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Altius : Citius ou Fortius ?

1. Puissance maximale et performance en saut

Le lien entre la performance en saut et les capacités de puissance avait été critiqué par Winter (2005). Pour lui, la performance en saut ne dépend pas des capacités de puissance des membres inférieurs mais de la capacité à produire une grande impulsion. Cependant, cette dernière ne représente pas une capacité mécanique des membres inférieurs. La question soulevée dans l’introduction générale de ce travail était de savoir quelles étaient les capacités mécaniques des membres inférieurs permettant de produire cette grande impulsion lors d’une poussée, et donc de sauter haut. Les différentes parties de ce travail de thèse (PARTIE 1, PARTIE 2a et 2b) permettent de répondre à cette question.

Il est important de dissocier ici la puissance développée lors d’une poussée maximale et la puissance maximale que les membres inférieurs sont capables de produire. D’après l’équation 19 (ci dessus ou PARTIE 1, p. 61), la hauteur de saut est liée directement à la puissance relative développée lors de la poussée uniquement si la distance de poussée est fixée : deux individus dont les hPO sont différentes peuvent produire la même puissance (relative à leur masse) tout en sautant à des hauteurs différentes. Lorsque les distances de poussées sont identiques, celui qui produit la plus grande puissance relative à sa masse saute le plus haut. Ainsi, si la distance de poussée est fixée, la capacité à produire une grande impulsion dépend uniquement de la capacité à développer une grande puissance. Dans cette situation (hPO fixée), la capacité à produire une grande puissance lors d’une poussée est fortement liée à la puissance maximale que les membres inférieurs sont capables de développer, mais pas uniquement. Deux individus ayant la même Pmax (et la même hPO) peuvent développer des puissances différentes lors de la poussée, et donc sauter à des hauteurs différentes. Ces différences sont liées aux profils force-vitesse de ces deux individus, c'est-à-dire à la pente de leur relation force-vitesse. Il existe une pente optimale, autrement dit un équilibre optimal entre les capacités de force et de vitesse, permettant à l’individu de produire sa puissance maximale lors de la poussée maximale d’un saut. Plus le profil s’éloigne de cet optimal, plus le niveau de puissance développée par rapport à Pmax est faible, et plus la hauteur de saut est basse.

Par conséquent, pour sauter haut, il faut présenter une puissance maximale des membres inférieurs importante et un profil force-vitesse optimal. Notons tout de même que

la performance en saut est plus sensible aux variations de puissance maximale qu’aux variations de profil force-vitesse. En effet, Pmax est la caractéristique mécanique des membres inférieurs qui influence le plus la performance en saut (Figure 47). L’influence relative de la force maximale ( F0) sur la hauteur de saut, présentée dans la Figure 40 (PARTIE 2a, p. 93), est

également importante, pouvant même paraître plus élevée que celle de Pmax. Cependant, lors de l’analyse de sensibilité réalisée dans la partie précédente, l’augmentation de F0 induisait des augmentations de Pmax, mais également un rapprochement de la pente de la relation force-vitesse à la pente optimale. Ainsi, les variations de F0 cumulaient les effets positifs respectifs de Pmax et du profil force-vitesse.

