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Chapitre 1 : L’oral

2. Qu’est-ce que l’oral ? Différentes définitions et fonctions

4. Une didactique de l’oral : quelques notions théoriques et réflexions. 5. L’oral et le français langue maternelle.

Chapitre 2 : L’oral et la didactique du Français Langue Étrangère.

1. Qu’est-ce qu’apprendre une langue ? 2. Méthode, méthodologie et didactique.

3. Les contraintes d’un enseignement/apprentissage de l’oral en français langue étrangère. 4. Historique de la didactique du FLE et la place de l’oral.

5. Les compétences orales en classe de FLE. 6. L’évaluation de l’oral.

Chapitre 3 : Pratiques artistiques de la parole en didactique des langues : quelques notions théoriques.

1. Langue, identité et culture : quelle « affinité » pour l’étranger ? 2. Médiation artistique en didactique des langues étrangères. 3. Quand la musique s’en mêle.

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Chapitre 1

L’oral

Le rôle central de l'oral dans les processus d’apprentissage, la nécessité pour les institutions éducatives d'assurer un réel enseignement/apprentissage de la prise de parole et les enjeux qui en dérivent font actuellement l'objet de nombreux discours dans le champ pédagogique comme dans celui des recherches en didactique des langues, en sciences du langage et en psychologie de l'apprentissage. Cette convergence et l'insistance sur l'urgence des actions à entreprendre contrastent avec le silence de la didactique sur cette question durant les dernières années, donnant l'impression de l'émergence d'un nouveau domaine, devant lequel les chercheurs, et par conséquent les enseignants, se sentent démunis tout en étant conscients de son importance.

Toutefois, il serait judicieux de parler plus de « résurgence » que d’« émergence » (Nonnon, 1999)56 car la référence à la maîtrise orale n'est pas complètement nouvelle. Les Instructions officielles de français notamment en font mention depuis un certain temps, avec selon les périodes des présupposés différents, soulignant avancées, reculées et déplacements. La maîtrise orale n'était cependant jamais parvenue à se légitimer sur le plan didactique et à s’imposer comme un réel « objet d’enseignement/apprentissage » en stabilisant des orientations opératoires et consensuelles. Cette question, qui touche pourtant notre quotidien devenu de plus en plus « communicatif », avait peu de place dans les formations et les programmes.

De nos jours, les avancées des recherches sur l’acquisition du langage ainsi que les études concernant la place des interactions orales dans la construction des compétences langagières et cognitives de l’apprenant, procurent à l’oral une place plus importante que celle accordée par le passé. L’oral se voit conféré un statut nouveau dans le processus d’enseignement/apprentissage au sein de la classe.

56 NONNON Élisabeth, « L'enseignement de l'oral et les interactions verbales en classe : champs de référence et

problématiques - Aperçu des ressources en langue française », in Revue française de pédagogie, n°129, 1999, p.87-131.[En ligne, consulté le 17 juin 2017]

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La finalité communicative du langage et de la langue serait unanime. Les linguistes distinguent clairement dans leurs travaux entre ces deux dernières notions, cependant la dimension communicative resurgit toujours dans leurs définitions respectives. En effet, ils définissent le langage comme étant « un instrument de la communication humaine lié à une capacité de l’individu et qui implique l’existence d’un dispositif neurophysiologique : cerveau, mémoire, appareil auditif et phonatoire »… La langue, quant à elle, est « la manifestation de cette capacité, en tant que systèmes de signes articulés formant un code admis par tous, c’est-à-dire une institution collective » (Martinez, 2004 [1996] : 14)57. Les langues sont effectivement nées du besoin qu’ont manifesté les membres d’une population pour communiquer et interagir entre eux. Elles se sont développées au fur et à mesure de l’évolution des besoins communicatifs de ces individus. Et qui dit communication, dit aptitude à agir et interagir, réussir à s’imposer et à se rendre intelligible au sein d’une société. Ceci tend à accorder à la langue un aspect plus oral qu’écrit. Or, durant des années, nous avons remarqué que lors de l’enseignement /apprentissage d’une langue, nous avons fait de cette dernière un objet figé, cadré dans un contexte limité, où l’apprenant est amené à faire plus de bruit avec son crayon - traçant et notant sur le cahier - qu’avec sa propre voix. La langue, dans ce contexte, n’est enseignée et apprise que pour pouvoir réaliser les exercices structuraux ou réussir les examens, le plus souvent, écrits.

