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Français langue de spécialité

2.3 Qu’est-ce que les langues de spécialité ?

Aussi ambigüe qu’elles soient, il est difficile de définir avec exactitude la notion de langue de spécialité. Selon les différentes acceptions des spécialistes, nous en illustrons les plus saillantes. R. Galisson et D. Coste définissent les langues de spécialité comme étant « … utilisées dans les situations de communication (orales ou

écrites) qui impliquent la transmission d'une information relevant d'un champ d'expérience particulier» 47(DDL, 1976 ; 511).

Cette définition est différente de celle d'A. Phal (1968; 8) qui accorde aux langues de spécialité un « sens plus étroit ».

Elles ne représentent, selon lui, qu'une catégorie de caractéristiques des langues scientifiques et techniques, « celles qui permettent de distinguer les différentes sciences et

techniques les unes des autres. Elles correspondent à un rôle statique de la langue, à sa fonction de désignation et portent sur une différence de contenu et de spécialisation du lexique (définition, terminologie, nomenclature, vocabulaire spécialisé de la science et technique considérée). Ces caractéristiques définissent ce qu'on appelle les langues de spécialité».

Ch. Bally (1951 ; 117),quant à lui, conçoit la langue de spécialité comme « un

ensemble de moyens d'expressions » et la désigne par « la langue scientifique, il dit

que « la langue scientifique n'existe nulle part sous sa forme la plus absolue, mais il y a

une forme de langage qui reflète d’une façon constante l'activité purement intellectuelle de la pensée : c'est la langue scientifique.» Il assimile la langue scientifique à la langue de spécialité et il précise qu'elle ne doit pas être confondue avec la terminologie. Sur ce point il s’oppose à la définition d’A. Phal.

Pour notre part nous nous allions plutôt avec la définition la plus récente et la plus large, celle du DDL et nous ajoutons que la langue de spécialité est une sous-langue de la langue tout entière.

47. Dictionnaire de Didactique des Langues

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Elle se caractérise par un ensemble de ressources linguistiques et ne peut être assimilée à un style, à un registre ou à une terminologie.

La langue de spécialité est un ensemble complexe dont les principaux constituants relèvent des aspects symbolique, syntaxique et lexicologique. Passons en revue ses caractéristiques :

2.3.1 Caractéristiques extralinguistiques

En linguistique dite générale, F. de Saussure48 définit la langue « comme un

système de signes ». Cette définition peut-elle s'appliquer au mot « langue» dans langue de spécialité »?

Apparemment oui puisque le mot « signe» pour désigner les formes graphiques (lettres, chiffres, traits...), les formes visuelles, les formes sonores, les symboles, etc.

Mais en réalité le mot-signe n'a d'autres acceptions que celle du « signe linguistique», c'est-à-dire unité de langue. C'est, selon Saussure, « L’unité minimale de la phrase. » Or la langue de spécialité comporte entre les signes linguistiques proprement dits, des unités non linguistiques, d'origines diverses que R. Kocourek (1982; 72) désigne par « unités

brachygraphiques » c’est-à-dire unités de forme graphique concise. Cette concision est surtout d'ordre abréviatif ou idéographique.De ce fait nous pensons que le mot « langue» dans « langue de spécialité» renvoie beaucoup plus au « langage» qu'à la « langue » saussurienne.

2.3.2 Caractéristiques morphosyntaxiques

L'intérêt de se pencher sur ce domaine réside dans le fait qu'une langue de spécialité n'est pas seulement une affaire de lexique mais c'est aussi une affaire de relations des mots entre eux. La seule connaissance du lexique ne permet pas aux apprenants de saisir le contenu juridique d'un texte donné.

48. Ferdinand de Saussure, 1916, rééd. Payot, 1972

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Une langue de spécialité contient des structures syntaxiques appartenant à la langue commune mais en nombre très réduit. Selon cette hypothèse, il serait aisé de recenser ces structures et de les enseigner.

En réalité la langue de spécialité dispose de sa propre syntaxe et de ses propres caractéristiques morpho-syntaxiques puisés dans celles de la langue commune. La rigueur et économie sont en effet des caractéristiques essentielles de la langue de spécialité : divers phénomènes y contribuent.

