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La r´ealisation d’un condensat de Bose-Einstein, n´ecessite de pouvoir refroidir un gaz de bosons `a quelques fractions de microKelvins. A titre de comparaison, la temp´erature du fond diffus cosmologique est d’environ 2,728 K. La r´ealisation exp´erimentale de conden- sats de Bose-Einstein n´ecessite, `a l’heure actuelle, l’utilisation de plusieurs m´ethodes de refroidissement telles que le refroidissement par laser, ainsi que le refroidissement par ´evaporation. Nous pr´esentons dans cette partie le m´ecanisme g´en´eral de ces m´ethodes de refroidissement, qui permet de mieux comprendre comment les condensats sont con¸cus en pratique. Cette compr´ehension du protocole exp´erimental est particuli`erement int´eressante pour comprendre la mise en ´evidence num´erique (`a l’aide du mod`ele Stochastic Gross- Pitaevskii Equation que nous pr´esentons en Paragraphe2.4) de l’apparition spontan´ee de vortex lors de la transition de phase. Voir par exemple [30,167]. De plus nous introdui- sons `a la fin de ce paragraphe une mod´elisation des d´efauts du protocole exp´erimental dont l’analyse num´erique fait l’objet du Chapitre 3. Nous d´ecrivons aussi succinctement les m´ecanismes de pi´egeage des atomes, qui sont li´es aux m´ecanismes de refroidissement.

Les proc´ed´es exp´erimentaux de refroidissement `a des temp´eratures de l’ordre de la dizaine de nanoKelvins sont multiples. Deux m´ethodes principales sont utilis´ees successi- vement. D’abord les atomes sont pr´e-refroidis par des m´ethodes de refroidissement par laser. Cette ´etape permet de r´eduire la temp´erature jusqu’`a quelques dizaines de micro- Kelvins. Ce proc´ed´e est limit´e par les ´emissions spontan´ees des photons absorb´es qui ne permettent pas d’atteindre des temp´eratures plus basses. Cette m´ethode de refroidissement est en g´en´eral coupl´ee `a une m´ethode de pi´egeage optico-magn´etique (MOT pour Magneto- Optical Trap). Les temp´eratures obtenues avec cette m´ethode sont suffisamment basses pour permettre ensuite l’utilisation des m´ethodes de refroidissement par ´evaporation qui

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permettent d’atteindre des temp´eratures inf´erieures aux temp´eratures critiques de transi- tion de phase. Cette m´ethode de refroidissement est quant `a elle coupl´ee `a une m´ethode de confinement purement magn´etique. Cependant, ces pi`eges poss`edent de nombreux in- conv´enients. Par exemple, ils ne permettent pas de confiner tous les atomes du gaz (mais seulement ceux dans certains ´etats hyperfins) et conduisent `a de fortes pertes d’atomes lors des exp´eriences. Pour ces raisons, les physiciens ont souvent recours `a l’utilisation de pi`eges purement optiques une fois que le condensat est form´e (voir [18] pour la premi`ere exp´erience de ce type). Dans la suite de ce paragraphe, nous tentons de d´ecrire bri`evement le m´ecanisme g´en´eral de ces m´ethodes qui conduisent `a la formation de condensats.

2.3.1 Le refroidissement par laser, et les pi`eges optico-magn´etiques (MOT)

Cette partie s’inspire de [106,124]. Pour bien comprendre cette m´ethode, il faut d’abord comprendre les interactions entre atomes et photons. Quand un atome est ´eclair´e par un laser, deux ph´enom`enes distincts apparaissent, qui conduisent `a deux types de forces que sont la pression de radiation et la force dipolaire. Laissons pour le moment cette derni`ere de cˆot´e (nous y reviendrons en Paragraphe 2.3.3) et expliquons bri`evement le ph´enom`ene de pression de radiation. Un photon poss`ede une ´energie ´el´ementaire donn´ee par ~ν o`u ~ est la constante de Planck et ν sa fr´equence. Si cette derni`ere est telle que l’´energie ´el´ementaire ~ν est ´egale `a la diff´erence d’´energie entre deux niveaux d’´energie de l’atome, alors on parle de fr´equence de r´esonance, et l’atome peut absorber les photons poss´edant ces fr´equences r´esonantes. Lors d’une absorption, la quantit´e de mouvement de l’atome est modifi´ee par conservation de la quantit´e de mouvement du syst`eme atome/photon. On rappelle que la quantit´e de mouvement d’un photon est donn´ee par ~ν/c, o`u c est la c´el´erit´e. Apr`es cette phase d’absorption, l’atome peut se d´esexciter par ´emission spontan´ee d’un photon, ce qui modifie de nouveau la quantit´e de mouvement de l’atome. Dans ce cas, la direction du photon est al´eatoire. Ainsi, la quantit´e de mouvement moyenne des photons ´emis est nulle grˆace `a l’isotropie de l’´emission. On peut donc modifier la quantit´e de mouvement d’un atome en le bombardant d’un grand nombre de photons dans une certaine direction. C’est ce ph´enom`ene que l’on nomme pression de radiation.