2.Profil force-vitesse optimal

Le profil force-vitesse optimal est donc le profil force-vitesse permettant de développer sa puissance maximale lors de la phase de poussée d’un saut maximal. Cette notion de profil force-vitesse est à rapprocher des relations puissance-vitesse ou puissance-charge. D’après les relations puissance-vitesse, la puissance maximale ne peut être développée que dans des conditions optimales de mouvements, caractérisées par des valeurs optimales de vitesse et de force. Lors d’une poussée maximale réalisée contre une charge constante (comme un saut vertical), la force et la vitesse sont dépendantes de cette charge. Ainsi, la puissance maximale ne peut être développée que contre une charge optimale, comme cela est le cas lors d’exercices de pédalage (Vandewalle et al., 1987a; Arsac et al., 1996). La connaissance de cette charge optimale pour des mouvements de poussée verticale est très intéressante pour l’évaluation et le choix des charges d’entraînement des athlètes (Cronin et Sleivert, 2005), pour concevoir des nouveaux outils de mesures (Martin et Spirduso, 2001) ou encore pour évaluer l’effet de la taille (ou de la masse) sur les performances physiques (Challis, 2004; Markovic et Jaric, 2004). Ces charges optimales ont largement été étudiées ces dernières années (Dugan et al., 2004; Cormie et al., 2007d; Harris et al., 2007; Markovic et Jaric, 2007; Sheppard et al., 2008; Jaric et Markovic, 2009). Certaines de ces études montrent que la charge optimale est égale à la masse corporelle, ou du moins en est très proche (Davies et Young, 1984; Driss et al., 2001; Rahmani et al., 2001; Cormie et al., 2007c; Cormie et al., 2007d; Markovic et Jaric, 2007). Récemment, Jaric et Markovic ont expliqué ces résultats par l’hypothèse que le système locomoteur (membres inférieurs) est conçu de nature pour porter et déplacer son propre poids de corps, et donc fonctionne de manière optimale contre une charge égale à la masse corporelle (Jaric et Markovic, 2009). Néanmoins, d’autres études, réalisées sur des sujets habitués à mobiliser des charges additionnelles lors de leur entraînement (rugbymen de haut niveau par exemple), mettent en avant des charges optimales supérieures à la masse corporelle des individus (Sleivert et Taingahue, 2004; Harris et al., 2007; Thomas et al., 2007). Notons que la plupart des études qui ont mesuré les puissances maximales lors de poussées

sans charge additionnelle n’ont pas testé de conditions avec des charges inférieures à la masse corporelle. Ainsi, la véritable charge optimale faisait peut-être partie de ces charges plus faibles (conditions d’allègement), comme le soulignent Rahmani et collaborateurs dans leur étude de 2001.

Les résultats présentés dans cette dernière partie expliquent ces différences de charges optimales par le profil force-vitesse des sujets. Seuls les individus ayant un profil force-vitesse optimal développent leur puissance maximale lors d’un saut vertical, c'est-à-dire contre leur propre masse corporelle. Les athlètes entraînés en force, c’est-à-dire habitués aux exercices de musculation avec charges additionnelles, sont susceptibles de présenter un profil davantage « force » que « vitesse », ce qui explique le développement de Pmax à des charges supérieures à leur poids de corps. Par opposition, des individus avec un profil plutôt vitesse, comme pourraient l’être des sportifs ne mobilisant pas leur masse corporelle contre la gravité dans leur discipline (e.g. des nageurs de vitesse ou joueurs de water polo), auront peut-être des charges optimales inférieures à leur poids de corps, ce qui nécessitera des systèmes d’allègement pour les mettre en évidence. Ces résultats ne s’opposent pas aux hypothèses de Jaric et Markovic si on considère que les différences de profils force-vitesse sont induites par le type entraînement subit par les sportifs. De cette manière, les individus qui ne seraient pas impliqués dans des processus d’entraînement particulier devraient présenter des profils force-vitesse optimaux, c’est-à-dire avec une charge optimale égale à la masse corporelle. Certaines études sur les animaux supportent cette hypothèse en défendant le fait que les propriétés musculaires sont adaptées aux fonctions vitales de l’animal (Rome, 2002), et notamment à la capacité à développer une puissance maximale lors de mouvements explosifs comme les sauts (Lutz et Rome, 1994). Ainsi, les animaux présenteraient naturellement des profils force-vitesse optimaux.

3.Profil force-vitesse et entraînement sportif

Compte tenu de l’effet du profil force-vitesse sur la performance lors de mouvements explosifs et de son intérêt dans le choix des charges d’entraînement, il semble très intéressant d’intégrer la quantification des ces qualités force-vitesse dans l’évaluation des athlètes, comme proposé précédemment par différents auteurs via l’utilisation des relations puissance-vitesse ou puissance-charge (Rahmani et al., 2001; Sheppard et al., 2008; Jaric et Markovic, 2009). Au-delà de ces relations, le profil force-vitesse d’un individu est un élément important à estimer, notamment par l’intermédiaire de la pente de la relation force-vitesse.