En premier lieu, la phrase juridique doit être claire et très explicite. La cohérence de l'expression suscite des moyens de jonction très variés (les conjonctions, les pronoms relatifs, les déterminants de toutes natures). II en résulte un nombre important de propositions coordonnées et subordonnées, des constructions incises...

De ce point de vue, la phrase juridique est plus élaborée que celle de la langue usuelle. Plus l'information est complète, plus la phrase est longue et compliquée.

Cette dernière est généralement constituée par une ou plusieurs propositions qui se greffent à la principale par enchâssement, coordination, subordination ou juxtaposition.

A la rigueur de la structuration logique s'ajoute la prédominance de la déclarative sur les autres formes de phrases.

La restriction du système verbal et l'emploi fréquent du présent de l'indicatif (ayant une valeur permanente et générale) et de la 3e personne du singulier (procédure impersonnelle), renforcent ce caractère de rigueur et en même temps, marquent le caractère économique du français de spécialité.

En second lieu, les moyens syntaxiques les plus fréquemment utilisés en vue d'aboutir à la concentration des énoncés (c'est-à-dire pour exprimer le maximum de choses en un nombre restreint de mots) sont surtout :

- La transformation lexicale : cette opération consiste à remplacer une phrase (ou un groupe de mots) par un seul mot sémantiquement équivalent. Le résultat de cette opération appelée nominalisation, adjectivation ou pronominalisation, selon le cas, est la formation d'une unité lexicale (ou syntagme) qui se situe à un niveau syntaxique inférieur à celui de la phrase.

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- La réduction de la phrase par ellipse, emploi des propositions infinitives, emploi de forme participiale et de la voix passive.

- La formation des lexies complexes par dérivation et composition. Ainsi, en exigeant rigueur, concision, limitation et cohérence, la syntaxe des langues de spécialité contribue à la construction des énoncés et à la production du sens. Qu’elle est l’apport de la caractéristique lexicale ?

2.3.3 Caractéristiques lexicales

La plupart des travaux sur les langues de spécialité s'intéressent au vocabulaire qui est, sans doute, le domaine le plus important. Dans la définition de ce lexique, on a tendance à réduire le champ d'investigation à la simple notion de « terminologie».

D'un point de vue pédagogique, l'enseignement terminologique n'a d'intérêt qu'accompagné de celui des autres aspects de la langue dans la mesure où il ne permet pas de voir le fonctionnement de la langue dans sa réalité.

Afin de faire acquérir la compétence communicative, il importe d'enseigner la langue de spécialité dans toutes ses composantes et non pas se limiter à un aspect particulier se rapportant à une nomenclature ou une terminologie. D'ailleurs les dictionnaires spécialisés pourraient très bien jouer ce rôle.

Il est inconcevable d'enseigner le vocabulaire indépendamment de la syntaxe ; de même qu' « il ne faut pas ramener l'enseignement de la langue scientifique à l'enseignement

d'une terminologie». (A. Phal, 1972 ; 86).

Aussi est-il important de souligner que dans une langue de spécialité apparaissent trois classes lexicales : la première, représentant le vocabulaire de base appartenant à la langue usuelle ; la deuxième, correspondant à la langue scientifique générale ; la troisième afférente au lexique spécialisé ou vocabulaire technique.

Dans le domaine de la spécialité, une grande proportion de mots appartenant à la langue commune interviennent et ceci dans n'importe quelle spécialité.

Dans ce cas à quelle classe lexicale correspond ce qu'on appelle « terminologie » ?

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Ch. Bally détermine la terminologie comme « ensemble de termes étrangers à la langue commune et désignant les choses par leur côté impersonnel et objectif avec exactitude et précision ». II dit aussi que » l'état d’esprit supposé par le terme technique se retrouve dans toutes les formes d’activités déterminées (langue administrative, termes de métiers, jargons…). »

La même conception est observée chez J. Dubois et al. (1973, 486): « La

terminologie est un ensemble de termes, définis rigoureusement par lesquels [toute science] désigne les notions qui lui sont utiles».