• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 Analyse de la situation d’enseignement-apprentissage du FOU à

3.4. Public estudiantin de l’IFCEN

Dans cette partie, nous tenterons de démonter le caractère homogène du public d’étudiants de l’IFCEN et d’ensuite mettre en lumière le caractère hétérogène de ce public sous l’homogénéité apparente.

3.4.1. Homogénéité du public d’étudiants à l’IFCEN

Comparé aux publics d’étudiants auxquels les situations de FOU en contexte français ont à faire face, le public estudiantin de l’IFCEN est de caractère homogène. Les étudiants partagent une même langue maternelle, à savoir le mandarin, et ont tous appris l’anglais comme

81

langue étrangère première94. S’agissant de la discipline, ils vont tous suivre une même voie pour devenir ingénieur dans le domaine du nucléaire civil. Au niveau de l’âge, ils ont entre 17 et 20 ans avec un ou deux cas d’exception qui n’ont que 16 ans à leur admission à l’IFCEN. En termes de culture, ils sont issus d’un même système éducatif et ont une culture commune et des méthodes d’apprentissage similaires à un certain degré. A l’admission à l’IFCEN, ils sont tous au niveau zéro en termes de connaissance de la langue française.

3.4.2. Possibilité d’une approche disciplinaire pour le FOU à l’IFCEN

Etant donné le parcours commun de spécialité à suivre du public de l’IFCEN, il paraît adéquat d’adopter l’approche disciplinaire sur le plan de la conception du programme de FOU. Ce n’est pas souvent le cas pour les situations de FOU en contexte français qui nécessitent une approche plus ou moins transversale95. Autrement dit, il faudrait recenser les situations de communication auxquelles ils seront confrontés via une analyse en profondeur de leur cursus. Outre l’analyse du cursus, tous les autres moyens déployés en vue de définir les besoins d’apprentissage réels de FOU doivent être en liens étroits avec l’enseignement en français : recensement des difficultés via les dispositifs d’évaluation des matières scientifiques, via des travaux de collaboration des professeurs de français avec des professeurs de sciences, via des enquêtes collant au plus près au cursus, auprès du public étudiant. Il convient ensuite de planifier les différents contenus relevant du FOU à traiter selon une progression en parallèle avec le cursus. Ce d’autant plus que le mode d’enseignement extensif adopté aux années supérieures du cursus le permet. Quant aux contenus d’enseignement, dans l’idéal, ils devraient être basés sur des situations de communications réelles (ex. CM filmé.) et sur des supports écrits utilisés dans les cours de spécialité (ex. polycopiés et sujets d’exercice et d’examen). Nous recenserons, selon une approche disciplinaire du FOU, les situations de communication à prendre en compte, en 3.5.1.

3.4.3. Hétérogénéité sous l’homogénéité apparente

Sous leur homogénéité apparente, le public estudiantin de l’IFCEN est toutefois hétérogène sur les plans suivants : capacité d’apprentissage pour les sciences, aptitude pour les langues, motivation, assimilation de la culture scientifique française96, savoir-apprendre,

94 L’anglais est la langue étrangère première en Chine. Il est enseigné dès le secondaire. 95 Par exemple, les dispositifs tels que FILIPE et PADEN. Voir 2.3.6 pour plus de précisions.

96 Des données sur la capacité d’adaptation à la méthode d’enseignement française sont disponibles en annexe 17 : 12, en annexe 19 : 12, et en annexe 21 : 7.

82

capacité de gestion du temps, milieu social, etc. Chaque individu étudiant à l’IFCEN est le résultat d’une combinaison aléatoire des variables susmentionnées. Au cours de notre pratique professorale sur le terrain, nous avons constaté des cas extrêmes : des étudiants bons en sciences très mauvais en français ou l’inverse, des étudiants qui s’obstinent à ne pas vouloir assimiler la culture scientifique française97, ou encore des étudiants qui ne font pas preuve de diligence pour des raisons liées à leur motivation. Ces cas extrêmes, dont le nombre est estimé à 30% pour les deux premières promotions, sont réorientés au fur et à mesure lors des trois années du cycle préparatoire.

L’hétérogénéité sur le plan de la capacité d’acquisition du français est sans doute liée au mode de recrutement des étudiants. Les étudiants sont sélectionnés selon leur note de Gaokao. Celle-ci est constituée de quatre parties. Dans le cas de la filière scientifique98, il s’agit du chinois, des mathématiques, de l’anglais et de l’ensemble de la biologie, de la physique et de la chimie. Nous constatons aisément que le français n’a pas sa place dans le Gaokao et n’est donc pas évalué. Lors du recrutement, la note totale de Gaokao est examinée en premier, et ensuite les composantes de cette note, notamment celles liées aux mathématiques et à l’anglais99. Il n’existe pas de note éliminatoire pour l’anglais. Ces critères de sélection font que peuvent être sélectionnés des lycéens ayant un bon score total mais une très mauvaise note d’anglais ce qui peut laisser supposer une mauvaise aptitude à l’apprentissage des langues étrangères.

Nous avons également constaté une grande hétérogénéité entre les différentes promotions. Elles n’ont pas toutes les mêmes difficultés au niveau des études pour les mêmes

97 Sur ce point, nous avons recueils des témoignages qui sont en annexe 17 : 12, et en annexe 18 : 12. 98 Il existe deux filières : filière scientifique et filière littéraire. Les étudiants opèrent un choix entre les deux filières à l’issue de la deuxième année au lycée, à savoir, avant la dernière année. Les étudiants bons en chinois choisissent souvent la filière littéraire et ceux bons en sciences optent pour la filière scientifique.