Nous expliquons maintenant comment ce ph´enom`ene peut permettre de r´eduire la temp´erature d’un gaz d’atomes en r´eduisant la quantit´e de mouvement de chaque parti- cule. Cette m´ethode repose sur l’effet Doppler. Ce ph´enom`ene conduit un objet en mou- vement `a observer une onde incidente `a une fr´equence diff´erente de sa fr´equence ´emise. Plus pr´ecis´ement, pour un atome se d´epla¸cant `a la vitesse v et une onde plane de vecteur d’onde k et de fr´equence ν, l’atome percevra une onde de fr´equence modifi´ee ν0= ν−k·v. On peut alors s’apercevoir qu’un atome qui se d´eplace dans la direction d’une source laser observera une fr´equence de l’onde incidente l´eg`erement sup´erieure `a la fr´equence du laser. Ainsi pour ralentir un atome qui se d´eplace vers une source laser, il est n´ecessaire de choisir une fr´equence ν inf´erieure `a la fr´equence de r´esonance de l’atome, de telle sorte que ν0 soit ´egale `a cette fr´equence. Il est donc possible de ne ralentir que les atomes se d´epla¸cant dans la direction du laser. En ´eclairant le gaz de six lasers (pour les six directions orient´ees de

l’espace) il est alors possible de ralentir tous les atomes contenus dans ce gaz.

Cependant, bien que la vitesse des photons ´emis soit en moyenne nulle (par isotropie) cela ne suffit pas pour refroidir un atome `a des temp´eratures arbitrairement basses. Pour un atome se d´epla¸cant vers la source d’un laser, chaque cycle absorption/´emission m`ene presque sˆurement `a une augmentation de la quantit´e de mouvement de l’atome dans le plan normal `a son impulsion. Ainsi, il existe une temp´erature minimale, appel´ee temp´erature Doppler, qu’il n’est pas possible de franchir avec un refroidissement par laser. C’est ce qui justifie l’utilisation du refroidissement par ´evaporation.

On pr´ecise maintenant la m´ethode de pi´egeage utilis´ee dans les pi`eges MOT. Suppo- sons qu’un atome s’´eloigne, dans une certaine direction, du centre d’un pi`ege. Alors, en favorisant l’absorption des photons incidents, on peut inverser la quantit´e de mouvement de l’atome, et ainsi rapprocher l’atome du centre du pi`ege. C’est exactement ce qu’il se passe en pratique. Pour cr´eer une variation spatiale de la propension des atomes `a absorber un photon, on cr´ee une d´ependance spatiale des ´ecarts d’´energies avec les ´etats excit´es. Cette d´ependance repose sur l’effet Zeeman qui implique qu’un atome soumis `a l’effet d’un champ magn´etique externe voit ses niveaux atomiques d’´energie modifi´es. D’ailleurs, ce ph´enom`ene peut mener `a une lev´ee de la d´eg´en´erescence des ´etats d’´energie. Ainsi, la m´ethode consiste `a plonger le pi`ege dans un champ magn´etique variant spatialement, pour que les diff´erences d’´energie entre deux niveaux varient ´egalement spatialement, et ainsi obtenir une h´et´erog´en´eit´e de la pression de radiation qui permette de confiner les atomes.

2.3.2 Le refroidissement par ´evaporation et les pi`eges magn´etiques

Tout d’abord, commen¸cons par expliquer le principe de confinement magn´etique. Nous donnerons ensuite quelques explications des m´ecanismes utilis´es lors des refroidissements par ´evaporation. La compr´ehension pr´ecise de ces m´ethodes n´ecessite des connaissances plus approfondies sur les structures atomiques ´el´ementaires et nous renvoyons `a [88,106, 129, 138, 136, 169] pour une compr´ehension plus approfondie des ph´enom`enes d´ecrits ci-dessous. La pr´esentation demeurera n´eanmoins accessible au lecteur non-sp´ecialiste. Le m´ecanisme de ce pi`ege repose sur l’existence d’un moment magn´etique µ des atomes `a confi- ner. Celui-ci est associ´e au moment cin´etique orbital des ´electrons et `a leur spin. Comme pr´ec´edemment, en pr´esence d’un champ magn´etique B, les niveaux d’´energie se s´eparent par effet Zeeman, et l’´energie d’un sous niveau est alors donn´e par E(mF)∝ µBgFmFB,

o`u mF d´esigne le nombre quantique magn´etique. La grandeur µB d´esigne le magn´eton

de Bore, qui est une grandeur positive. On peut alors distinguer deux comportements diff´erents suivant le signe de gFmF. On dit des ´etats tels que gFmF < 0 que ce sont

des strong field seeking states et les autres sont appel´es weak field seeking states. Cette d´enomination vient simplement du fait que les atomes tels que gFmF < 0 minimisent leur

´energie dans les zones de forte intensit´e du champ magn´etique, et inversement pour les autres. Ainsi, pour confiner des atomes de type weak field seeking states il suffirait de construire un champ magn´etique poss´edant un minimum local d’intensit´e, et les atomes de type strong field seeking states pourraient ˆetre confin´es par des champs magn´etiques

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poss´edant un maximum local d’intensit´e. Cependant, ce dernier type de champ magn´etique n’est pas constructible en vertu du th´eor`eme d’Earnshaw. Ainsi, seuls les atomes de type weak field seeking states peuvent ˆetre confin´es par ce type de pi`ege (dans des minima

locaux du champ magn´etique).

