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Chapitre 1 Connaissances, enjeux et problématique

I. La matière organique du sol : ses fonctions, sa dynamique, sa complexité

I. 3. Les outils : quelles approches analytiques pour étudier la MOS à l’échelle du paysage ?

I.3.4. La pyrolyse Rock-Eval

Historique

La pyrolyse Rock-Eval (pyrolyse RE), technique initialement développée par l’industrie

pétrolière pour les analyses géochimiques des roches sédimentaires (Espitalié et al., 1977),

permet une caractérisation rapide de la matière organique. Du fait de sa facilité d’utilisation et

de la qualité des informations apportées, son application a été étendue cette dernière décennie

à différents matériaux organiques : étude de la MO des sols et des humus (Di-Giovanni et al.,

1998; Disnar et al., 2003; Sebag et al., 2006; Soto, 2009), des sédiments lacustres et marins

(Ariztegui et al., 1996; Jacob et al., 2004; Botz et al., 2007), des tourbières (Gogo et al.,

2010), de la végétation et des sédiments de mangrove (Marchand et al., 2008) ou évaluation

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de l’état d’oxydation des charbons (Copard et al., 2002). Feller et al. (2010), dans un article

de synthèse consacré aux "travaux pionniers en sciences du sol et des sédiments durant

le 20

ème

siècle", ont mis en avant la pyrolyse Rock-Eval comme outil prometteur pour les

études de sol et encouragent son développement.

Principe pour l’étude du sol

La méthode consiste en un craquage thermique de la matière organique en deux étapes

successives (Fig. 10), suivies de la quantification des composés produits lors de ce craquage.

Dans un premier temps, 30 à 100g d’échantillon sont pyrolysés sous atmosphère inerte (N

2

)

entre 200°C et 650°C à température croissante régulière (30°C.min

-1

). Les effluents produits

durant cette première étape sont quantifiés en continu par un détecteur à ionisation de flamme

"FID" (Flame Ionization Detector) pour les composés hydrocarbonés (ou hydrocarbure, HC)

et deux cellules infrarouge pour les composés oxygénés (CO et le CO

2

). La seconde étape est

une oxydation du résidu de pyrolyse sous atmosphère oxygénée (air) entre 400 et 700°C à

température croissante régulière entre 400°C et 700°C (30°C.min

-1

). Le CO et le CO

2

émis

sont là encore détectés en continu par les cellules infrarouge. Le processus résulte en la

production de différentes courbes d'émission d'effluents de pyrolyse et d'oxydation, obtenues

entre des bornes de température déterminées : HC libres (courbe S1), HC produits lors du

craquage thermique (courbe S2), CO et CO2 produits lors de la première phase de craquage

(courbe S3), et CO et CO2 produits lors de la phase d’oxydation (courbes S4 et S5).

L’intégration de ces courbes permet pour chaque échantillon (i) la quantification du COT

ainsi que des proportions de C organique et inorganique, (ii) la caractérisation de la MO

globale via les taux de composés hydrocarbonés et oxygénés (état de maturité de la MO)

(Espitalié et al., 1985a,b; Peters, 1986), et enfin (iii) la mesure de la stabilité thermique de la

MOS via l’étude des courbes S2 et/ou S3 (Disnar et al., 2003; Sebag et al., 2006). Dans cette

thèse, les analyses ont été réalisées avec un pyrolyseur Rock-Eval 6 (“Turbo” model, Vinci

Technologies®, France) à l’Institut des Sciences de la Terre d'Orléans (ISTO), sur des sols

préalablement tamisés (2 mm) et broyés de manière homogène (0,25 mm). La méthode est

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semi-automatisée et permet d’étudier la MOS sans besoin de traitement préalable (ex.

décarbonatation, purification ou extraction ; (Espitalié et al., 1985b, 1985c).

Définition des paramètres Rock-Eval

Les paramètres classiques du Rock-Eval sont basés sur l'intégration et l’étude des

courbes de composés hydrocarbonés et oxygénés. Les définitions suivantes se basent sur les

notes techniques des équipes de l'IFP (Espitalié et al., 1977b, 1985b, 1985c; Lafargue et al.,

1998; Behar et al., 2001).

- Le signal S1 (en mg HC.g

-1

échantillon) correspond à la quantité de composés

hydrocarbonés libérés lors de la phase isotherme (200° C) du cycle de pyrolyse. Ce signal S1

correspond aux hydrocarbures libres thermovaporisés (gaz et huiles) et n'a d'intérêt que pour

l’étude du potentiel pétrolier des roches ; il n’est pas pris en compte dans cette étude (les

valeurs de S1 étant d’ailleurs négligeables).

- le signal S2 (en mg HC.g

-1

échantillon) correspond à la quantité de composés

hydrocarbonés libérés lors du cycle de pyrolyse après la phase isotherme à 200°C.

L’ensemble des composés hydrocarbonés de l’échantillon étudié se retrouvent donc dans ce

signal S2, qui sera largement étudié dans ce travail.

- Le signal S3CO et le signal S3CO2 (en mg CO g

-1

échantillon et mg CO

2

.g

-1

échantillon,

respectivement) correspondent aux quantités de CO et CO

2

produites par la matière

organique en cycle de pyrolyse. Selon Lafargue et al. (1998) et Behar et al. (2001), la borne

supérieure d'intégration du S3CO pour le calcul du COT est fixée aux environs de 550°C: ceci

permet d’éviter la prise en compte du C issu de la décomposition des carbonates libérés

au-delà de cette température sous forme de CO via la réaction de Boudouard (C+CO

2

=2CO). Le

S3CO est ainsi divisé en S3aCO, d’origine organique, et S3bCO, d’origine minérale (Fig. 10).

