• Aucun résultat trouvé

La naissance des systèmes stellaires dans l'univers reste encore aujourd'hui mal comprise et de nombreuses interrogations persistent quant à leurs conditions de formation. Cependant, les observations infrarouges et millimétriques des étoiles jeunes ont permis d'élaborer un scénario de formation des étoiles de type solaire (Shu et al., 1987; André et al., 2000). Il est généralement admis que les systèmes stellaires résultent de l'effondrement de nuages moléculaires composés à plus de 99 % d'hydrogène et d'hélium (Fig. I-13a). Ces nuages, d'une température de 30 à 50K et d'une masse de 104

à 106

M (M = masse solaire), vont se fragmenter en cœurs denses indépendant les uns des autres (Fig. I-13b). L'effondrement gravitationnel a pour conséquence la formation d'une protoétoile par accrétion de gaz au centre du cœur dense depuis l'enveloppe. Un disque central de 200-300 U.A. de rayon (Unité Astronomique = distance Terre-Soleil) se forme en raison de la rotation de l'enveloppe (Fig. I-13b). La durée de cette phase, relativement rapide, est estimée à environ 105

ans. La protoétoile en formation utilise la quasi totalité de la masse disponible dans l'enveloppe (Fig I-13c). Les restes de celle-ci sont chauffés par la protoétoile centrale et constitue un disque circumstellaire de centaines d'UA de rayon qui continue à alimenter la protoétoile centrale. Cette phase dure environ 105

ans et permet d'atteindre des conditions de pression et de température suffisantes pour provoquer la mise en route des réactions de fusion thermonucléaire (Fig. I-13c). La fin de la phase protostellaire correspond au moment où l'enveloppe a totalement disparu. Il ne subsiste qu'un disque d'accrétion de masse variable (10-3

- 0.1 M) qui correspond au stade T-Tauri classique. L'étoile ainsi constituée devient visible optiquement et rentre dans le cadre de la séquence principale du diagramme de Herzsprung-Russell (Fig. I-13d).

Chapitre I. Introduction générale

Fig. I-13 : Scénario généralement admis pour la formation du système solaire. (a) Fragmentation en cœurs denses d'un nuage moléculaire parent. Chaque cœur dense isolé va donner naissance à un système stellaire. (b) Le cœur dense isolé subit un effondrement gravitationnel qui va concentrer la matière au centre et provoquer la mise en rotation du système. (c) La matière accrétée au centre du système va subir une augmentation de pression et de température jusqu'au stade où ces conditions sont suffisantes pour enclencher les réactions de fusion thermonucléaire. (d) La protoétoile constituée à 90 % de la masse de l'étoile finale est entourée par un disque d'accrétion de gaz et de poussières (≈ 99% - 1 %) provenant des restes du nuage moléculaire parent. Ce stade d'évolution de l'étoile correspond au stade T-Tauri et l'ensemble (étoile + disque d'accrétion) correspond au stade dit de nébuleuse protosolaire (NPS).

Ce stade où l'étoile, formée à 90 %, est entourée d'un disque circumstellaire d'accrétion correspond au stade dit de nébuleuse protoslaire (NPS). La formation des premiers objets solides du système solaire, tels que les inclusions réfractaires et les chondres, ainsi que l'accrétion des corps parents des météorites ont lieu lors de l'évolution de la nébuleuse protosolaire. Lors de ce stade, le disque d'accrétion continue d'alimenter l'étoile centrale et présente une structure et une évolution thermique très différentes du nuage moléculaire. La structure thermique du disque d'accrétion est fortement corrélée au taux d'accrétion de masse correspondant au flux de masse du disque vers l'étoile centrale. Les forts taux d'accrétion de

masse (10-5

M/yr), correspondant à un disque jeune, massif et riche en poussières, engendrent des températures très élevées, suffisantes pour vaporiser une partie du matériel du disque (e.g., silicates, Fig. I-14, Bell et al., 1997,1999; Bell, 1999). A ce stade d'évolution, la nébuleuse est considérée comme turbulente (Dubrulle et al., 1995; Drouart et al., 1999, Bockelée-Morvan et al., 2002). Les observations et les modèles ont montré que ce taux d'accrétion de masse décline rapidement (e.g., 2. 105

ans) pour atteindre des valeurs de 10-8 -10-9

M/yr, qui correspondent à des températures de l'ordre de 20-60 K à 3 UA (eg., zone de formation des météorites, Fig. I-14).