Une limitation de ces pi`eges est la perte d’atomes qui survient lorsque un ´etat weak field seeking state devient strong field seeking states. Le pi`ege devient alors repoussant apr`es ces transformations. Celles-ci peuvent survenir pour deux raisons. Le premier ph´enom`ene provient des transitions Majorana. Celles-ci interviennent lorsque le moment magn´etique de l’atome ne parvient pas `a suivre (adiabatiquement) la direction du champ magn´etique lors de son d´eplacement dans le pi`ege. Ce ph´enom`ene apparaˆıt lorsque le champ magn´etique devient suffisamment faible, ce qui peut ˆetre le cas au centre du pi`ege. En effet, comme nous l’avons dit pr´ec´edemment, les atomes sont attir´es par les zones de faible intensit´e du champ magn´etique, et donc le centre du pi`ege correspond au minimum du champ magn´etique. Plus pr´ecis´ement, cela peut se produire quand la fr´equence de Larmor (qui est la fr´equence de pr´ecession du moment magn´etique des atomes autour d’un champ externe) devient du mˆeme ordre de grandeur, ou plus petite, que la variation du champ magn´etique (dans le r´ef´erentiel de l’atome). Le second ph´enom`ene est dˆu aux collisions in´elastiques. Ce sont celles qui ne pr´eservent pas l’´energie cin´etique, et qui peuvent donc entraˆıner un changement d’´etat. Il se trouve que celles-ci sont beaucoup moins probables que les collisions ´elastiques, et ne sont donc pas limitantes dans la dur´ee de vie du pi`ege (voir [129,138]).

La m´ethode de refroidissement par ´evaporation consiste `a ´eliminer du pi`ege les atomes de plus haute ´energie cin´etique, tout en imposant la thermalisation du syst`eme, ce qui permet d’amener le syst`eme dans un ´etat d’´equilibre d’´energie plus faible, au prix d’une perte significative du nombre d’atomes pi´eg´es. On peut aussi noter que le temps de ther- malisation doit ˆetre tr`es inf´erieur au temps caract´eristique de perte des atomes pour que cette m´ethode soit possible. Pour ´eliminer ces atomes de plus haute ´energie, on peut avoir recours `a une diminution de la profondeur du pi`ege, ce qui permet aux atomes les plus rapides de franchir cette barri`ere. Une m´ethode plus efficace, appel´ee couteau radio- fr´equence, permet d’´eliminer les atomes de plus haute ´energie en induisant une transition vers un strong field seeking state. On ne d´etaille pas cette m´ethode ici, et l’on renvoie `a [76, Chapitre 4].

2.3.3 Le confinement optique

Comme nous l’avons ´enonc´e plus haut, cette ´etape de confinement utilise la force dipolaire. Commen¸cons par expliciter ce m´ecanisme avant de pr´esenter cette m´ethode de confinement. Quand un atome est soumis `a un champ ´electrique ext´erieur E, il se polarise. On peut comprendre ce ph´enom`ene en imaginant les ´electrons et les protons tir´es dans les deux sens oppos´es de la direction du champ ´electrique. Son moment dipolaire p est proportionnel `a ce champ ´electrique, et `a une constante α (d´ependant de l’atome) appel´ee polarisabilit´e de l’atome. On a alors p = ε0αE, o`u ε0est la permittivit´e di´electrique

du vide. Ce champ ´electrique induit une ´energie potentielle dipolaire donn´ee par U = −p · E = −ε0αE2, qui implique une force dipolaire Fdipolaire =−∇U, qui pousse donc le

dipˆole vers les zones de maximum du champ E. Ainsi, si l’on ´eclaire un atome `a l’aide d’un laser, celui-ci sera attir´e vers les zones de maximum du champ ´electrique, situ´ees g´en´eralement au centre du faisceau. Il suffit alors d’´eclairer un atome par deux faisceaux lasers concourants pour le pi´eger, si son ´energie cin´etique est assez faible. C’est pour cette raison que ce pi`ege est en g´en´eral utilis´e apr`es un refroidissement par ´evaporation. Bien sˆur, pour ´eviter l’absorption de photons, la fr´equence des lasers doit ˆetre choisie loin des fr´equences de r´esonance des atomes `a confiner. C’est pour cela que ces pi`eges sont appel´es dans la litt´erature physique far-off-resonance laser traps. Il est mˆeme possible `a l’aide de ce principe de d´eplacer le condensat, c’est pourquoi cette m´ethode est aussi appel´ee pince optique.

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