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2.2 Risque dans le mod`ele bivari´e EU et ses mesures

2.2.3 Prudence en sant´e

Le concept de la prudence en ´economie a ´et´e d´evelopp´e pour expliquer l’appa- rition d’une ´epargne de pr´ecaution chez les individus adversaires au risque (Kimball, 1990). L’´epargne de pr´ecaution permet `a l’individu de se prot´eger d’un risque futur en cas de pertes financi`eres dans les p´eriodes ult´erieures. L’individu adversaire au risque qui se constitue une ´epargne de pr´ecaution ne partage pas le risque mais d´ecide de ne pas consommer la totalit´e de son revenu `a chaque p´eriode. Un individu prudent est alors un individu qui constitue de l’´epargne de pr´ecaution.

Plus r´ecemment, Crainich et Eeckhoudt (2005) et Eeckhoudt et Schlesinger (2006) ont montr´e qu’il est possible de d´efinir la prudence non pas `a partir des d´ecisions optimales de l’individu contrairement `a Kimball, mais en termes des pr´ef´erences. Ils supposent, dans un cadre th´eorique g´en´eral (EU ou non), que les individus ont une pr´ef´erence intrins`eque pour la d´esagr´egation des peines. Selon ce principe, tout individu face `a des choix risqu´es ´evitera de cumuler perte et risque de richesse : ´epargner par pr´ecaution consiste alors `a augmenter la partie certaine de sa consom- mation future risqu´ee. Ils montrent ainsi que l’individu prudent pr´ef`ere recevoir une des peines avec certitude, plutˆot qu’une chance ´equiprobable de recevoir les deux peines simultan´ement ou de n’en recevoir aucune. En d’autres termes, un individu prudent pr´ef`ere accepter un risque quand sa richesse est plus ´elev´ee.

La pr´ef´erence pour la d´ecomposition des peines permet donc de comprendre le d´esir d’´epargne de pr´ecaution. En effet, puisque l’individu doit faire face en seconde p´eriode `a une peine (le risque sur son revenu futur), il va souhaiter transf´erer des ressources de la p´eriode courante vers la p´eriode future (c’est-`a-dire ´epargner) pour mod´erer cette peine (Eeckhoudt et Crainich, 2005).

En sant´e, le concept des comptes d’´epargne sant´e (MSA) utilis´e dans certains pays comme Singapour, l’Afrique du Sud, la Chine et les Etats-Unis, est devenu une nouvelle forme d’instrument pour couvrir les d´epenses de sant´e en cas de maladie future. Sous forme de participation volontaire (incitations fiscales) ou obligatoire (contribution de l’employeur), les individus ´epargnent (investissent) sur un compte sp´ecial pour couvrir exclusivement les d´epenses de sant´e (Steinorth, 2011). Cette ´epargne apparaˆıt comme une alternative ou un compl´ement pour le financement des syst`emes de sant´e. Ce concept de MSA offre un champ d’application `a la notion de prudence.

En 2007, Eeckhoudt et al., ´etendent la prudence en termes de pr´ef´erences envers des loteries bivari´ees au concept de prudence envers des risques de soins de sant´e en

termes de d´esagr´egation des peines.

Ainsi, un individu est prudent envers des risques de soins de sant´e si la loterie ((w − k, y); (w + ˜x, y + ˜α), 1/2, 1/2] est pr´ef´er´ee `a la loterie ((w, y); (w − k + ˜x, y +

˜

α), 1/2, 1/2] pour tout (x; y) ∈ R2 telle que w − k > 0 et α une variable al´eatoire de

l’´etat sant´e de moyenne z´ero.

Figure 2.2 – Prudence en sant´e

L’individu pr´ef`ere ˆetre confront´e `a la peine bi-vari´ee (˜x, ˜α) dans l’´etat de richesse ´elev´e. Un niveau de richesse plus ´elev´e temp`ere l’effet du risqu´e bivari´e (˜x, ˜α). L’aver- sion pour le risque et la prudence sont g´en´er´ees par un mˆeme principe de pr´ef´erence pour la d´esagr´egation des peines appliqu´ees `a deux peines de nature diff´erente.

Eeckhoudt, Rey et Schlesinger (2007) en revisitant les concepts d’ “aversion `a la corr´elation” comme d´efinis dans les travaux de Epstein et Tanny (1980), ont ´etendu le mod`ele de pr´ef´erences unidimensionnelles de “d´esagr´egation des peines” propos´e par Eeckhoudt et Schlesinger (2006) `a des pr´ef´erences multidimensionnelles pour d´efinir des concepts analogues `a la prudence et `a la temp´erance qu’ils appellent respectivement “prudence crois´ee” et “temp´erance crois´ee”.

En utilisant les d´eriv´ees partielles successives (u1(x, y) d´esigne la d´eriv´ee partielle

par rapport x et u2(x, y), celle par rapport y), les auteurs ont interpr´et´e u111 > 0 et

u1111< 0 comme la prudence et la temp´erance dans la richesse. De mˆeme, les signes

de u222 et u2222 sont interpr´et´es en termes de prudence et de temp´erance en sant´e.

Puis ils ont utilis´e les d´eriv´ees crois´ees pour ´enoncer la proposition suivante : Proposition 1.

1. Un individu est averse `a la corr´elation si et seulement si u12 ≤ 0 ∀ x ; y

2. Un individu est “cross prudent” en sant´e si et seulement si u112 ≥ 0 ∀ x ; y

3. Un individu est “cross prudent” dans la richesse si et seulement si u122≥0 ∀ x ; y

Alors que l’aversion aux risques est caract´eris´ee par le signe n´egatif de la d´eriv´ee seconde, la prudence est caract´eris´ee par le signe positif de la d´eriv´ee troisi`eme. La

prudence traduit donc la fa¸con dont l’incertitude affecte les variables de d´ecision : elle permet d’analyser les probl`emes o`u l’on s’int´eresse `a l’impact du risque sur l’utilit´e marginale des individus, et non pas sur leur utilit´e totale. La prudence peut ˆetre associ´ee `a une attitude qui p`ese par avance tous les actes et envisage tous les dangers. Elle permet donc d’agir de mani`ere `a ´eviter toute erreur, tout risque inutile et rejoint le terme de pr´evention. En mati`ere de sant´e, il s’agit en premier lieu d’analyser le comportement des individus qui doivent prendre des mesures de pr´evention pour prot´eger leur propre sant´e. Quels sont les arbitrages qui sous-tendent la d´ecision de prendre une action pr´eventive ? Il s’agit aussi d’´etudier les m´ecanismes par lesquels la pr´evention peut ˆetre encourag´ee et en lien avec les d´ecisions individuelles.