• Aucun résultat trouvé

Adsorption élémentaire et isotopique

II- 2 Protocole expérimental

Afin de tester le modèle proposé par Ozima et al. (1998), j'ai développé au CRPG une expérience visant à quantifier un éventuel fractionnement isotopique du xénon induit par adsorption (Fig III-12 et III-13). Il est constitué d'un volume en acier inoxydable électropoli de 10 litres (vol. A; Fig. III-12) connecté à un doigt en quartz de 3 cm3

dans lequel est placé l'échantillon étudié (Vol B, Fig. III-12). Les deux volumes sont isolés l'un de l'autre par une vanne pneumatique (vanne 2, Fig. III-12) et sont connectés à deux pompes turbomoléculaires afin d'atteindre l'ultravide nécessaire pour la réalisation des analyses (Fig. III-12). La vanne 1 est fermée afin d'isoler le volume A du volume B. La volume A est mis en condition statique et du xénon est introduit dans ce volume depuis une bouteille (Fig. III-12). La pression généralement introduite est de l'ordre de 0.1 mbar de xénon pur. Ce gaz est pompé pour atteindre une pression de xénon d'environ 5. 10-5

Fig. III-3 : Schéma de l'appareillage développé afin d'amplifier par distillation de Rayleigh un éventuel fractionnement isotopique induit par les phénomènes d'adsorption

Chapitre III. Adsorption élémentaire et isotopique

Un aliquote est prélevé entre deux vannes ultravides puis dilué dans une pré-ligne gaz rares (Fig. III-14), développée au CRPG dans le cadre de cette thèse, afin d'atteindre des pressions compatibles avec l'introduction dans la ligne de purification. Le xénon est purifié par le biais de getter (mousse de titane) opérant à 700°C et à température ambiante pendant 10 minutes. Il est ensuite introduit dans le spectromètre de masse afin de déterminer son abondance et sa composition isotopique. Cette procédure est répété trois fois pour s'assurer de l'homogénéité de la composition isotopique du xénon présent dans le volume A.

Fig. III-5 : Schéma de la ligne de pré-dilution utilisée afin de diluer les quantités de xénon introduites dans le volume A.

L'expérience consiste à effectuer des cycles d'adsorption, par la mise en contact du xénon présent dans le volume A avec l'échantillon. Les vannes pneumatiques ont été automatisées grâce à un programme LABVIEW qui permet de contrôler le temps d'équilibre et de pompage. L'échantillon est placé dans un bain de glace de CO2 (196 K). Un cycle d'adsorption est résumé dans la figure III-15. L'opération est répétée plusieurs fois afin d'adsorber une très forte quantité de xénon et ainsi se situer dans des conditions proches d'une distillation de Rayleigh. J'ai effectué des expériences sur du kérogène terrestre de type III considéré comme étant le meilleur analogue chimique de la phase Q (Gardinier et al., 2000) ainsi que sur une argile synthétique, la montmorillonite, présente dans la météorite d'Orgueil. Les cycles d'adsorption ont été effectués à une température de 196 K pour le kérogène, et de

273 K pour la montmorillonite. Suivant la surface spécifique des échantillons et les températures des expériences, j'ai effectué entre 16 et 200 cycles d'adsorption afin que plus de 99 % du xénon soit adsorbé. La composition isotopique du volume A est régulièrement mesurée suivant la même procédure que décrit précédemment. Si un fractionnement isotopique est induit par l'adsorption, il doit être visible dans l'évolution de la composition isotopique du xénon présent dans volume A. En effet, le volume mort situé dans le volume B et pompé à chaque cycle ne représente jamais plus de 0.03% des quantités adsorbées et n'a donc que peu d'influence sur les expériences.

Fig. III-6 : Déroulement d'un cycle d'adsorption isotopique. La composition isotopique du volume A est mesurée régulièrement au cours de l'expérience en fonction du nombre de cycles nécessaires pour adsorber plus de 99 % du xénon.

Chapitre III. Adsorption élémentaire et isotopique

II-3 Résultats

Kérogène : La surface spécifique de l'échantillon est relativement faible (4 m2

.g-1 , cf I-2, ce chapitre), ce qui m'a amené à effectuer les expériences à une température de 196 K. Les quantités adsorbées sont relativement importantes et ce, dès les premiers cycles d'adsorption (e.g., 50% du xénon adsorbé après trois cycles, Fig. III-16).

