être remis au point. Il a
eul'honneur de servir de modèle à la plupart des Codes européens, il ne faut pas hésiter en retour à emprunter à
ces derniers ce qu'ils ont de bon, en faisant parmi eux une
intelligente sélection.
Plusieurs législations étrangères présentent des dispo¬
sitions très complètes : nous nous bornerons dans l'étude qui va suivre, à parler spécialement de celles qui touchent
à notre sujet, c'est-à-dire de celles qui traitent de l'attribu¬
tion bénéficiaire de notre contrat.
SECTION I. —ALLEMAGNE
En Allemagne nous rencontrons la
plus ancienne codifi¬
cation de l'assurance en cas de décès : YAllgemcine
Lan-— 95 —
drecht a été promulguée sous Frédéric Guillaume II, le
5 février 1794, avant l'époque où, en France, Portalis se prononçait encore, avec l'énergie que l'on sait, contre ce contrat. Néanmoins ces dispositions sont très incomplètes
etne méritent d'être remarquées qu'à cause de leur date.
Il n'existe pas dans le Code de commerce allemand de disposition spéciale au contrat d'assurance sur la vie; cela
est d'autant plus surprenant que ce Code (art. 271, 3°)
mentionne les assurances parmi les actes de commerce : on a répondu à cette objection qu'en général les clauses des polices sulfisaient à trancher toutes les difficultés et qu'une réglementation decontratsaussinouveaux queles assurances
sur la vie, dont on ne connaissait pas encore toutes les applications possibles, était de nature à arrêter leur libre développement. C'est pour ce motif, dit-on, que le Code de
commerce allemand n'a pas imité les autres Codes de com¬
merce étrangers qui traitent tous des assurances en général
et particulièrement de l'assurance sur la vie (Cf. Code de
commerce allemand traduit par MrsGide, Flach, Lvon.Caen
et Dietz).
Le projet de Code prussien rapporté dans Chaufton t. n, p. 188, contenait quelques dispositions spéciales au contrat
d'assurance vie; mais cesdispositions n'ontpas étéadoptées.
Dans ce pays, la question d'attributionbénéficiaire n'est
doncpas tranchée. C'est regrettable, car tout en acceptant
le principe qu'il est dangereux de faire trop tôt une régle¬
mentation complète concernant un contrat nouveau, il est
bienutile parcontre demettre fin,pour ce point particulier,
à l'incertitude qui règne. La question est donc abandonnée
comme chez nous à la jurisprudence et voici comment un
arrêt de la Cour de cassation de l'empire du 25 février 1880,
la résout: « Les assurances surla vie ont pour but d'indem¬
niser des personnes déterminées de la perte de moyens d'existence résultant pour elles du décès de l'assuré : Si donc
une assurance sur la vie de l'assuré a été faite par cedernier
auprofit d'un tiers et si des primes ont été payées ou des
sommes versées pour lui garantir la propriété de la rente
ou du capital assuré, rente ou capital devient sa propriété
au décès de l'assuré : le tiers est en effet créancier légitime
du montant de l'assurance, l'assuré ne se l'étantpas réservé,
etla Compagnie n'y ayant aucun droit. Sans doute l'assuré peut, de sonvivant, changer le bénéficiaire de son assurance ou transporter son contrat, mais s'il n'en a pas été ainsi, le
tiers désigné au contrat devient le propriétaire incontesta¬
ble de la somme assurée et les héritiers n'ont d'autre droit que celui que leur donne la loi de lui délivrer la somme ou de lui servir la rente assurée » (Moniteur des Assurances, 1883, p. 7).
Les décisions judiciaires qui ont suivi cet arrêt en ont adopté la doctrine et lajustifient par cette nouvelle consi¬
dération que le contrat crée un droit au profit du tiers, lors
même qu'il n'y a pas été partie, pourvu qu'il ne lui ait imposéaucune charge, aucune condition qu'il aurait dù être appelé à consentir ou refuser.
r
Parmi les Etats Allemands, seul leWurtenberga unprojet
de Code renfermant des dispositions relatives au contrat
d'assurance vie. Nous y relevons un art. 497 d'après lequel
celui qui souscrit une police d'assurance doit, pour que le
contrat soit valable, avoir un intérêt manifeste à la vie de