Dans ce présent travail, contrairement aux usages des dernières décennies, nous avons accordé la priorité de la recherche à la compétence orale dans l'enseignement/apprentissage des langues. Alors pour commencer, et dans le but de mieux définir notre domaine de recherche, il nous a paru judicieux de revenir un peu en arrière pour aborder, de manière non- exhaustive, certaines tentatives antérieures de l'enseignement/apprentissage de l'oral. Cette étape permettra de montrer comment la prise de conscience envers cette dimension s'est petit à petit accrue jusqu'à devenir une discipline à part entière de la didactique des langues.

1. La langue : entre l'oral et l'écrit.

Lire, écrire, comprendre et parler: tels ont été les objectifs les plus souvent retenus pour un enseignement de langue, mais force est de remarquer que la part consacrée à chacune de ces compétences dans les programmes d'enseignement est loin d'être équitable. Si lire et écrire constituent la base des méthodes d'apprentissage et leurs activités occupent une place

57 MARTINEZ Pierre, La didactique des langues étrangères, collection « Que sais-je ? », Presses Universitaires

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prioritaire dans les classes de langues, nous ne pouvons pas dire de même pour les activités aidant à comprendre et stimulant à parler, voire pour les activités relevant du domaine de l'oral.

Dès les origines de la linguistique, Saussure parle bien de la langue comme « produit

social de la faculté du langage et ensemble de conventions nécessaires, adoptées par le corps social pour permettre l’exercice de cette faculté chez les individus. » ( cité dans Martinez,

Op.cit.: 14)

Annick Comblain et Jean-Adolphe Rondal (2001, 29)58 soulignent le caractère componentiel des langues et du fonctionnement langagier. Pour eux, la langue est constituée de plusieurs « sous-systèmes » qui, eux-aussi à leurs tours, sont décomposables en un certain nombre de structures de niveaux inférieures :

· Le dispositif phonologique : soit l’ensemble des phonèmes et le système prosodique et intonatoire de la langue.

· Le dispositif lexical : soit l’ensemble des lexèmes constituant le vocabulaire de la langue tel que l’on peut retrouver dans un dictionnaire.

· Le dispositif morpho-syntaxique ou grammatical : il régit la correspondance entre les significations relationnelles et les séquences de mots ou de lexèmes.

· Le dispositif pragmatique : il organise la fonction communicative et interpersonnelle du langage.

· L’organisation discursive : elle concerne l’organisation et la gestion de l’information à faire passer dans un énoncé, une production langagière qui dépasse en taille la phrase. Plus globalement, la langue, telle qu’elle est définie dans le dictionnaire Larousse, est « un système de signes vocaux, éventuellement graphiques, propre à une communauté d'individus, qui l'utilisent pour s'exprimer et communiquer entre eux ».59 Selon cette définition, la langue est constituée principalement de deux composantes : l’oral et l’écrit (avec tous les degrés, nuances et subtilités que ces deux termes peuvent contenir).

58 COMBLAIN Annick, RONDAL Jean-Adolphe, Apprendre les langues : où, quand, comment ?, Mardaga,

Bruxelles, 2001.

59 Dictionnaire Larousse en ligne :

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Pendant longtemps, les didacticiens ont évité de trop s'immerger dans les recherches et les analyses visant à étudier l'oral au profit de celles menées sur l’écrit. Alain Coïaniz (2002)60 explique que l’oral « se développe le plus souvent dans la banlieue de l’écrit, dont il s’agit de préparer la venue. L’oral pour l’oral demeure rare ». C’est un domaine mal connu. Les études qui l’ont pris pour objet sont récentes, justifiant ainsi la difficulté relative que rencontrent les enseignants pour le cerner, l’enseigner puis l’évaluer. Selon Halté et Rispail (2005 : 12)61, l’oral a été depuis longtemps considéré comme : « un non objet, ni didactique, ni pédagogique,(…) l'oral est aujourd'hui une espèce d'objet verbal mal identifié, définitivement chargé d'idéologie, véritable auberge espagnole où l'on emmène avec soi ses préoccupations. C'est un objet attrape-tout, confus, indéfiniment syncrétique, usé avant même d'avoir réellement servi ».

