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2. Matériel et Méthodes

2.2. Echantillonnage et analyses de sol

2.2.1. Stratégie d’échantillonnage

Sur la base de précédentes études et de cartes de végétation de la RNHPV (Billet, 2004;

Véron et al., 2004), 11 unités écologiques (éco-unités) distinctes présentant des

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caractéristiques homogènes du point de vue du sol, de la végétation, de l’altitude et de l’usage

des sols, ont été identifiées au sein de la RNHPV. Ces 11 éco-unités comprennent : (1) des

parcs de nuit (lieu de parcage des ovins pour la nuit); (2) des prairies xériques à Globularia

cordifolia, Festuca ovina, Carex sempervirens; (3) des prairies mésiques a Globularia

nudicaulis, Carex sempervirens, Festuca nigrescens; (4) des prairies acides à Nardus stricta;

(5) des pelouses alpines à Fesctuca rubra, Agrostis alpina ; (6) des crêtes d’altitude à

végétation rase et clairsemée ; (7) des forêts mixtes montagnardes à Abies alba, Fagus

sylvatica; (8) des forêts de conifères montagnardes à Picea abies et Abies alba ; (9) des forêts

de conifères subalpines à Picea abies et Pinus ucinata; (10) des genévriers (Juniperus nana)

(en recolonisation) ; et enfin (11) une ancienne charbonnière (voir Table 1 pour plus de détails

sur la végétation et les caractéristiques pédologiques de chaque éco-unité).

Au total, 109 profils de sol recouvrant toutes les éco-unités ont été réalisés selon un

échantillonnage aléatoire stratifié durant les étés 2009 et 2010. Le nombre de réplicats par

éco-unité (1 à 34) a été choisi en fonction de la représentativité spatiale de l’éco-unité au sein

de la RNHPV. Sur chaque placette sélectionnée, une surface d’échantillonnage de 4 × 4 m a

été établie et 8 à 10 sous-échantillons de sol ont été prélevés aléatoirement puis assemblés en

un échantillon de sol composite, s’affranchissant ainsi de la variabilité locale. Seul le sol de

surface (0-10 cm, épisolum humifère organo-minéral : horizon A, Ah ou Aho) a été considéré

pour l’échantillonnage et les analyses ultérieures du fait de la faible profondeur des sols de la

RNHPV (profondeur moyenne du sol estimée sur la RNHPV : 10-20 cm) et de l’importance

de cet horizon de surface pour les questions de remobilisation du COS face aux changements

d’usage et changements climatiques. Les horizons de litières (O), lorsqu’ils étaient présents,

ont été éliminés avant prélèvement pour permettre une comparaison équivalente des placettes.

Les échantillons de sols ont été tamisés à 2 mm sur le terrain, puis conservés à 4°C jusqu’aux

analyses.

2.2.2. Analyses physico-chimiques et biologique du sol

Les caractéristiques physico-chimiques du sol (Table 1) ont été mesurées par des méthodes

standardisées. Le pH eau du sol a été déterminé selon la norme NF ISO 10390:2004 à l'aide

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d'une électrode en verre dans une suspension de sol dilué à 1:5 (fraction volumique) dans de

l'eau. Le carbone organique du sol (COS) et l’azote total du sol (Ntot) ont été mesurés par

combustion sèche à l’aide d’un analyseur élémentaire (mg.kg

-1

; Thermo Scientific, FLASH

2000 NC Analyzer, France) selon les normes NF ISO 10694 et NF ISO 13878,

respectivement. Les sols ont été préalablement décarbonatés pour les mesures de COS. Les

concentrations en azote nitrique (Nnitr, en mg.kg

-1

) et en azote ammoniacal (Namm, en

mg.kg

-1

) ont été déterminées par spectrocolorimétrie en flux continu selon la norme NF ISO

14256. La capacité d'échange cationique (CEC, en cmol+.kg

-1

) a été mesurée par la méthode

de Metson, à l’aide d'une solution d'acétate d'ammonium (CH

3

CO

2

NH

4

) selon la norme

AFNOR NF X 31-130. Les cations échangeables (Ca

2+

, Mg

2+

, K

+

,

en cmol+.kg

-1

) ont été

dosés à partir du précédent extrait d’acétate d'ammonium. Le dosage du phosphore

assimilable (en g.kg

-1

) a été réalisé par la méthode d’Olsen, selon la norme NF ISO 11263.