0 20 40 60 80 100 23.5 23.6 23.7 23.8 23.9 24.0 24.1 24.2 0 5 10 15 Kérogène - 196 K - 16 cycles

%

130

Xe

adsorbé

136

Xe/

130

Xe

# cycles

Fig. III-7 : Evolution de la quantité de 130Xe adsorbé et du rapport isotopique 136Xe/130Xe en fonction du nombre de cycles effectués sur du kérogène. Le temps d'adsorption est de 15 min et celui de pompage de 5 min.

L'évolution de la quantité adsorbée en fonction du nombre de cycles présente une relation logarithmique jusqu'à ce que plus de 99 % du xénon ait été adsorbé au bout de 16 cycles. Cette évolution est liée à la baisse de l'abondance du xénon au fur et à mesure de l'expérience, les quantités adsorbées étant fonction de celles présentes dans le volume A. La composition isotopique du xénon, mesurée régulièrement, ne présente aucune variation significative (Fig. III-16, table III-5). Les durées d'équilibre et de pompage ont été ajustées afin de tester leur influence sur l'évolution des rapports isotopiques. Cependant, aucune variation significative n'a pu être mise en évidence. Il est possible que la faible surface spécifique ainsi que la structure non microporeuse du kérogène puissent influencer un éventuel fractionnement

isotopique. En effet, il est généralement admis que la présence de micropores (< 20 Å) peut induire un fractionnement isotopique et un piégeage important par des effets de "goulot d'étranglement" (Waker et al., 1985, Zadnik et al., 1985, Waker, 1989). Il est possible cependant de déterminer le coefficient de fractionnement maximal pour l'adsorption à partir de ces données. Dans le cas d'une distillation de Rayleigh, l'évolution du rapport isotopique est liée à la fraction de gaz restant dans le système par l'équation suivante :

R

Fin

R

Ini

= f

α−1

où RIni correspond au rapport isotopique de départ, RFin est le rapport isotopique final (dans ce cas, il correspond au rapport isotopique mesuré après 3, 5, 10, 12, 14 et 16 cycles d'adsorption), f correspond à la fraction de xénon restant dans le système et α représente le coefficient de fractionnement (Fig. III-17). La pente obtenue permet de déterminer un coefficient de fractionnement maximal de 0.3 ‰ ± 6.9 ‰ (2σ), impossible à détecter avec les précisions atteintes en géochimie des gaz rares.

0.990 0.995 1.000 1.005 1.010

(

136

Xe/

130

Xe)

Fin

/(

136

Xe/

130

Xe)

Ini

f (fraction restante de xénon)

1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0

pente = - 3 10- 4

2σ = 6.9 10− 3

Fig. III-8 : Evolution du rapport isotopique 136Xe/130Xe en fonction de la quantité de xénon restant dans le système. La pente permet de déterminer le coefficient de fractionnement minimal pour l'adsorption de xénon sur du kérogène.

Chapitre III. Adsorption élémentaire et isotopique

Table III-1 : Kérogène. Evolution de la quantité de 130Xe adsorbé et des rapports isotopiques du xénon en fonction du nombre de cycles d'adsorption effectués (rapport isotopique * 10)

Montmorillonite : Afin de tester l'influence de ces paramètres structuraux, j'ai décidé

d'effectuer la même expérience sur une argile synthétique, la montmorillonite. En effet, celle-ci présente une surface spécelle-cifique plus importante (80 m2

.g-1

) mais surtout une structure riche en micropores pouvant induire un fractionnement isotopique (cf I-2, ce chapitre). Les expériences avec différents temps d'équilibre et de pompage ont été effectués à 273 K. Cette température relativement élevée m'a amené à effectuer 200 cycles avant que plus de 99 % du xénon ait été adsorbé. Cependant l'allure générale de la courbe, quantité adsorbée en fonction du nombre de cycles, reste similaire à celle déterminée pour le kérogène (Fig. III-17). La composition isotopique du xénon ne varie que très peu durant l'expérience (Fig. III-18). Aucune systématique liée aux mécanismes d'adsorption ne peut clairement être mise en évidence et ce malgré la présence de nombreux micropores dans la structure de la montmorillonite. Une fois de plus, j'ai fait varier les temps d'équilibre et de pompage mais aucun fractionnement isotopique mesurable n'a pu être mis en évidence. Le coefficient de fractionnement isotopique maximal pour l'adsorption de xénon sur de la montmorillonite a été déterminé de la même manière que pour le kérogène. Dans ce cas, il correpond à une valeur de 0.2 ‰ ± 5.5 ‰ (2σ), également impossible à détecter avec la précision du spectromètre de masse utilisé dans cette étude (Fig. III-19).