L’oral est très fréquemment abordé en classe en référence à l’écrit et il n’est pas rare que dans cette confrontation écrit/oral, ce dernier se retrouve très largement dévalorisé. « C’est de l’oral » marque souvent une appréciation péjorative ; « Parlez correctement !» insinue, de manière implicite, une demande de calquer l’oral sur les structures de l’écrit. De ce fait, les travaux visant à faire évoluer l'écrit, celui-ci étant considéré comme la dimension attachée à la norme, ont été multipliés. Cela est en quelque sorte défendable si nous tentons une brève comparaison entre les deux domaines.

Par opposition à l’écrit, la première particularité qui se dégage de l’oral c’est son caractère éphémère que souligne Élisabeth Guimbretière (1994 : 4)62 de façon assez poétique : « Une image vient tout de suite à l'esprit, l'oral c'est ce dessin ou ces quelques lettres tracées sur le sable par une main et que le ressac de la vague va effacer progressivement. ». L’oral semble appartenir à l’ordre de l’abstrait, de l’insaisissable, quelque chose de difficile à matérialiser. Qu'il soit traité dans un contexte d'enseignement/apprentissage de langue maternelle, de langue étrangère ou tout simplement comme un moyen d’interaction scolaire, l'oral est considéré comme un domaine périlleux, délictueux, un domaine qui cause autant d’angoisse à l'apprenant qu'à l'enseignant parce qu'il est le reflet de la spontanéité et du non-

60 COÏANIZ Alain, « Expression orale en français langue non-maternelle et positions subjectives », in Colloque

« Didactique de l’oral », 2002. [En ligne, consulté le 21 avril 2016]

URL :https://eduscol.education.fr/cid46400/expression-orale-en-francais-langue-non-maternelle-et-positions- subjectives.html#n1

61 HALTE Jean-François & RISPAIL Marielle, L’oral dans la classe : compétence, enseignement, activités, coll.

Sémantiques, L’Harmattan, Paris, 2005.

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respect des normes grammaticales. L’oral est enrobé de stéréotypes : une langue de fautes, d’inachèvements, de répétition et souvent liée aux banlieues délinquantes. Quant à l’écrit, il se montre comme le reflet du respect des normes grammaticales et orthographiques, c'est une langue réfléchie, bien élaborée et bien structurée, où nous avons le temps - et l'occasion si nécessaire - de changer, modifier, corriger, reformuler notre discours. Les démarches de la fabrication de ce discours ne seront pas explicitées. Le résultat est une production bien finie, il est alors beaucoup plus fiable et rassurant.

Difficile de dire de même en ce qui concerne l'oral où toute vigilance est requise car il est le fruit de l'instant même : ce qui est dit est déjà dit et il n'y a aucune possibilité de revenir en arrière afin d’y remédier. Ainsi, les démarches de production orale paraissent plus transparentes devant l'interlocuteur telles que la répétition, les fautes, les pauses, etc., par conséquent le discours oral est souvent hésitant et inachevé. Selon Suffys (2000 : 29)63, l’oral en classe, « sous la forme des interactions langagières nécessaires à l’apprentissage, ou la forme plus codée de la parole attendue, heurte de plein fouet la morale et la norme. […] L’oral plonge celui qui parle dans l’immédiat et l’instantané. Tout se passe en direct, très souvent en urgence ». Pour l’apprenant, la réalisation de cette tâche représente un véritable danger pour sa personne puisqu’il met en jeu sa propre identité.

