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2.5 Evaluation d’un programme de reconnaissance

2.5.2 Protocoles d’induction

Il existe dans la litt´erature quelques protocoles [58] [149] permettant l’induction d’´emotions. Ces protocoles se situent en laboratoire et le sujet sait qu’il est enregistr´e ; leur but est de cacher au sujet le but de l’exp´erimentation (i.e. recueillir ses ´emotions) et de d´eclencher des ´emotions spontan´ees. Cependant ces protocoles sont limit´es `a un contexte et `a un environne-ment particulier, les rendant inadapt´es `a une g´en´eralisation. Fevrier et al. proposent ainsi un protocole o`u le sujet prend la place d’un vendeur de places de th´eˆatre et o`u un comp`ere joue le rˆole d’un client au t´el´ephone [58]. Ce protocole permet de d´eclencher la satisfaction, l’amu-sement, l’embarras, l’incompr´ehension et la surprise. Le sujet est plac´e sur une chaise devant

2.6. Conclusion 49

un bureau. Le sujet est film´e sous pr´etexte d’une ´evaluation ergonomique de l’application de r´eservation des places. Ce protocole peut donc difficilement ˆetre utilis´e tel quel pour d’autres syst`emes de reconnaissance. Un syst`eme de reconnaissance par la gestuelle serait limit´e par l’environnement (le sujet est sur une chaise) ; une reconnaissance par r´eactions physiologiques par le contexte (quelle excuse trouver pour le placement de capteurs physiologiques ?). Wang

et al. proposent un jeu de rˆole inducteur de la joie, l’ennui, la surprise, la col`ere et la d´eception [149]. De mˆeme que pour F´evrier et al., le contexte (jeu vid´eo) et l’environnement (joueur assis devant un bureau) en limitent l’utilisation.

Nous retenons que la constitution d’un corpus de donn´ees affectives et l’´evaluation d’un syst`eme de reconnaissance d’´emotions peut pr´esenter de nombreux biais. Picard propose des recommandations permettant d’´eviter ces biais mais celles-ci sont en comp´etition avec des aspects pratiques de m´ethodologie exp´erimentale. Par exemple, il est souvent pr´ef´erable de collecter des expressions spontan´ees ; surviennent alors les difficult´es techniques et ´ethiques sur le d´eclenchement de ces ´emotions chez un sujet. De mˆeme les ´emotions seront exprim´ees naturellement hors laboratoire ; cela implique cependant de ne pas pouvoir observer le su-jet aussi bien que dans un cadre contrˆol´e. Certaines de ces difficult´es peuvent n´eanmoins disparaˆıtre si l’on consid`ere le but du syst`eme de reconnaissance `a ´evaluer. Par exemple, l’´evaluation d’un logiciel cherchant `a reconnaˆıtre des expressions dans´ees (voir chapitre 6) de l’´emotion pourra s’astreindre de la plupart des recommandations d´ecrites dans cette section. En effet, un danseur ne cherche pas `a ressentir l’´emotion mais se concentre sur le mouvement. La mesure entre donc plutˆot dans le cadre des “´emotions act´ees”. Les autres crit`eres d´efinis ci-dessus ont alors une importance bien moindre. Pour la prise de vue, la diff´erence entre un laboratoire et un studio de danse est minime. Le danseur avec qui nous travaillions avait ´egalement l’habitude d’ˆetre enregistr´e. Le contexte d’application que nous avons choisi dans ce travail nous affranchit donc des contraintes li´ees `a l’utilisation d’´emotions spontan´ees.

2.6 Conclusion

Dans ce chapitre nous avons ´etudi´e les diff´erentes facettes d’un syst`eme de reconnaissance d’´emotions. Nous avons tout d’abord pr´esent´e le niveau capture en d´ecrivant des capteurs permettant la reconnaissance d’´emotions. Par rapport `a un humain, les capteurs pr´esentent des d´efauts et des inconv´enients : les cam´eras sont bien moins pr´ecises que les facult´es visuelles humaines et ne permettent pas une analyse aussi fine que celle que nous faisons lorsque nous observons quelqu’un. Par contre, il existe de nombreux capteurs permettant de mesurer des signaux auxquels un observateur n’a normalement pas acc`es (comme le rythme cardiaque). Nous avons ensuite ´etudi´e le niveau analyse, par les canaux de communication ´emotionnelle et les caract´eristiques observ´ees pour chacun de ces canaux. L’analyse de plusieurs canaux simultan´ement renforce la reconnaissance et permet de passer outre certaines caract´eristiques de faible confiance pour se focaliser sur des caract´eristiques `a forte confiance, am´eliorant ainsi la robustesse voire permettant la reconnaissance d’´emotions cach´ees. Nous avons ensuite trait´e le niveau interpr´etation, se basant sur les caract´eristiques extraites pour en d´eduire une ´emotion, en se concentrant sur ses deux composantes principales : le mod`ele d’´emotion utilis´e pour l’interpr´etation et l’algorithme d’interpr´etation utilis´e. Nous avons enfin ´etudi´e l’int´egration de plusieurs canaux de communication ´emotionnelle, et en particulier les aspects

de synchronisation et de fusion des donn´ees.