De même, la borne supérieure d'intégration du S3CO2 est fixée à 400°C afin d'éviter la prise

en compte du CO

2

issu des carbonates fragiles, se décomposant précocement durant la montée

en température (divisant le S3CO2 en S3aCO2 d’origine organique et S3bCO2 d’origine

minérale et organique ; Fig. 10).

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- Les signaux S4CO et S4CO2 (en mg CO g

-1

échantillon et mg CO

2

.g

-1

échantillon,

respectivement) correspondent aux quantités de CO et de CO2 libérées pendant le cycle

d'oxydation du C résiduel, jusqu'à 700°C. Les signaux S4CO et S4CO2 sont entièrement

attribués au C d’origine organique. Le CO2 récupéré au-delà de 650°C (S5) est, quant à lui,

attribué au C d’origine minérale (Behar et al., 2001 ; Fig. 10).

- Le TpS2 (en °C) est la température du four de pyrolyse mesurée au sommet du pic S2. Le

Tmax ne concerne que les géochimistes : il correspond au TpS2 corrigé (Tmax = TpS2-30°C)

permettant la comparaison des données actuelles (TpS2) avec celles fournies par les

précédentes versions du Rock-Eval (Tmax). Nous n’utilisons dans la présente étude que le

paramètre TpS2.

- Le TpS3CO et TpS3CO2 (en °C) correspondent aux températures mesurées aux sommets

des pics S3aCO et S3aCO2 (bornes d’intégration corrigées) provenant de la matière organique

émis durant la phase de pyrolyse.

- Le carbone pyrolysé (PC ; en g.kg

-1

) est la quantité de carbone issu de la MO, mesuré

pendant la première phase de pyrolyse. Il correspond à la somme des quantités de carbone

mesurées dans le S2, S3aCO et S3aCO2 et est calculé comme suit :

PC = S2 × 83/100 + (S3aCO + ½ S3bCO) × 12/28 + S3aCO2 × 12/44

Où 83/100, 12/28 et 12/44 sont les proportions moyennes de carbone dans les composés

hydrocarbonés, le CO et le CO2 respectivement.

- Le carbone résiduel (RC ; en g.kg

-1

) est la quantité de C produit pendant la phase

d'oxydation de la matière organique résiduelle. Il correspond à la somme des quantités de C

mesurées dans le S4CO et S4CO2 et est calculé comme suit :

RC = S4CO × 12/28 + S4CO2 × 12/44

Où 12/28 et 12/44 sont les proportions moyennes de carbone dans le CO et le CO2

respectivement.

- Le carbone organique total (COT ; en g.kg

-1

) correspond à la somme de carbone

organique obtenu en phase de pyrolyse et d’oxydation : COT = PC+RC = S2 × 83/100 +

(S3aCO + ½ S3bCO + S4CO) × 12/28 + (S3aCO2 + S4CO2 × 12/44)

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- Le carbone minéral (Cmin ; en g.kg

-1

) correspond à la somme des quantités de carbone

enregistrées sous forme de CO

2

et CO au-delà de certain seuil de température, en phase de

pyrolyse et d’oxydation, et se calcule comme suit :

Cmin = ½ S3bCO × 12/28 + S3bCO2 × 12/44 + S5 × 12/44

Où 12/28 et 12/44 sont les proportions moyennes de carbone dans le CO et le CO2

respectivement.

- L'indice d'Hydrogène (IH ; en mg HC.g

-1

COT) est la proportion d'effluents

hydrocarbonés émis durant la pyrolyse (S2) rapportée au COT. L’IH est connu pour sa bonne

corrélation avec le ratio atomique H/C des molécules (Espitalié et al., 1977; Vandenbroucke

and Largeau, 2007).

- L’Indice d'Oxygène (IOCO ; en mg CO.g

-1

COT) est la proportion de CO d'origine

organique (S3aCO+ ½ S3bCO) émis en pyrolyse rapportée au COT.

- L’Indice d'Oxygène (IOCO2 ; en mg CO

2

.g

-1

COT) est la proportion de CO

2

d'origine

organique (S3aCO2) émis en pyrolyse rapportée au COT.

- L’Indice d'Oxygène (IORE6, en mg O

2

.g

-1

COT) est la quantité d'oxygène provenant de la

matière organique (S3aCO et S3aCO2) rapportée au COT et calculé comme suit :

IORE6 = [(16/28 × IOCO) + (32/44 × IOCO2)]

Où 16/28 et 32/44 sont les proportions moyennes d’oxygène dans les indices IOCO et

IOCO2, respectivement.

Avec IOCO = 100 × (S3aCO + ½ S3bCO)/TOC et IOCO2 = 100 × S3aCO2/TOC

L’IORE6 est connu pour sa bonne corrélation avec le ratio atomique O/C des molécules

(Espitalié et al., 1977; Vandenbroucke and Largeau, 2007)

– L’indice R400 (sans unité ; Disnar et al., 2003) est défini comme le rapport entre la surface

du pic S2 intégrée avant 400°C sur la surface totale du pic S2 (R400 = S2 < 400°C / S2) et est

considéré comme un indice de maturité de la MOS.

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Fig.10. Principales étapes et pyrogrammes de la procédure de pyrolyse Rock-Eval 6.

II/ La montagne, un laboratoire environnemental unique pour l’étude

de la MOS