Cet enjeu est fortement amplifié lorsqu’il s’agit de pratiquer une activité orale dans un contexte de langue étrangère. À vrai dire, l’attachement individuel et collectif à la langue maternelle est si important que l’apprentissage d’une autre langue met en cause l’intégrité et l’ensemble de la personne. De ce fait, cette situation peut être perçue comme une menace contre sa propre identité. À cette inhibition tenant à la perception subjective de la langue étrangère s’ajoute une autre inhibition liée à l’âge, les jeunes apprenants étant plus enclins à accepter les activités de parole que leurs aînés chez qui sentiment de malaise et réticences entravent le désir d’expression. Interviennent également les dangers liés à l’oral lui-même. En effet, dans le cadre d’un enseignement collectif, l’oral met l’apprenant sous le regard et à portée d’écoute de l’autre, des autres. Une telle situation est redoutable car toute erreur est instantanément publique contrairement aux activités écrites où toute défaillance demeure confidentielle car, le plus souvent, elle ne sera connue que de l’apprenant et du professeur. De ce fait, lors des activités orales, la mise en cause de la personne qu’est l’apprenant durant sa performance est multiple et conjugue les atteintes à son identité et les rigueurs du jugement

63 SUFFYS Séverine, « Un oral, des « oraux », et autres voies orales », in Recherches, n°33, Presse de

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d’autrui. Ainsi, il est possible d’illustrer, de manière globale, par le biais du schéma suivant (élaboré par nos soins), quelques appréhensions que déclenche chez l’apprenant une situation orale :

Figure 4 : Figuration descriptive de la situation orale

L’ « acte oral » se déroule dans un temps et un espace bien défini. Cet acte, donc instantané, a la particularité d’être éphémère avec, le plus souvent, l’impossibilité pour l’apprenant de revenir en arrière sur d’éventuelles erreurs qu’il pourrait commettre (des erreurs de différents ordres : grammaticales, phonétiques, posturales, idéologiques, …etc.). De plus, l’acte oral engage, en plus de la subjectivité de l’apprenant, ses idées, son corps, sa voix, sa posture, ses mimiques, ses émotions. De ce fait, l’apprenant est constamment soumis aux regards d’autrui et de soi et appréhende par conséquent les jugements dont il pourrait être sujet ce qui est susceptible de créer une peur/crainte chez l’apprenant allant jusqu’à un état d’inhibition. Nous développerons ultérieurement d’autres facteurs qui ont fait de l’oral un domaine périlleux aussi bien pour l’apprenant que pour l’enseignant et qui ont contribué à favoriser les pratiques écrites à celles de l'oral en classe de langue.

Cependant, au tout début, et bien avant l’écriture, il y avait la parole. L’oral a toujours précédé l’écrit et occupe une position prédominante dans les relations humaines. L’enfant parle dans sa langue maternelle bien avant d’apprendre à esquisser ses premières lettres. Dans son ouvrage Langages and Species, et en partant de l’hypothèse que l’homme vit sur la

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planète Terre depuis 200 000 ans, Derek Bickerton64, estime l’apparition du langage oral à il y a 50 000 ans. Quant à l’écriture, elle a été inventée il y a 6000 ans en Mésopotamie. En revanche, les premières traces d'une écriture alphabétique, elles remontent au milieu du IIème millénaire.

Jadis, les mythes et légendes, l’histoire, la poésie, la philosophie, la religion, les sciences, etc., tout nous était transmis par la parole de nos ancêtres. Il se pourrait même qu'il y ait des peuples, dans certains coins du monde, qui comptent toujours sur ce moyen pour s'ouvrir au monde et communiquer avec l'humanité. Ces derniers auraient recours à l'expérience, au vécu et, surtout, à la parole des vieillards, qu’ils appellent aussi des « conteurs », afin de leur transmettre la sagesse, les savoirs et les connaissances qu'ils avaient, eux aussi, hérités de la bouche des ancêtres. Pour H. Hampate Ba, un penseur du Mali : « En Afrique, un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » (cité dans Blanche- Benveniste, 1997 : 35)65.

Au cours de l’antiquité gréco-romaine, la rhétorique, qui est l'art de bien parler, concernait d’abord la communication orale. Elle était centrée sur la langue parlée. C’était une langue normée, soignée, bien formulée, destinée aux discours publics. Quelque temps après nous avons commencé à écrire cette langue parlée et la transcription ou l’écriture visait celle- ci qui respectait les normes. Au Moyen-âge, la rhétorique était une discipline faisant partie des arts libéraux. Essentiellement orale, elle était inscrite, avec la grammaire et la dialectique, au programme d’enseignement de base du « trivium »66 dans les écoles cathédrales et monastiques tout au long de la période. A ce sujet, Michel Meyer (2004 : 30) évoque l’importance de cet art dans son ouvrage La Rhétorique entièrement dédié à l’évolution et l’analyse de cette dernière durant les siècles :