Comme l’indice de Bosco, cette valeur de pente en valeur brute permet de comparer les profils de différents individus entre eux, et donc de voir si un athlète est davantage « force » ou « vitesse » par rapport à un autre athlète. Cependant, l’indice de Bosco ou la pente brute ne permettent pas de réorienter les charges d’entraînement d’un sportif en fonction uniquement de son propre profil force-vitesse. Par exemple, un athlète présentant un profil orienté en « force » aura intérêt à travailler en priorité ses qualités de vitesse (e.g. avec des charges très légères, Caiozzo et al., 1981; Kaneko et al., 1983), ce qui induira un gain de Pmax, mais également un profil force-vitesse plus optimal lui permettant de développer un niveau de Pmax plus important lors des mouvements explosifs. Et inversement pour un sportif dont le profil est trop orienté vers la vitesse. Il est donc essentiel d’avoir un indicateur qui tient compte du profil force-vitesse optimal, ce profil optimal étant spécifique à chacun (car dépendant de hPO et Pmax). La pente de la relation force-vitesse exprimée en pourcentage de la pente optimale (comme sur les Figures 51 et 52) pourrait alors être un bon indicateur du profil force-vitesse d’un individu. Une valeur de 100% indique une pente optimale, les valeurs plus faibles ou plus élevées représentant des déséquilibres en faveur respectivement de la vitesse ou de la force. Il est important de noter que les valeurs de la pente optimale varient avec hPO et Pmax, ce qui pourrait impliquer, au cours du processus d’entraînement, des changements de la pente optimale cible causés par l’augmentation de Pmax. Néanmoins, hPO ne varie pas pour un même athlète, et les variations de pente optimale avec les modifications de Pmax sont relativement faibles, comme en atteste la

Figure 50. Par conséquent, le calcul de la pente de la relation force-vitesse et sa normalisation par rapport à la pente optimale semble être un bon paramètre pour quantifier le profil force-vitesse d’un athlète et orienter son entraînement. Cet indicateur peut être calculé à partir de sauts réalisés dans différentes conditions de charge (au minimum deux), et en utilisant la méthodologie et les équations présentées dans les PARTIE 1 et 2b.

Il est intéressant de comparer cet indicateur de profil force-vitesse à l’indice de Bosco, même si ce dernier n’a été que très peu utilisé. Les données présentées dans la PARTIE 1 ont été utilisées pour calculer, pour les différents sujets, la pente de la relation force-vitesse (exprimée en % de la pente optimale) et l’indice de Bosco (à partir du saut réalisé sans charge additionnelle et du saut effectué avec 75% de la masse corporelle sur les épaules). La Figure 54 présente la forte relation qui existe entre ces deux indices. Le principal inconvénient de l’indice de Bosco est l’absence d’une valeur optimale, et donc l’impossibilité de relativiser le profil d’un individu par rapport à son profil optimal qui lui permettrait d’être plus performant lors de mouvements explosifs. Il serait alors intéressant de tester sur une plus grande population la constance et la qualité de cette relation entre l’indicateur basé sur la pente de la relation

force-vitesse et l’indice de Bosco. Le but ultime serait alors d’essayer de déterminer une valeur optimale de cet indice de Bosco. Cette valeur optimale serait la valeur qui correspondrait à la pente optimale. A partir du petit nombre de données présentées ici, la valeur optimale de l’indice de Bosco semble être comprise entre 40 et 45% (Figure 54), pour un indice calculé avec un saut chargé à 75% de la masse corporelle (vs. 100% utilisé par Bosco).

V. CONCLUSION

Cette dernière partie du travail de thèse a mis en évidence les influences indépendantes de la puissance maximale pouvant être développée par les membres inférieurs et du profil force-vitesse de ces derniers sur la performance en saut. Cette notion de profil force-force-vitesse, approchée par la pente de la relation force-vitesse, fait référence aux différentes combinaisons de capacités de force ( F0) et de vitesse ( v0) pouvant conduire aux mêmes capacités de puissance. Cette analyse a permis de montrer que la hauteur maximale de saut qu’un individu peut atteindre est fortement liée à sa puissance maximale, mais également à son profil force-vitesse, ces deux entités déterminant le niveau de puissance qui est développé lors d’une poussée verticale maximale. Pour une puissance maximale donnée, il existe un profil force-vitesse optimal maximisant la performance en saut.

