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Des outils sismologiques d’analyse de la polarisation ont été développés lors de cette thèse (voir chapitre sur l’étude de la polarisation des ondes P), ces outils utilisés par Barruol et al. (2004) permettent de déterminer les caractéristiques du bruit sismique pour les fréquences correspondant aux pics simple fréquence et double fréquence. Nous avons étudié les caractéristiques du bruit sismique enregistré à MAT, TAK, et PPTL, pour les fréquences du pic primaire (0.045-0.075 Hz) et celles correspondant au pic secondaire (0.1-0.4 Hz) pour le mois de janvier 2003. Cette étude montre que pour caractériser la houle, il est préférable de travailler aux fréquences du pic primaire qu’aux fréquences du pic secondaire pour plusieurs raisons:

i) Au niveau du pic simple fréquence, le bruit sismique montre 2 pics élevés pour le 14 et le 24 janvier, cette observation est en accord avec les houles prédites par altimétrie satellite.

ii) L’amplitude du bruit sismique est systématiquement plus faible pour le pic primaire que pour le pic secondaire, ce qui est cohérent avec les résultats des densités spectrales de puissance,

iii) Il n’y a pas de corrélation entre les signaux observés entre 0.045-0.075 Hz et ceux mesurés entre 0.1 et 0.4 Hz, ce qui suggère une source différente pour chacun d’eux. Par exemple, la houle qui arrive le 14 janvier génère un pic de bruit élevé aux 3 stations, dans la gamme de fréquence du pic primaire, alors qu’elle correspond à un bas niveau de bruit aux fréquences du pic secondaire.

iv) L’analyse du mouvement de particules aux fréquences comprises entre 0.045 et 0.075 Hz montre un mouvement polarisé de manière linéaire, et dans le plan horizontal. Par contre, le mouvement de particules mesuré entre 0.1 et 0.4 Hz suggère un mouvement de particules aléatoire. On ne peut donc pas déduire d’informations sur la direction de la houle dans la gamme de fréquences du pic secondaire.

Afin de caractériser la direction de la houle et son amplitude, nous avons étudié ces deux paramètres, au niveau des stations PLUME et LDG/CEA, sur 30 minutes de données, toutes les heures, pendant les mois d’août-septembre 2002 et le mois de janvier 2003. On filtre les données entre 0.05 et 0.07 Hz avec un filtre de type Butterworth d’ordre 6 pour éviter la contamination du signal avec le pic double fréquence. Nous avons utilisé 2 méthodes pour déterminer l’amplitude maximale et la polarisation de la houle à partir du mouvement de particules. La première méthode dite "géométrique" consiste à faire des rotations successives des deux composantes horizontales, et on cherche la direction pour laquelle l’amplitude d’une des composantes est maximale, tandis que l’amplitude de l’autre composante est minimale. Cela nous permet de déterminer l’azimut et l’amplitude maximale du bruit sismique dans la série de données. La deuxième méthode consiste en une analyse en composantes principales (ACP) du mouvement de particules en 3 Dimensions. Bien que ces deux méthodes donnent des résultats qui sont très proches, la méthode ACP est plus rapide en terme de calculs et elle fournit plus d’informations sur la polarisation que la méthode géométrique. La méthode ACP permet la détermination du coefficient de polarisation dans le plan horizontal et le coefficient de polarisation dans le plan vertical. De plus, on peut calculer un coefficient de linéarité. Ces trois coefficients ont des valeurs comprises entre 0 et 1. Un coefficient de linéarité proche de 1 est synonyme d’un mouvement linéaire de particules tandis qu’un coefficient proche de 0 signifie que le mouvement est plutôt de type aléatoire. Les coefficients de polarisation du mouvement de particules du bruit sismique pour les fréquences comprises entre 0.05 et 0.07 Hz dans le plan horizontal et dans le plan vertical sont compris entre 0.8 et 1. Le mouvement de particules observé pour les fréquences correspondant au pic simple fréquence possède une

polarisation elliptique; il est principalement linéaire et contenu dans le plan horizontal. Il ne possède pas les caractéristiques d’une onde de Rayleigh.