En enseignant l'art de comprendre et de se faire comprendre, d'argumenter, de construire, d'écrire et de parler, la rhétorique permettait d'évoluer avec aisance dans la société et de dominer par la parole. C'est à son école que se formaient les hauts fonctionnaires, les magistrats, les officiers, les diplomates, les dignitaires de l'église,

64 BICKERTON Derek, Language and species, University of Chicago Press, Chicago, 1992.

65 BLANCHE-BENVENISTE Claire, Approche de la langue parlée en français, coll. L’essentiel français,

Ophrys, Paris, 2000.

66 A l’université du Moyen âge, le « trivium » constituait les trois arts libéraux (la grammaire, la dialectique et la

rhétorique) dont l’étude précédait le « quadrivium » que forment les quatre sciences : l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la science.

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en un mot, les cadres. La rhétorique assurait une formation libérale, c'est-à-dire une formation professionnelle à long terme.

À cette même époque, nous ne pouvions plus écrire en langues romanes dites langues vulgaires car elles étaient basées sur l’usage parlé et non sur l’art qui permet d’avoir une conscience linguistique concernant cette langue.

Dans le monde arabo-musulman, le philosophe Farabi (872-950) a rédigé des traités de rhétorique de tradition aristotélicienne qu’il a regroupés dans un grand ouvrage intitulé Ilm Al-

Balagha, « Science de l'éloquence », de tradition essentiellement arabe mais aussi perse. Cette

rhétorique était plus particulièrement restreinte aux figures. Elle se fondait sur la pureté du langage (Fassaha ou « éloquence »), dans le choix des mots, dans la correction morphologique et enfin dans la clarté de la syntaxe.

L'idée de toujours se référer à une langue soutenue et bien formulée persiste jusqu'à nos jours. Dans les instructions officielles de 1938 pour l'enseignement français, on va même jusqu'à dire qu' « Apprendre à écrire, comme apprendre à parler, c'est apprendre à penser » (cité dans J. Dolz et B. Schneuwly, 2009 : 12)67. D'où aussi l'affirmation du rôle important que joue chez l'apprenant la maîtrise simultanée de ces deux pratiques et, par conséquent, la nécessité de ne pas séparer une pratique de l'autre, ni de privilégier l'une sur l'autre mais plutôt d’essayer de leur accorder la même place et de les combiner pour obtenir un certain équilibre dans les systèmes pédagogiques et les méthodes d'enseignements, car sans oral nous n’avons pas d’écrit et sans écrit nous n’avons plus de traces de la langue. Ils (l'oral et l'écrit) coexistent et se complètent dans l'univers linguistique. « L’écriture est la peinture de la voix » comme le disait Voltaire68.

Cependant, cette notion de complémentarité entre l'écrit et l'oral n'est pas toujours aussi claire et souvent mal interprétée. Dans son ouvrage l'Homme de paroles, Claude Hagege (1985 : 85)69 note en parlant de l'oral : « Le discours qu'il (l'oral) déploie n'est pas, en effet une pure inscription que l'œil puisse parcourir en sens inverse, mais bien une onde sonore dont le souvenir risque toujours s'il n'est pas aidé, de s'évanouir à mesure même de sa progression ». Malgré une volonté de démontrer que l’oral et l’écrit dépendent l’un de l’autre, force est de remarquer la vulnérabilité de l’oral. Par conséquent, le rôle accordé à ce dernier

67 DOLZ Joaquim, SCHNEUWLY Bernard, Pour un enseignement de l'oral, ESF Éditeur, Issy-les-Moulineaux,

2009.

68 Citation célèbre tirée de son dictionnaire philosophique, 1764. 69 HAGEGE Claude, L'homme de paroles, Fayard, Paris, 1985.

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dans la langue se retrouve atténué, pour ne pas dire marginalisé, en faveur de l'écrit. Bernard Lahire (1993 : 215)70 constate d’après ses analyses des activités langagières en milieu scolaire que : « l’école est le lieu où l’on traite la parole des élèves comme la combinaison d’une syntaxe et d’un vocabulaire ». De manière plus explicite, pour justifier la prégnance d’un oral

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