Altius : ni citius, ni Fortius, mais un compromis des deux !

Pour un individu donné, la capacité de puissance des membres inférieurs est tout de même le paramètre mécanique influençant le plus la performance en saut. Néanmoins, le profil

force-Figure 54

_________

Relation entre l’indice de Bosco et l’indice de profil force-vitesse proposé dans cette étude. Cette relation est réalisée à partir des données mesurées dans la PARTIE 1. La ligne noire représente la régression linéaire donnant l’indice de Bosco à partir de l’indice de profil force-vitesse (y = 0,24 x + 20,1 ; r² = 0,83)

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vitesse d’un athlète est intéressant à évaluer pour optimiser ses performances, mais également pour orienter ses entraînements.

Il serait maintenant intéressant d’explorer les profils force-vitesse sur d’autres parties du corps et/ou lors d’autres types de mouvements, comme par exemple ceux des membres supérieurs lors de lancer. Les profils optimaux seraient sûrement différents compte tenu des différences de charge à mobiliser : le profil optimal d’un lanceur de poids doit être différent de celui d’un lanceur de javelot.

VI. APPENDICES

Valeurs des variables mécaniques pour lesquelles les équations présentées sont vraies

Appendix 5

Les variables mécaniques ( F0, v0, Pmax, pente et hPO) inclues dans les équations doivent être cohérentes avec la dynamique du saut.

 Etant une distance, hPO doit être une valeur réelle positive :

0

PO

h > Eq. A16

 Pour qu’il y ait décollage, la force verticale moyenne (en N) développée lors de la poussée doit être supérieure au poids de corps. Ainsi, lorsqu’elle est exprimée en fonction de la masse corporelle (en N.kg-1), la force verticale moyenne, et donc F0, doit être une valeur réelle positive supérieure à l’accélération gravitationnelle :

0

F >g Eq. A17

 De la même manière, la vitesse verticale moyenne du centre de masse lors de la poussée doit être une valeur positive pour décoller. Ainsi,

0 0

v > Eq. A18

 A partir des équations 40 et 41, v0 peut être exprimée en fonction de Pmax et

pente : max 0 2 P v pente = − Eq. A19

avec pente<0 étant donné que F0 >g et v0 >0. Comme F0 >g, et à partir de l’équation 40 :

0 max

4

gv

P > Eq. A20

En remplaçant l’équation A19 dans l’équation A20 :

max max 2 P g P pente > − Eq. A21 et donc max ² 4 g P pente > − Eq. A22

 Si les conditions décrites par l’équation A22 sont vérifiées, alors

max ² 4 g pente P < − Eq. A23 Appendix 6

Expression mathématique de la pente optimale en fonction de Pmax et hPO

La pente optimale de la relation force-vitesse (penteOPT) est la pente permettant de maximiser la hauteur de saut pouvant être atteinte par un individu (hmax). L’expression mathématique de penteOPT en fonction de Pmax et hPO est une solution valide de :

max 0

dh

dpente = Eq. 40

La dérivée de la fonction hmax(Pmax,hPO,pente) en fonction de pente est :

= +   + +  + PO PO PO PO P pente h P pente dh h

pente P pente g pente

dpente g h pente P pente g h max max 2 max max 2 max 4 . ² 1 1 2 1 (2 ) 2 4 2 1 2 4 (2 ) 4 Eq. A24

La résolution de l’équation A24 donne quatre solutions, dont une seule ne correspond à des valeurs réelles de penteOPT dans le domaine de valeurs pour lequel la fonction

max( max, PO, )

h P h pente est définie :

max max , , 4 4 3 2 2 max 2 2

max max max

( ) ( ) ( ( ) 12 ) 3 3 3 PO PO P P h h PO PO OPT PO PO g g P Z g pente P P Z P h h h h = − Eq. A25 avec

( )

max, 1/ 3 6 6 3 5 2 4 4 3 9 6 8 8

max max max max

(P hPO) ( ) PO 18 PO 54 PO 6 3 2 PO 27 PO

CONCLUSION GENERALE