Le mouvement elliptique est causé par la houle et on propose que son orientation géographique soit contrôlé par l’orientation de l’atoll. Tous ces atolls ont des formes elliptiques et sont caractérisés par un faible facteur de forme (1:6 pour ANA et TAK, 1:7 pour REA) comparé à MAT (1:2). L’agence météorologique NOAA (National Oceanic And Atmospheric Administration) fournit la prévision de la houle sur sept jours. Nous avons utilisé le modèle NOAA WaveWatch 3 (NWW3) pour extraire l’azimut et la hauteur de la houle en divers sites de la Polynésie française. On compare les directions prédites par le modèle NWW3 pour la houle (Fig. 13) avec les directions observées aux stations sismiques. La station MAT est la seule station, où, on observe une bonne corrélation entre les mesures et les prédictions. La Fig. 13 montre que la direction de la houle mesurée à ANA (bloquée autour de N050°E) est perpendiculaire à l’axe principal d’allongement de l’atoll d’Anaa et la direction observée à REA (N020-N030°E) correspond, elle aussi, à une direction perpendiculaire à l’axe d’allongement maximal de l’atoll de Reao. Bien que nous ne disposions pas de données à TAK pour le mois de septembre 2002 et que le bruit associé à la houle soit généralement bas (TAK semble protégée de la houle venant du SW), l’azimut observé est également bien corrélé avec l’allongement anisométrique de l’atoll. Il est intéressant de remarquer que différemment de Reao et Anaa, l’allongement de l’atoll de Takaroa est surtout marqué selon la direction NE-SW. L’azimut de son axe d’allongement est N060°E. La polarisation observée de la houle en hiver est orientée N330°E pour les houles venant du SW et entre N310-N330°E durant l’été, quand les houles viennent du NW. Dans les deux cas, l’azimut de la direction de polarisation est proche de la direction normale à l’axe d’allongement principal de l’atoll.

Le processus de réfraction des ondes est l’hypothèse pouvant expliquer nos observations. Les fronts de vague s’adaptent à la morphologie des côtes et se courbent pour arriver parallèlement au rivage à cause du phénomène de réfraction. Au voisinage d’un cap, la partie du front de vague qui atteint la première une zone peu profonde est ralentie, tandis que la portion de vague qui évolue encore dans des eaux assez profondes continue d’avancer rapidement: c’est pourquoi le front de vague se parallélise au rivage. Comme le front de vague s’incurve pour converger vers le cap, l’énergie se concentre dans des vagues plus courtes qui sont donc plus hautes. La majeure partie de l’énergie engendrée par la houle arrive donc perpendiculairement au rivage et la direction de la vibration principale attendue est perpendiculaire à l’axe d’allongement de l’atoll.

Le phénomène de réfraction n’exclut pas une autre hypothèse qui impliquerait une anisotropie mécanique des atolls. Tous ces atolls sont caractérisés par des pentes importantes jusqu’au plancher océanique (Bonneville et Sichoix, 1998). La forme des îles où sont installées les stations est généralement elliptique, on peut donc s’attendre à ce que la réponse à l’excitation mécanique de la houle sur la partie supérieure d’une île soit anisotrope. Le volume d’une île pourrait se déplacer plus facilement selon la direction perpendiculaire à l’axe d’allongement que selon la direction parallèle. Il est intéressant de noter que l’atoll de Mataiva possédant une forme quasi-circulaire (facteur de forme de 1:2) est marqué par une meilleure corrélation entre l’azimut du bruit sismique enregistré à la station MAT et les prédictions des azimuts des houles. Dans le cas des deux hypothèses formulées ci-dessus, l’azimut mesuré devrait être parallèle à la direction de la houle. Dans le premier cas, la réfraction de la houle autour d’un atoll de forme quasi-circulaire devrait donner la direction de l’énergie maximale de la houle dans la direction de celle-ci. Dans le second cas, un atoll avec une forme quasi-circulaire ne devrait pas avoir de comportement anisotrope et la direction de vibration devrait être parallèle à la direction principale de l’excitation mécanique.

caractériser le bruit océanique, la circularité des atolls apparaît être un paramètre important lors de la sélection des sites où réaliser des mesures sismiques fiables des spectres et de la direction de polarisation de la houle. La station MAT est dans le cadre de l’expérience PLUME la meilleure station pour réaliser de telles mesures.