# Cycles moles 130Xe % adsorbé 124Xe/130Xe 126Xe/130Xe 128Xe/130Xe 129Xe/130Xe 131Xe/130Xe 132Xe/130Xe 134Xe/130Xe 136Xe/130Xe

0 1.12 10-9 0 0.215 ± 0.002 0.208 ± 0.002 4.543 ± 0.006 63.54 ± 0.02 52.62 ± 0.03 67.79 ± 0.02 27.13 ± 0.04 23.84 ± 0.05 3 5.49 10-10 50.92 0.217 ± 0.004 0.209 ± 0.004 4.561 ± 0.008 63.52 ± 0.03 52.81 ± 0.04 67.56 ± 0.03 27.26 ± 0.05 23.86 ± 0.06 5 3.22 10-10 71.26 0.209 ± 0.004 0.211± 0.004 4.582 ± 0.008 63.61 ± 0.03 52.77 ± 0.03 67.81 ± 0.03 27.19± 0.06 23.82 ± 0.06 10 1.32 10-10 88.22 0.213 ± 0.004 0.208 ± 0.004 4.551 ± 0.008 63.73 ± 0.03 52.91 ± 0.03 67.78 ± 0.03 27.09 ± 0.06 23.88 ± 0.06 12 7.71 10-11 93.11 0.217 ± 0.004 0.213 ± 0.005 4.536 ± 0.009 63.42 ± 0.03 52.73 ± 0.03 67.70 ± 0.03 27.17 ± 0.06 23.81 ± 0.06 14 1.73 10-11 98.45 0.214 ± 0.005 0.209 ± 0.005 4.516 ± 0.009 63.59 ± 0.03 52.84 ± 0.04 67.65 ± 0.03 27.22 ± 0.06 23.86 ± 0.07 16 1.04 10-12 99.9 0.211± 0.005 0.212 ± 0.005 4.584 ± 0.009 63.74 ± 0.04 52.66 ± 0.04 67.59 ± 0.04 27.06 ± 0.06 23.86 ± 0.07

0 20 40 60 80 100 23.5 23.6 23.7 23.8 23.9 24.0 24.1 24.2 0 50 100 150 200 montmorillonite - 273 k -200 cycles

%

130

Xe

adsorbé

136

Xe/

130

Xe

# cycles

Fig. III-9 : Evolution de la quantité de 130Xe adsorbé et du rapport isotopique 136Xe/130Xe en fonction du nombre de cycles effectués sur de la montmorillonite. Le temps d'adsorption est de 15 min et celui de pompage de 5 min.

# Cycles moles 130Xe % adsorbé 124Xe/130Xe 126Xe/130Xe 128Xe/130Xe 129Xe/130Xe 131Xe/130Xe 132Xe/130Xe 134Xe/130Xe 136Xe/130Xe