L’estimation de la biomasse microbienne (C

micr

, en mg.g

-1

sol sec) a été réalisée par

fumigation-extraction selon l’approche de Chaussod and Nicolardot (1982 ; norme ISO

14240-2, 1997). Brièvement, 10g de sol frais ont été fumigés avec des vapeurs de

chloroforme, tandis qu’un témoin non fumigé de ce même sol est conservé. L’azote organique

total du témoin et du sol fumigé est ensuite extrait et dosé par colorimétrie. La différence de

teneur en azote entre les deux traitements fournit la quantité d’azote extractible d’origine

microbienne (sans correction). La quantité de carbone microbien est estimée à l’aide d’un

facteur de conversion de 21 (Amato and Ladd, 1988). La densité apparente (DA) du sol de

surface (2,5 cm-7,5 cm) a été estimé par la méthode de Blake and Hartge (1986), corrigée par

la pierrosité. Le stock de carbone organique global des sols (0-10 cm) a été estimé à partir des

mesures de concentrations en COS et de densité apparente des sols comme suit :

C stock= C concentration × DA × profondeur × 1000

où le stock de COS est donné en g COS.m

-2

, les concentrations en COS en g COS.kg

-1

, la

densité apparente en g.cm

-3

et la profondeur en m, prenant en compte une correction liée à la

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Les stocks de COS labile, intermédiaire et stable sont calculés comme suit :

Stocks de COS labile = C

L

× stock COS total

Stocks de COS intermédiaire = C

i

× stock COS total

Stocks de COS stable = C

P

× stock COS total

où le stock de COS total est donné en g COS.m

-2

et les indices C

L

, C

i

et C

L

, issus d’analyses

de pyrolyse Rock-Eval (définis dans la section ci-dessous), sont donnés en % du COS total.

2.2.3. Pyrolyse Rock-Eval

Les analyses ont été réalisées grâce à un pyrolyseur Rock-Eval 6 (modèle “Turbo”, Vinci

Technologies®, France), sur des sols préalablement tamisés à 2 mm, séchés à l’étuve à 50°C

et broyés de manière homogène à 0,25 mm. La technique Rock-Eval permet d’étudier la

composition globale de la MOS sans nécessité de traitement préalable (ex. décarbonatation ;

Espitalié et al., 1985). Elle consiste en un craquage thermique de la MO à une température

croissante de 30°C min

-1

impliquant deux étapes successives (Fig. 2) : la première phase

correspond à la pyrolyse de 30g à 100g d’échantillon de sol sous atmosphère inerte (N

2

), entre

200°C et 650°C. Les effluents gazeux libérés sont analysés en continu par un détecteur à

ionisation de flamme (FID) pour les hydrocarbures (HC) et par des cellules infrarouges pour

les composés oxygénés (dioxyde et monoxyde de C, CO et CO

2

) ; la seconde phase

correspond à la combustion des résidus de pyrolyse sous atmosphère oxygénée (air) entre

400°C et 750°C. Durant cette phase d’oxydation, les flux de CO

2

et CO sont mesurés par des

cellules infrarouges. La procédure permet l’obtention de cinq pyrogrammes correspondant

aux émissions d’hydrocarbures libres (pyrogramme S1, absent dans notre étude),

d’hydrocarbures (pyrogramme S2) ; de CO et de CO

2

(pyrogrammes S3) conjointement

produits lors de la première phase pyrolyse, et enfin de CO et de CO

2

produits lors de la phase

d’oxydation (pyrogrammes S4 et S5) (Fig. 2). Une description plus détaillée de la méthode est

donnée par Espitalié et al. (1985a,b) et Lafargue et al. (1998). Dans cette étude, nous nous

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intéressons uniquement à cinq paramètres Rock-Eval – le COT, un indice C

L

, un indice C

i

, un

indice C

P

et un indice IH – définis ci-après.

(1) Le carbone organique total (COT en g.kg

-1

de sol sec) représente la somme de toutes les

fractions carbonées (HC, CO et CO2) produites lors de la pyrolyse et de l'oxydation, et se

calcule comme suit :

Le COT mesuré par la méthode Rock-Eval (COT

RE

) montre une excellente corrélation avec le

COT mesuré par l’analyseur élémentaire (COT

AE

; R² = 0.99), bien qu’un facteur de

correction soit nécessaire entre les deux mesures dans notre étude (COT

AE

= 1.294 × COT

RE

-

0.197 ; Saenger et al., 2013). Le pyrolyseur Rock-Eval peut donc être utilisée comme une

alternative économique et fiable à l’analyseur élémentaire.

