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L’atténuation physique ou amortissement des ondes est une caractéristique anélastique des roches. Elle se traduit par une diminution d’amplitude de l’onde liée à une perte d’énergie et à une perte préférentielle de ses hautes fréquences (Grolier et al., 1991). L’atténuation géométrique correspond à la baisse de l’amplitude de l’onde au fur et à mesure qu’elle s’éloigne de la source car il faut répartir une même énergie sur un front d’onde de plus en plus grand. Les paramètres d’atténuation Qi-1, Qg-1, Qt-1 représentent respectivement l’atténuation intrinsèque, l’atténuation géométrique et l’atténuation totale. Ces paramètres sont liés par la relation suivante (e.g., Dainty, 1981) :

Qt-1 = Qg-1 + Qi-1 (47)

L’atténuation intrinsèque est causée par la conversion de l’énergie en chaleur alors que l’atténuation géométrique est caractérisée par la redistribution de l’énergie lors de l’interaction de l’onde sismique avec les hétérogénéités du milieu.

On peut discriminer la contribution de l’atténuation intrinsèque et la part de l’atténuation géométrique grâce à l’utilisation de la méthode d’analyse à fenêtre d’intervalle de temps multiple d’Hoshiba et al. (1991). L’atténuation géométrique peut être considérée comme négligeable comparée à l’atténuation physique dans la partie Ouest de la Grèce (Tselentis, 1998) et au Japon (Hoshiba, 1993). Notre étude est limitée à la compréhension de l’atténuation physique.

Les roches, matériaux naturels, présentent macroscopiquement des irréversibilités de comportement lorsqu’elles sont soumises à des déformations: l’énergie élastique stockée est dissipée. Cette dissipation d’énergie correspond à un écart à l’élasticité. La compréhension du mécanisme d’atténuation des roches partiellement fondues se fait grâce à la connaissance des comportements anélastiques et viscoélastiques et de leurs caractéristiques suivantes: friction interne, module de cisaillement complexe et viscosité.

Les essais de relaxation et de fluage permettent l’étude des lois de comportement des matériaux en fonction du temps. On distingue 3 grandes techniques expérimentales de mesure de l’atténuation: i) les mesures utilisant la propagation d’ondes, ii) les mesures utilisant des systèmes vibrants, iii) les méthodes utilisant le déphasage entre contrainte et déformation. Les expériences de torsion harmonique utilisées dans cette étude sont des expériences de fluage, qui nous permettent de calculer l’atténuation intrinsèque en mesurant le déphasage entre la contrainte et la déformation.

L’étude de la coda (enveloppe) des ondes s’est révélée très utile pour la caractérisation de l’atténuation sismique au niveau de la lithosphère (e.g., Canas et al., 1998; Aki, 1980) et comme moyen de surveillance des volcans actifs (e.g., Londoño et al., 1998; Fehler et al., 1988). La connaissance des variations de l’atténuation de la coda des ondes sismiques s’est également avérée être importante dans l’analyse des risques sismiques (e.g., Jin et Aki, 1988).

Les modèles de tomographie sismique en onde de volume de l’atténuation permettent de caractériser la structure des systèmes magmatiques au niveau de l’axe de la dorsale Est Pacifique (Wilcock et al., 1992; 1995) et au niveau de l’arc insulaire des Andes (Haberland et

Rietbrock, 2001). La tomographie sismique globale en onde de surface permet d’identifier les grandes structures mantelliques comme les deux superpanaches situés sous une partie du Pacifique sud et sous une partie de l’Afrique (Romanowicz et Gung, 2002). Romanowicz (1994) observe les variations les plus importantes de l’atténuation jusqu’à 300 km de profondeur. Ces variations demeurent importantes jusqu’à 500 à 600 km. Karato (1993) a montré l’importance de la connaissance de l’anélasticité pour l’interprétation des modèles tomographiques des vitesses sismiques. Dans le manteau supérieur, l’effet de l’anélasticité est d’augmenter de manière significative la température que l’on déduit des vitesses des ondes sismiques. Cela implique que les anomalies de température sont en réalité plus basses que ce que l’on obtient sans prendre en compte l’anélasticité. Il faut donc réaliser des corrections des effets anélastiques dans les modèles tomographiques des vitesses sismiques.

L’analyse de l’atténuation des ondes ScS multiples permet, elle, de cerner les zones anormalement chaudes ou partiellement fondues du manteau. Cette technique que nous utilisons également dans cette étude sera présentée dans le chapitre suivant.

Le module élastique M* est complexe lorsqu’il y a dissipation de l’énergie de l’onde.

M*(w) = MR(w) + i MI(w) (48),

avec w la fréquence angulaire.

On définit de manière intrinsèque le facteur de qualité Q, valeur sans dimension, qui caractérise la dissipation d’énergie liée à la déformation du milieu par:

Q-1(w) = MI(w) /MR(w) = tan δ(w) (49)

Q-1 est également appelé friction interne, il est associé à l’énergie dissipée par cycle Δε:

Q-1 = Δε/4π<ε> (50),

avec <ε> l’énergie moyenne stockée durant un cycle de charge. Une approximation de cette expression est souvent réalisée

Q-1 = Δε/2π εmax (51),

avec εmax l’énergie maximale emmagasinée.