Fig. 13. Comparaison des directions de polarisations de la houle mesurées aux stations (cercles pleins) et celles prédites par le modèle NWW3 (cercles vides, Dp) avec la géométrie des îles REA, ANA, MAT, TAK pour les houles de janvier 2003, d’août et septembre 2002. D’après Barruol et al. (2004).

Explication de l’influence de la réfraction avec les équations de la physique:

La relation de dispersion permettant le calcul du nombre d’onde k en fonction de la profondeur et de la pulsation de la houle et la loi de Snell pour le calcul de l’angle d’orientation de la houle permettent d’appréhender le phénomène de réfraction.

La relation de dispersion :

ω = λ /T = √ (g · k tanh ( k · d ) ) (1)

avec ω: la pulsation de la houle, λ: la longueur d’onde, g: la gravité, T: la période et d est la profondeur.

La loi de Snell (ou de Snel) :

kold .sin ( θancien – βmoyen) = knouveau .sin (θnouveau – βmoyen) (2) avec k le nombre d’onde de la houle, θ l’angle de la houle, β l’angle du gradient de la bathymétrie (Fig. 14)

Fig. 14. Illustration du phénomène de réfraction de la houle sur les lignes bathymétriques.

1er cas - La diminution de la célérité avec la profondeur a pour conséquence, lorsque la houle se propage normalement aux lignes bathymétriques, de diminuer sa longueur d’onde à l’approche du rivage car sa période reste constante. La conséquence est que les lignes de crête se resserrent car :

k =λ / 2π

comme λnouveau < λancien => knouveau < kancien => θ nouveau > θ ancien

2ème cas - La diminution de la célérité avec la profondeur pour une direction quelconque de la houle, par rapport aux lignes bathymétriques, implique que deux points voisins ont une célérité différente. Les lignes de crête ne restent donc plus parallèles: elles se resserrent du côté des petites profondeurs. Les lignes de crêtes de la houle sont donc incurvées et la houle

tourne de façon à ce que les lignes de crêtes tendent à devenir parallèles aux lignes bathymétriques.

Conséquences de la polarisation de la houle sur les mesures sismiques :

Les mesures de la direction de polarisation de la houle montrent une forte directivité de la houle au niveau des fréquences correspondant au pic simple fréquence entre 0.05 et 0.09 Hz. L’azimut de la direction de la polarisation dépend essentiellement de la forme de l’île où est installée la station sismique. Les mesures de déphasage des ondes S téléséismiques en contexte océanique se font en général aux fréquences inférieures à 0.1 Hz à cause du pic double fréquence, alors que les mesures de polarisation de l’onde P se font aux fréquences comprises entre 0.03 et 0.07 afin d’échantillonner la partie supérieure du manteau supérieur. De plus la fréquence de l’onde SKS est entre 0.08 et 0.1 Hz. La forte directivité de la houle doit donc avoir une influence sur de telles mesures sismiques. Schulte-Pelkum et al. (2004) ont également émis l’hypothèse d’une influence possible du bruit sismique généré au niveau du pic double fréquence (entre 0.1 et 0.5 Hz) sur l’étude de la biréfringence des ondes S avec des stations continentales. Une des perspectives de notre étude est d’évaluer par des sismogrammes synthétiques l’influence de la houle sur les mesures sismiques. En outre, cette étude montre l’importance de réaliser systématiquement des mesures de la polarisation de la houle au niveau des stations océaniques.

PARTIE II

ANISOTROPIE SISMIQUE EN DOMAINE