Pour les paramètres suivants, nous nous centrons sur le signal du pyrogramme S2 (mg

HC. g

−1

d’échantillon). Celui-ci a été déconvolué à l’aide du logiciel Peakfit (SPSS®) qui

procède à des itérations successives et automatiques pour ajuster 5 à 6 gaussiennes –

désignées F1, F2, F3, F4, F5 et F6 – à la courbe S2 initiale (coefficient de détermination r² >

0,999). Chacune des gaussiennes s’étend sur une plage de température définie et constante

pour tous les échantillons de l’étude : 312°C (± 6°C), 369°C (± 5°C), 423°C (± 8°C), 471°C(±

6°C), 555°C(± 9°C) et 610°C (± 6°C), pour les courbes F1 à F6, respectivement. Ainsi,

chaque gaussienne peut être attribuée à une classe particulière de composés organiques

caractérisée par une température de pyrolyse, sur la base de précédentes études de composés

purifiés (Disnar et al., 2003; Sebag et al., 2006) : les composés carbonés pyrolysés entre

300°C et 320°C sont associés à des molécules thermolabile (ex. sucres simples) ; ceux

pyrolysés entre 360°C et 370°C sont majoritairement attribués à la cellulose et à la lignine ;

les composés pyrolysés au delà de 380°C correspondent à des géomacromolécules telles que

les substances humiques (sensus lato ; Hetényi et al., 2006). Schulten et Leinweber (1993)

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MOS hautement stabilisée, protégée par différents mécanismes : soit par une structure

chimique qui lui confère une résistance intrinsèque à la biodégradation (c.à.d. une

récalcitrance), soit par la matrice minérale qui la protège par adsorption ou insertion entre des

feuillets d’argiles. Nous considérons également qu’une protection par inclusion au sein des

microagrégats est plausible (< 250 μm ; Saenger et al., 2013). Sur la base de ces précédentes

études, nous établissons deux indices :

(2) Un ‘indice C

L

’(en % COT), qui évalue la proportion de carbone labile (c.à.d. faiblement

stabilisé), pyrolysé avant 380°C (Hetényi et al., 2006 ; Saenger et al., 2013). Cet indice

correspond à l’intégration des courbes gaussiennes F1 et F2 sur l’ensemble du signal S2 et se

calcule comme suit :

(3) Un ‘indice Ci’ (en % COT), qui évalue la proportion de carbone stabilisé de façon

intermédiaire, pyrolysé entre 380°C et 450°C (Saenger et al., 2013). Cet indice correspond à

l’intégration de la courbe gaussienne F3 sur l’ensemble du signal S2 et se calcule comme

suit :

(4) Un ‘indice C

P

’ (en % COT), qui évalue la proportion de carbone stable (passif) pyrolysé

au-delà de 450°C (Schulten et Leinweber, 1993 ; Saenger et al., 2013). Cet indice correspond

à l’intégration des gaussiennes F4 à F6 sur l’ensemble du signal S2 et se calcule comme suit :

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Enfin, nous considérons (4) l’indice d’hydrogène (IH, en mg HC.g

-1

COT ; paramètre

classique de la pyrolyse Rock-Eval) qui correspond à la quantité d’HC libérés rapportée au

COT (en mg HC.g

-1

COT) et se calculant comme suit :

Différents auteurs ont établi que l’indice IH est un bon indicateur du degré d’évolution global

de la MOS (Hetényi et al., 2006 ; Sebag et al., 2006 ; Carrie et al., 2012). Un IH élevé (de

l’ordre de 300 à 400 mg HC/g COT) est en effet caractéristique de la litière ou de MO

fraîches et implique une forte contribution de composés riches en hydrogène (ex. longues

chaînes d’O-alkyl-C tels que la cellulose ou d’alkyles-C tels que les lipides), tandis qu’un

faible IH correspond à de la MO mature avec une forte proportion de structures aromatiques,

déshydrogénées et condensées (ex. « black carbon » et substances humiques).