• Aucun résultat trouvé

PROTOCOLE D'EVALUATION ANNEXE A LA CIRCULAIRE TAUBIRA

Dans le document Dans l'intérêt supérieur de qui ? (Page 63-66)

devenu un examen approfondi de la demande de reconnaissance de la minorité et de l’isolement

PROTOCOLE D'EVALUATION ANNEXE A LA CIRCULAIRE TAUBIRA

L'évaluation est destinée à s'assurer de la minorité du jeune et de sa situation d'isolement sur le territoire français Les entretiens sont conduits avec le jeune par un personnel qualifié

dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire

L'évaluation se déroule dans une langue que comprend le jeune si nécessaire avec le recours d'un interprète

Le jeune doit être informé des objectifs et des enjeux de l'évaluation Points de vigilance :

- L'aspect linguistique

- La qualité et la formation des évaluateurs (la pluridisciplinarité est essentielle) - La nécessité d'un avis de plusieurs évaluateurs

ou d'une évaluation plurielle en cas de situation complexe

Circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers

La plupart des jeunes interrogés à Paris évoquaient la tenue d’un unique entretien139 avec une

personne qu’ils n’avaient jamais rencontrée auparavant. Il est possible donc de nous interroger sur la qualité de la relation de confiance engagée entre l’évaluateur et le jeune évalué. Le formalisme des entretiens et l’absence de travail de long court placent les jeunes dans des positions inconfortables, emplies d’anxiété et d’appréhension, sur lesquelles ils revenaient lors de nos entretiens.

« Parfois on est trop stressé, du coup on fait des erreurs. En Afrique, on n’a pas l’habitude des entretiens comme ça donc ça nous panique » Amadou, 16 ans « Quand on voit l’enquêteur140, on a peur. Donc quand il nous pose des questions on n’arrive pas à

répondre » Ousmane, 17 ans Compte tenu des biais introduits par la méthode de l’entretien, de leur formalisme et de leur nombre insuffisant pour permettre de fonder un avis circonstancié, il convient de penser à des méthodes alternatives de recueil d’informations. Ces méthodes ne peuvent être envisagées qu’en repensant les modes de prises en charge, d’hébergement et d’accompagnement durant cette phase d’évaluation141. Une représentante du Défenseur des Droits interrogée préconisait

ainsi « un système de mise à l’abri dans un foyer spécialisé et d’utiliser les 5 jours de recueil administratif, pour affiner l’évaluation sur le comportement du jeune, sur des vraies observations socioéducatives142 et non pas un entretien d’une heure »143. L’organisation d’entretiens de courte

durée couplée à l’arrangement de discussions informelles avec le jeune, dans le cadre d’une prise en charge éducative, optimiserait également en partie la consistance des données recueillies. D’autres sources d’informations, notamment les membres de la famille ou les proches, si leur sollicitation ne compromet pas l’intérêt du jeune, pourraient être mobilisées en vue d’apporter des éléments supplémentaires en faveur de la détermination de ses besoins. L’une des clés de compréhension du contexte de l’évaluation sociale réside également dans l’analyse des temporalités incluses dans celle-ci. La trop faible amplitude du temps alloué au processus, constatée dans certains territoires, ne permettait pas d’établir une évaluation rigoureuse de la situation des jeunes. L’établissement d’une relation de confiance sous-entend l’inscription des modes de prise en charge dans des temporalités plus étendues que celles prévues par un recueil provisoire d’urgence de cinq jours. Cette période avait été pensée comme visant à protéger les mineurs d’un danger immédiat (réel ou supposé) et non comme visant à déterminer l’âge et la situation d’isolement d’un jeune144. La CNCDH, dans un avis du

26 juin 2014, soulignait l’insuffisance de cette période pour établir une évaluation rigoureuse de l’âge et des besoins du mineur dans la majorité de situations145.

139 Cette information a été infirmée par les représentants de la PAOMIE lors de notre entretien à Paris le 8 novembre

2015.

140 La dénomination utilisée par ce jeune pour qualifier l’évaluateur lors de notre échange est particulièrement

révélatrice des perceptions qu’il développe quant à la posture que celui a adoptée et le cadre contextuel de l’entretien. Lors d’un atelier à Poitiers, un jeune avait évoqué ‘l’inspectrice’ pour désigner la personne qui s’était entretenue avec lui, révélant involontairement l’atmosphère qu’il avait perçue lors de l’entretien social.

141 Que nous décrirons Partie 2, Section 1, 3. A.

142 La mise en place d’observations socio-éducatives a été observée à Marseille pour les jeunes migrants fréquentant

l’accueil de jour du SAAMENA.

143 Extrait d’entretien avec une Chargée de mission auprès du Défenseur des Droits, Paris, 26 novembre 2014. 144 Voir l’article L223-2 du CASF.