Pour la suite de ce m´emoire, nous retenons donc qu’un mod`ele d’architecture pour la re-connaissance d’´emotions doit ˆetre capable d’int´egrer des capteurs extrˆemement vari´es mesu-rant des signaux selon plusieurs canaux de communication ´emotionnelle ; qu’il doit permettre la gestion de caract´eristiques vari´ees, dont certaines encore non identifi´ees, caract´eristiques potentiellement extraites de chaque canal de communication ´emotionnelle ; au niveau inter-pr´etation, de permettre l’utilisation d’au moins trois types de mod`eles (discrets, continus, et `

a composant) et de plusieurs techniques algorithmiques d’interpr´etation. Il doit ´egalement permettre la synchronisation de donn´ees potentiellement asynchrones, irr´eguli`eres, et parfois temporis´ees (par exemple, lorsqu’on veut analyser une phrase dans son entier ; il est alors n´ecessaire d’attendre la fin de la phrase pour en extraire des caract´eristiques). Le mod`ele d’architecture que nous avons d´evelopp´e et que nous d´etaillerons en deuxi`eme partie de ce m´emoire se veut enfin capable d’int´egrer des applications existantes autant que de permettre d’en cr´eer de nouvelles.

Nous avons trait´e en derni`ere section de ce chapitre de l’´evaluation de syst`emes de reconnais-sance automatique des ´emotions. Nous avons soulign´e les difficult´es inh´erentes `a l’´evaluation de syst`emes de reconnaissance d’´emotions. Dans ce m´emoire, nous illustrons nos propositions par la conception d’une application de reconnaissance d’´emotions bas´ee sur la gestuelle, ap-pliqu´ee `a la danse. Notre cas applicatif se situe donc dans un contexte d’´emotions act´ees (dans´ees) par le sujet. La mise en place d’une ´evaluation sera donc, dans notre cas, plus simple car le syst`eme a pour but de reconnaˆıtre des ´emotions dans´ees et exprim´ees, et donc ni ressenties ni spontan´ees.

Dans le prochain chapitre, nous nous focalisons sur la reconnaissance d’´emotions par les positions et mouvements du corps. Nous y approfondissons les notions introduites dans ce chapitre en nous focalisant sur la gestuelle.

Chapitre 3

Reconnaissance d’´emotions par la

gestuelle

La recherche effectu´ee dans le cadre de cette th`ese s’articule autour de deux axes principaux : premi`erement, d´efinir un mod`ele d’architecture pour les applications interactives prenant en compte l’´emotion de l’utilisateur ; deuxi`emement, appliquer ce mod`ele d’architecture pour concevoir une application de reconnaissance d’´emotions bas´ee sur la gestuelle. Notre objectif n’est pas d’apporter une contribution par l’identification et la validation de caract´eristiques de position et mouvement permettant une reconnaissance automatique des ´emotions du sujet, mais d’identifier les mod`eles de la litt´erature les mieux adapt´es `a ce type d’application. Dans ce chapitre, nous dressons donc un ´etat de l’art concernant la reconnaissance d’´emotions par la gestuelle. Nous d´ebutons ce chapitre en offrant une base th´eorique `a l’identification de caract´eristiques de gestuelle : par des d´efinitions et taxonomies relatives `a la gestuelle d’une part, et par la pr´esentation de la th´eorie de l’effort du chor´egraphe Laban sur l’expressivit´e du mouvement d’autre part. De cette base th´eorique nous passons ensuite `a l’identification de caract´eristiques de gestuelle pour l’´emotion. Enfin, ces deux parties nous permettent d’aborder les travaux en informatique sur la reconnaissance d’´emotions par la gestuelle.

3.1 efinitions du geste

Deux approches permettent d’aborder le geste. L’approche “modalit´es” consid`ere les mou-vements des diff´erentes parties du corps. L’approche “fonctionnelle” consid`ere le geste selon les fonctions qu’il remplit.