Fig. I-14: Modèle des températures régnant dans la nébuleuse protosolaire en fonction du taux d'accrétion de masse et de la distance au soleil. D'après Bell et al. (1999). La zone estimée de formation des météorites (≈ 3 AU) présente une amplitude thermique considérable liée à la baisse du taux d'accrétion de masse. A la vue des modèles et des observations astronomiques, celui-ci semble chuter très rapidement (e.g., 105 ans) entraînant une baisse rapide de la température des disques d'accrétion.

Ainsi, au contraire des nuages moléculaires qui présentent des températures très froides, le stade de nébuleuse protosolaire est caractérisé par une amplitude thermique très importante au cours de son évolution (Boss, 1993; Hartmann et al., 1998; Woolum & Cassen, 1999; Humayum & Cassen, 2000). De ce fait, de nombreux processus physico-chimiques ont pu

Chapitre I. Introduction générale

prendre place lors de l'évolution de la nébuleuse protosolaire mais également en amont, dans le nuage moléculaire parent (Fig. I-15).

Fig. I-15 : Représentation schématique de l'évolution temps-températures du nuage moléculaire parent jusqu'au stade de nébuleuse protosolaire. Les éventuels processus physiques pouvant être à l'origine du piégeage des gaz rares P1 dans la phase Q sont reportés sur ce schéma.

Dans le cas des gaz rares, la similitude des patrons d'abondance élémentaire et isotopique dans le résidu acide de différents types de météorites peut être interprétée comme l'existence d'un mécanisme unique à l'origine du piégeage des gaz rares P1 (Busemann et al., 2000). Cependant, le grand intervalle de température, mais également de pression et de temps entre le milieu interstellaire, le nuage moléculaire et la nébuleuse protosolaire, offre un éventail important de mécanismes plausibles pouvant reproduire ce piégeage. Quels processus

physiques choisir pour étudier l'incorporation des gaz rares dans la matière organique?

De plus, la structure de la matière organique insoluble reste encore aujourd'hui indéterminée.

Dès lors, quels types d'échantillons tester comme possible précurseur? J'ai décidé au

cours de cette thèse de me focaliser sur des mécanismes physiques ayant pu avoir lieu durant l'évolution de la nébuleuse protosolaire. Une expérience chimique de solvatation a également été menée sur le résidu acide insoluble d'Orgueil (CI) afin de mieux comprendre la localisation des gaz rares P1 et les mécanismes possibles à l'origine de leur incorporation dans la phase Q. Ainsi, trois processus physiques ont été testés afin de reproduire les caractéristiques des gaz rares P1 piégés dans la phase Q : l'adsorption, la condensation et le changement de phases (Fig. I-15). Ces expériences ont été effectuées sur des échantillons

variés, régulièrement proposés dans la littérature comme précurseur de la phase Q ou plausibles à la vue des connaissances actuelles de sa structure. Les expériences d'adsorption basse pression ont ainsi été réalisées sur des échantillons de kérogène, de particules de noir de carbone, de ferrihydrite et de montmorillonite. Elles ont été réalisées en collaboration avec le Laboratoire Environnement et Minéralurgie (LEM) de Nancy. Les résultats seront présentés dans le chapitre III, en association avec ceux obtenus dans le cadre d'une expérience développée au CRPG afin de quantifier un éventuel fractionnement isotopique lié à l'adsorption. Afin de comprendre la localisation des gaz rares P1 dans la phase Q une expérience de solvatation a été menée sur le résidu acide d'Orgueil. Les résultats, présentés dans le chapitre IV, m'ont amené à tester deux nouveaux processus physiques par la suite. Une expérience de sublimation-condensation d'anthracite dans une atmosphère de xénon partiellement ionisé a été effectuée à l'aide du Nébulotron III (Tissandier et al., 2002). Elle a pour but de quantifier un éventuel fractionnement isotopique du xénon par ce mécanisme ainsi que la possibilité de former les di-radicaux observés dans le résidu acide des météorites (chapitre V). Une dernière expérience a consisté à chauffer des nanodiamants dans une atmosphère de xénon afin de quantifier le rendement de piégeage de ce changement de phases et le lien génétique possible entre les nanodiamants et la phase Q. Les résultats sont présentés dans le chapitre VI. La réalisation de ces expériences a nécessité l'utilisation de nombreuses méthodes expérimentales et analytiques. Les méthodes analytiques seront développées dans le chapitre II tandis que les protocoles expérimentaux seront détaillés au fur et à mesure dans les chapitres suivants.

Chapitre II. Méthodes Analytiques

Chapitre II