145 COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L’HOMME – CNCDH (2014), Avis sur la situation des

« - Dans le délai de 5 jours, on essaye de faire en sorte que cette évaluation soit faite. Le délai est une autre difficulté, un peu court pour rentrer dans le détail du récit, déterminer si l’âge allégué est bien l’âge du jeune. - Y a-t-il une prolongation du délai parfois ? - Ça arrive mais le moins souvent possible. On voit que parfois on n’arrive pas à respecter

ces délais » Extrait d’entretien avec un représentant de la Maison du Jeune Réfugié, Saint Omer Une autre tendance observée consistait en l’allongement excessif de la période d’évaluation. Les mineurs isolés étrangers, majoritairement âgés de 16 à 18 ans lors de leur arrivée, doivent s’inscrire dans des parcours de protection et d’insertion rapides et efficaces dans la mesure où l’accès à la majorité intervient tel un couperet146. Les difficultés auxquelles ils sont confrontés

dans la reconnaissance de leur statut allongent les délais avant l’avènement d’une prise en charge effective indispensable à la construction de leur projet en France. À Marseille comme à Poitiers, le manque de moyens humains et/ou la lenteur des temps de traitement administratif et institutionnel instaurent des durées d’évaluation excessives pouvant s’étendre sur plusieurs mois.

À Paris, le collectif ADJIE147 a constaté une diminution notable du laps de temps nécessaire à la

tenue de l’entretien chez les jeunes accompagnés par l’association (22 jours en moyenne en 2014 ; 11 jours de janvier à juillet 2015 pour l’ensemble des dossiers suivis par l’association). Cette tendance est confirmée par les responsables de la PAOMIE qui justifient cependant la persistance de la longueur des délais par l’affluence significative des jeunes sur le territoire parisien. Il convient, en conséquence, de préconiser la mise en œuvre d’une évaluation dans un délai ‘raisonnable’, ni trop court pour ne pas précipiter le résultat et permettre de fonder un avis circonstancié et raisonné, ni trop long pour éviter de compromettre la mise en œuvre rapide d’une protection durable et de maintenir le jeune dans une protection administrative précaire sans que l’autorité judiciaire en soit informée. Certains cas particuliers demanderont un temps plus long que d’autres.

Conformément à la Circulaire du 31 mai 2013148, un interprète peut assister le jeune lors de

son entretien d’évaluation qui doit se dérouler dans une langue que ce dernier comprend. Pourtant, nous avons observé plusieurs biais liés à la désignation des interprètes. D’abord, plusieurs jeunes rencontrés déclaraient ne pas avoir bénéficié de l’assistance d’un interprète, alors même que leur niveau de langue française était très limité. Il s’agissait le plus souvent de jeunes nationaux de pays francophones d’Afrique de l’Ouest dont le niveau de maîtrise de la langue française n’était pas suffisant et qui jouissaient d’un niveau supérieur dans l’usage d’autres langues africaines. Concernant le rôle des interprètes lors des évaluations, les jeunes nous ont indiqué qu’ils ne se contentaient pas de traduire leur récit dans la mesure où ils intervenaient également dans l’entretien en posant des questions, en interprétant voire en modifiant leur discours avant d’émettre un avis auprès de l’évaluateur (« Il ne sait même pas le jour où il a quitté le Mali », « Il est plus âgé que moi ! »). Signalons enfin que les institutions chargées de l’évaluation sociale des jeunes isolés étrangers à Paris sollicitent les services d’interprétariat de l’entreprise qui intervient également auprès de l’OFPRA et de la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) ou encore à la demande de différents services de police et de justice.

146 Voir Partie 2, Section 2, 3.

147 Le Collectif ADJIE - Accompagnement et défense des jeunes isolés étrangers- est composé des organisations

suivantes : ADDE, ADMIE, CGT-PJJ, Collectif de soutien des exilés, Collectif de vigilance du 12eme, DEI-France, Famille Assistance, FASTI, GISTI, Hors La Rue, Journal du Droit des Jeunes, KOLONE, La CIMADE Ile de France, La Voix de l’Enfant, LDH, MRAP, RESF, Secours Catholique/ Caritas, Sud Collectivités territoriales du Conseil Général 93.

d. Analyse du fondement des doutes relevés lors de l’évaluation sociale

Au-delà de la forme, l’étude au fond des évaluations sociales a mis en lumière des pratiques préoccupantes au regard de la pertinence des éléments interrogés et de la manière dont le doute s’immisce dans le processus de recueil du récit des jeunes lors des entretiens. L’analyse des comptes rendus d’évaluation et des témoignages des jeunes interrogés ont révélé le fait que les critères évalués semblaient n’avoir que peu de sens au regard de l’exigence d’une évaluation des besoins qui devrait prévaloir sur une évaluation formelle de l’âge qui s’avère impossible et inadaptée. L’encadré 7 ci-dessous résume les critères évalués dans le cadre des évaluations sociales définis par le Protocole d’évaluation annexé à la Circulaire dite Taubira.

Nous décrirons dans cette partie les constats que nous avons établis sur les interprétations que font les évaluateurs de ces critères, tout en soulignant les nuances et la mesure qu’il semble nécessaire de réaffirmer à l’égard de la pertinence de ces interprétations. Quatre tendances préoccupantes principales caractérisent le processus de mis en doute des allégations des

Encadré 7

ELEMENTS A RECUEILLIR DANS LE CADRE DU PROTOCOLE D'EVALUATION

Dans le document Dans l'intérêt supérieur de qui ? (Page 63-66)