0 1.23 10-9 0 0.210 ± 0.002 0.201 ± 0.003 4.574± 0.006 63.54 ± 0.02 52.74 ± 0.03 67.69 ± 0.02 27.31± 0.04 23.90 ± 0.05 10 9.91 10-10 19.39 0.214 ± 0.004 0.209 ± 0.004 4.570 ± 0.008 63.52 ± 0.03 52.61 ± 0.04 67.81 ± 0.03 27.19 ± 0.05 23.86 ± 0.06 40 7.49 10-10 39.04 0.217 ± 0.004 0.205± 0.004 4.559 ± 0.008 63.61 ± 0.03 52.75 ± 0.03 67.59 ± 0.03 27.30± 0.05 23.90 ± 0.06 75 3.56 10-10 71.01 0.211 ± 0.004 0.223 ± 0.004 4.574 ± 0.008 63.73 ± 0.03 52.61 ± 0.03 67.66 ± 0.03 27.36 ± 0.05 23.90 ± 0.06 100 1.15 10-10 90.63 0.2215± 0.004 0.215 ± 0.004 4.556 ± 0.008 63.42 ± 0.03 52.90± 0.03 67.51 ± 0.03 27.37 ± 0.05 23.89 ± 0.06 120 6.58 10-11 94.65 0.209 ± 0.004 0.207± 0.004 4.579 ± 0.008 63.59 ± 0.03 52.59 ± 0.03 67.64 ± 0.03 27.32 ± 0.05 23.89 ± 0.06 140 4.36 10-11 96.45 0.211± 0.004 0.211 ± 0.004 4.553 ± 0.008 63.74 ± 0.03 52.76 ± 0.04 67.56 ± 0.03 27.36 ± 0.05 23.90 ± 0.06 160 2.89 10-11 97.65 0.207± 0.005 0.226± 0.005 4.597 ± 0.009 63.74 ± 0.03 52.64 ± 0.04 67.71 ± 0.03 27.31 ± 0.06 23.84 ± 0.06 180 1.28 10-11 98.96 0.202± 0.005 0.214± 0.005 4.579 ± 0.009 63.74 ± 0.04 52.81 ± 0.04 67.82 ± 0.04 27.40 ± 0.06 23.90 ± 0.07 200 4.42 10-12 99.64 0.215± 0.005 0.208± 0.005 4.582 ± 0.009 63.74 ± 0.04 52.70 ± 0.04 67.74 ± 0.04 27.30 ± 0.06 23.93 ± 0.07

Table III-2 : Evolution de la quantité de 130Xe adsorbé et du rapport isotopique 130Xe/136Xe en fonction du nombre de cycles effectués sur de la montmorillonite. Le temps d'adsorption est de 15 min et celui de pompage de 5 min.

Chapitre III. Adsorption élémentaire et isotopique 0.990 0.995 1.000 1.005 1.010

(

136

Xe/

130

Xe)

Fin

/(

136

Xe/

130

Xe)

Ini

f (fraction de xénon restante)

1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0

pente = - 2 10- 4

2σ = 5.5 10− 3

Fig. III-10 : Evolution du rapport isotopique 136Xe/130Xe en fonction de la quantité de xénon restant dans le système. La pente permet de déterminer le coefficient de fractionnement minimal pour l'adsorption de xénon sur la montmorillonite.

II-4 Conclusions

Si les mécanismes d'adsorption peuvent concentrer une très grande quantité de gaz rares à la surface d'un solide, les expériences montrent qu'ils ne semblent pas induire de fractionnement isotopique décelable même dans le cas d'une distillation de Rayleigh. Ces résultats ont plusieurs implications sur le piégeage des gaz rares dans la matière organique des météorites. Ils ne permettent pas d'écarter la possibilité d'un fractionnement des gaz rares P1 dans la phase gazeuse. Cependant, l'adsorption ne semble pas être le mécanisme physique à l'origine de celui-ci. De plus, les gaz rares sont quasi uniquement localisés dans la matière organique des météorites. Les échantillons minéraux étudiés présentent des capacités d'adsorption très importantes et largement supérieures à ceux déterminés pour différentes matières organiques. Ces résultats impliquent l'absence d'argile et de ferrihydrite dans la nébuleuse protosolaire si les mécanismes d'adsorption sont à l'origine de l'incorporation des gaz rares P1 dans la matière organique des météorites. Ils sont en bon accord avec les calculs

thermodynamiques qui prédisent des taux de formation trop lents pour les silicates hydratés et les oxydes de fer dans la nébuleuse protosolaire (1-10 Ma, Fegkey Jr, 2000).

Il semble donc possible que l'adsorption ait pu jouer un rôle important dans la concentration des gaz rares à la surface des solides organiques dans la nébuleuse. Cependant, il est peu probable qu'elle soit à l'origine de toutes les caractéristiques des gaz rares P1. Outre l'absence de fractionnement isotopique, la très forte rétention des gaz rares observée dans la matière organique insoluble semble difficile à reproduire par un mécanisme d'adsorption. Il est nécessaire de le coupler à un mécanisme supplémentaire comme la diffusion ou la croissance cristalline contemporaine de l'adsorption afin de pouvoir expliquer la relâche des gaz à très haute température par pyrolyse (e.g., 1100°C; Huss et al., 1996).

Chapitre IV : Interlayer trapping of noble gases in IOM

Chapitre IV

Interlayer trapping of noble gases in insoluble