7.2) Les causes de l’atténuation sismique

Les causes d’atténuation sont nombreuses et il est difficile de les différencier dans la nature. Les principaux facteurs d’atténuation sont:

• Un mécanisme de diffusion au niveau des joints de grains responsable de l’augmentation exponentielle de Q-1 avec la température à des températures supérieures à la moitié de la température de fusion. L’atténuation dépend de la fréquence et de la taille des grains. L’augmentation de la température est le facteur principal d’atténuation dans les solides.

• L’écoulement localisé de liquide (en anglais "squirt flow").

Le terme a été introduit par Mavko et Nur (1975). C’est le mouvement local du liquide à l’intérieur de la cavité poreuse, induit par le passage de l’onde. Le liquide est expulsé des inclusions orientées perpendiculairement à l’axe principal de compression vers celles qui sont perpendiculaires à l’axe d’extension. L’écoulement du liquide provoque une dissipation d’énergie qui se traduit par un comportement anélastique ou viscoélastique du système. Les calculs de Schmeling (1985) et Mainprice (1997) montrent que ce mécanisme est important, aux fréquences sismiques, dans les milieux partiellement fondus.

• L’insertion d’une lacune ou d’un atome interstitiel dans un cristal produit localement des distorsions du champ de contraintes appliqué au cristal. Les défauts ponctuels relatifs au site du Silicium dans l’olivine, particulièrement ceux qui sont liés à un hydrogène peuvent être à l’origine de phénomènes anélastiques dans le domaine des fréquences sismiques (Karato et Spetzler, 1990). Cepandant, Karato et Spetzler (1990) montrent que l’atténuation maximale est très faible (inférieure à 5.10-5). La redistribution de cations dans les pyroxènes est un mécanisme possible d’atténuation des ondes sismiques dans le manteau supérieur, surtout pour les basses températures (Karato et Spetzler, 1990). En effet, dans le pyroxène, le cation (Mg, Ca, Fe) se diffuse plus lentement que pour l’olivine.

• Le cisaillement visqueux lorsque les joints de grains sont mouillés crée une dissipation de l’énergie. Ce type de dissipation nécessite des inclusions de liquide très allongées. • Le glissement au niveau des joints de grains et la migration des joints de grains.

Un joint de grain est rarement un plan parfaitement régulier. Il possède toujours des irrégularités topographiques qui gênent le glissement visqueux. Le glissement au niveau des joints de grains peut être contrôlé par la migration au joint de grain, cette dernière pouvant éliminer les irrégularités qui gênent le glissement.

• Le couplage inertiel entre fluide et solide.

La théorie de Biot (1956) considère le mouvement du liquide par rapport au solide comme le résultat de l’inertie du gradient de pression de l’onde sismique. Dans un système partiellement fondu, Schmeling (1983) montre que ce mécanisme est insuffisant pour prendre en compte l’atténuation sismique.

• Le flux régional de la phase fondue d’une région de forte contrainte à une région de faible contrainte est une cause d’atténuation. Ce mécanisme concerne un ensemble de plusieurs pores, il dépend de la perméabilité de la roche, et de l’amplitude de l’onde. • La croissance des cristaux dans la phase visqueuse.

L’atténuation peut être induit par un retard de vibration entre l’amas cristallin et la portion fondue. Un pic d’atténuation est observé pour les hautes températures et les fréquences sismiques sur différents agrégats de monocristaux et de polycristaux (Day et Rindone, 1961).

• La thermo-relaxation.

Les variations brusques de déformation, consécutives au passage de l’onde, entraînent des variations de température par couplage thermomécanique. Ces variations de température sont hétérogènes en raison de la diversité des propriétés thermomécaniques des constituants à l’échelle microscopique. Au sein de l’élément, à l’échelle macroscopique, un rééquilibrage des températures s’opère alors par conduction thermique.

• L’oxydation conduit à la formation d’oxydes, qui se disposent aux joints de grains et augmentent ainsi la résistance au glissement aux joints de grains.

• L’effet de la saturation.

Les expériences réalisées sur un granite montrent que l’atténuation des ondes S croît avec la saturation en eau (Murphy, 1982).

• L’effet de la pression effective.

Les variations de l’atténuation en fonction de la pression dépendent de la présence de microfissures. Lors de l’application d’une contrainte uniaxiale Bourbié et Zinszner (1985) ont observé une forte atténuation sismique pour un grès avec joints de grains alors que l’atténuation est faible pour un grès sans joints de grains.

Trois causes d’atténuation sont particulièrement importantes dans le cadre de cette étude par rapport à la présence de plusieurs points chauds en Polynésie française et à la présence d’un point chaud et de plusieurs volcans actifs dans l’archipel des Galápagos:

i) l’augmentation de l’atténuation à cause d’un mécanisme de diffusion au niveau des joints de grains,

ii) l’écoulement localisé de liquide, celui-ci doit induire une augmentation de l’atténuation dès que la roche commence à fondre.

iii) le cisaillement visqueux.

Dans la suite de ce travail, on essaiera de quantifier l’atténuation à grande échelle via l’utilisation des ondes sismiques, puis on abordera le problème par une approche expérimentale, ce qui nous permettra de faire un lien avec la sismologie et de mieux cerner les processus.

Chapitre 8

Estimation de l’atténuation des ondes ScS multiples en