99 Ces analyses sont basées sur deux documents officiels de l’IFCEN : « formulaire de candidature » (Annexe 43) et « questions & réponses sur le recrutement », disponible sur : http://211.66.128.180/Item/129.aspx. Nous traduisons ici les deux premières questions & réponses directement liées aux critères de sélection des étudiants. Q1 : Un lycéen n’ayant aucune connaissance en langue française peut-il postuler à l’IFCEN ?

R1 : Oui. Pour être admis à l’IFCEN, il n’y a pas d’exigence au niveau du français. L’institut propose un enseignement intensif du français lors de la première année et après il y a également des cours de français tout au long du cursus, ce qui permettrait aux étudiants de réussir leurs études.

Q2 : Lors du recrutement, l’IFCEN examine-t-il la note d’anglais au Gaokao ? Existe-t-il une note d’anglais éliminatoire ?

R2 : La note d’anglais constitue l’un des paramètres importants du recrutement. Parmi les candidats au profil similaire, l’IFCEN retient celui ayant la meilleure note d’anglais. Mais il n’y a pas de note d’anglais éliminatoire.

83

contenus de cours (Annexe 17 : 6), ce qui nécessite des actes d’ajustement parfois assez importants de la part des enseignants au niveau des contenus d’enseignement.

Parmi ces variables, nous voudrions apporter des précisions sur le plan de la motivation des étudiants. Nous sommes face à un public « captif ». Plusieurs facteurs conditionnent leur motivation, entre autres, la représentation qu’ils se font de la France, du français et de l’apprentissage du français, le débouché professionnel visé, le suivi de la formation d’ingénieur en Chine pendant toute la durée de leurs études, l’absence de concours à l’issue des classes préparatoires, etc. Une bonne partie des étudiants se retrouve à l’IFCEN de façon tout à fait aléatoire. Avant d’y être admis, ils ne savent même pas qu’ils vont apprendre le français. Lors de notre pratique professorale sur le terrain au cours des trois ans passés, nous avons constaté le caractère instable et varié de la motivation des étudiants. Cette impression peut s’expliquer par les propos de Lehmann (1980) qui souligne que tout comme les besoins d’apprentissage, la motivation des apprenants s’inscrit dans une évolution dynamique tout au long de l’apprentissage. Les travaux de Gardner et Lambert (1972) proposent quant à eux de distinguer la motivation instrumentale (emploi, note, examen) et la motivation intégrative (connaître une culture donnée et s’y intégrer). La motivation des étudiants de l’IFCEN est plutôt de caractère instrumental. Ils apprennent pour passer les examens.

3.4.4. Hétérogénéité du débouché professionnel et mesures de prise en compte

Comme évoqué dans le passage précédent, le débouché professionnel fait partie des facteurs exerçant une influence sur la motivation des étudiants pour l’apprentissage du français. La plupart des étudiants savent dès le départ de leur parcours à l’IFCEN qu’ils seront majoritairement amenés à travailler en Chine. Durant leur cursus, pour les deux premiers stages100, seul un petit pourcentage d’étudiants a la possibilité de réaliser un stage au sein d’une entreprise française implantée en Chine. Le ressenti des étudiants de l’inutilité dans l’immédiat mais également dans un futur proche de la langue française les démotive dans le module relevant du FLP aménagé actuellement au semestre 7, module visant à les préparer à intégrer un stage101. Selon le directeur français (annexe 15 : 26), la proportion d’étudiants qui partiront en France, à l’issue de leur formation à l’IFCEN, est de 15/78.Leur séjour en France s’inscrit dans le cadre soit d’une thèse, soit d’une formation les préparant à leur emploi dans une

100 Pour plus de précisions sur ces stages, consultez la partie 2.2.7. 101 Pour plus de détails sur ce module, reportez-vous à la partie 3.5.3.

84

entreprise française en Chine. Tous les autres resteront en Chine. Dans ce contexte, il serait souhaitable de mettre en place, en fin de cursus, et si le volume horaire le permet, des modules d’option relevant du FLP et appréhendant davantage les logiques des activités professionnelles.

3.4.5. Constitution spécifique des groupes et pédagogie différenciée

Face à l’hétérogénéité des étudiants d’une même promotion, il est préférable d’adopter des stratégies lors de la constitution des groupes. Dans la pratique, à l’IFCEN, l’équipe enseignante de français a tenté de regrouper tous les étudiants faibles en français ou tous ceux ayant des difficultés en sciences et proposé des contenus pédagogiques adaptés à leur niveau de français. Nous avons nous-mêmes pris en charge un groupe d’étudiants faibles en français lors de l’année 2013-2014. Nous avons constaté l’adéquation de cette mesure mais également un inconvénient qui consiste en un manque de possibilité pour ces étudiants de solliciter de l’aide aux meilleurs en cas de difficulté. Il serait souhaitable d’insérer un ou deux étudiants ayant un meilleur niveau de français dans le groupe faible et de pratiquer une pédagogie différenciée permettant une bonne compréhension pour l’ensemble du groupe tout en tirant le ou les meilleurs vers le haut qui tire à son/leur tour les autres. Cela repose néanmoins sur la solidarité des individus du groupe. En la matière, nous avons observé que la promotion 2010 faisait preuve de solidarité alors que ce n’est pas le cas pour la promotion 2011.

A ce sujet, en fin de cursus, il convient de regrouper la quinzaine d’étudiants ayant comme but de se rendre en France pour les motifs mentionnés en 3.4.4 et de mettre en place un module de cours « sur mesure » permettant de préparer leur séjour en France.