• Aucun résultat trouvé

AGIR DANS L’ISE DES MINEURS MIGRANTS ISOLÉS LORS DU PREMIER CONTACT

Dans le document Dans l'intérêt supérieur de qui ? (Page 56-59)

devenu un examen approfondi de la demande de reconnaissance de la minorité et de l’isolement

AGIR DANS L’ISE DES MINEURS MIGRANTS ISOLÉS LORS DU PREMIER CONTACT

Le respect de l’intérêt supérieur des jeunes se présentant auprès des services de protection commanderait l’application inconditionnelle de la présomption de minorité et du bénéfice du doute mais aussi une évaluation rapide des facteurs de risques auxquels ils sont exposés et des besoins en termes de protection qui y

sont liés par opposition

Une information claire, concise et adaptée devrait leur être fournie sur les possibilités de protection, les modalités de l’accueil et les procédures engagées ainsi que sur la qualité et le rôle des personnes adultes auxquelles ils ont affaire Ces personnes, en vue de parer aux craintes que les jeunes peuvent développer à l’égard des dépositaires de l’autorité, devraient toujours adopter une approche

par leurs services entre janvier et septembre 2015122. Enfin, selon les informations

communiquées par l’ancien responsable de la Cellule MIE au sein du Ministère de la Justice, entre le 1er juin 2013 et le 31 décembre 2014, sur un total d’environ 19000 candidats se

déclarant mineurs isolés, seuls 7600 (40% de demandes) auraient été évalués en tant que tels123.

D’abord, les proportions signalées ne nous semblent pas correspondre - sans nier l’existence de ces pratiques – au nombre des personnes majeures et/ou non isolées qui se présentent comme MIE pour bénéficier des mesures de protection associées à ce statut. En outre, nous avons pu identifier un nombre important de jeunes non admis au bénéfice de l’Aide sociale à l’enfance qui continuent à alléguer leur minorité dans des procédures contentieuses, et dont la situation nous apparaissait particulièrement préoccupante au regard du respect de leurs droits fondamentaux. Ces situations observées, autant que les témoignages recueillis dans le cadre des entretiens avec les professionnels relevant les imperfections des dispositifs d’évaluation, ont appuyé notre volonté d’étudier en profondeur les procédures appliquées. La rencontre de mineurs isolés étrangers pris en charge dans le cadre de la protection de l’enfance, après un refus initial, souligne également l’importance d’étudier ce processus. La procédure d’évaluation a été au cœur des préoccupations exprimées par les jeunes, soit parce qu’ils y étaient confrontés directement, soit parce que pris en charge, ils avaient subi et mal compris cette procédure ou ils avaient souvent eu connaissance au sein de leur cercle relationnel de jeunes qui avaient été exclus ou n'avaient pas pu accéder aux dispositifs de protection.

En outre, l’abondance de recommandations, lignes directrices et indications d’institutions internationales et nationales portant sur l’évaluation de l’âge des mineurs non accompagnés nous motivait à analyser les pratiques existantes dans le contexte français. Ainsi, l’Agence pour les droits fondamentaux de l’UE, dans un rapport sur les enfants séparés demandeurs d’asile dans les Etats membres de l’Union Européenne, soulignait que la majorité des enfants « craignaient les procédures d’évaluation de l’âge, étaient critiques à leur égard et [dans certains pays] étaient mal informés à ce sujet »124. Le Comité des Droits de l’Enfant, dans son

Observation Générale 6 souligne quant à lui que « l’intérêt supérieur de l’enfant doit (…) être un principe directeur dans la détermination du degré de priorité des besoins en matière de protection » et que « cette détermination requiert, entre autres, d’évaluer l’âge »125. Il souligne de

même le fait que l’évaluation « ne devrait pas se fonder sur l’apparence physique de l’individu mais aussi sur son degré de maturité psychologique », qu’elle doit être menée « scientifiquement, dans le souci de la sécurité de l’enfant, de manière adaptée (…) avec tout le respect dû à la dignité humaine, et [qu’] en cas d’incertitude persistante, le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé »126. Parmi les institutions françaises, le Défenseur des Droits, dans sa décision du 29

août 2014 s’était déclaré vivement préoccupé par les conditions de l’évaluation opérée à Paris, et recommandait que ce processus « soit guidé par l’intérêt supérieur de l’enfant et soit mené de manière bienveillante par des professionnels »127. Plus récemment, en février 2016, le Défenseur

des Droits a émis une nouvelle décision précisant ses recommandations concernant la procédure d’évaluation de la minorité et de l’isolement de ce collectif128.

Étant donné le caractère sensible et fondamental de la procédure d’évaluation, nous avons donc interrogé les jeunes isolés étrangers et les professionnels gravitant autour d’eux sur

122 Information recueillie lors d’un entretien réalisé avec les représentants de la PAOMIE le 8 octobre 2015 à Paris. 123 Ces informations ont été confirmées publiquement à plusieurs reprises par le même responsable, notamment

lors du Comité de Rédaction de l’association INFOMIE du 16 avril 2015 à Paris (les mêmes chiffres figurent sur le PV de cette réunion diffusé aux membres adhérents de l’association).

124 EUROPEAN UNION AGENCY FOR FUNDAMENTAL RIGHTS- FRA (2013), op.cit., p. 59. 125 COMITE DES DROITS DE L’ENFANT (2005), op.cit., par. 31.

126 Ibidem.

127 DEFENSEUR DES DROITS (2014), Décision du Défenseur des Droits MDE/2014-127 du 29 août 2014. 128 DEFENSEUR DES DROITS (2016), Décision du Défenseur des Droits MDE-2016-052 du 26 février 2016.

plusieurs de ses aspects. Il convient avant tout de nous intéresser au processus de protection administrative qui intervient en amont de la procédure judiciaire et qui permet au département de reconnaître ou non la minorité et la situation d’isolement des jeunes en vue de les admettre au titre de l’Aide sociale à l’enfance. Par une analyse de fond de l’évaluation sociale, nous nous interrogerons sur les acteurs chargés de la mettre en œuvre (en décrivant les liens entre secteur public et secteur privé associatif et les profils des évaluateurs) avant d’examiner les conditions du recueil d’information et les méthodes utilisées. Par une analyse du fond de l’évaluation sociale, nous nous interrogerons sur la pertinence des éléments considérés et décrirons les tendances observées dans la formulation de doutes quant à la minorité et l’isolement des jeunes se présentant en tant que MIE. Nous présenterons ensuite le processus d’adoption de décisions administratives de non admission au bénéfice de l’Aide sociale à l’enfance et nous questionnerons les conditions dans lesquelles ces décisions sont annoncées aux jeunes, la manière dont ceux-ci les interprètent autant que les obstacles qu’ils peuvent rencontrer lorsqu’ils les contestent.

Nous décrirons enfin les contours de l’intervention de l’autorité judiciaire ainsi que des expertises médicales et documentaires qui peuvent être ordonnées. Nous analyserons l’ensemble de ces résultats à la lumière des recommandations provenant des institutions internationales et nationales relatives au respect de l’intérêt supérieur de l’enfant lors de cette phase essentielle dans le parcours de protection des mineurs isolés étrangers.

Encadré 5

DISPOSITIONS RELATIVES A L’EVALUATION DES MINEURS ISOLES ETRANGERS

Dans le document Dans l'intérêt supérieur de qui ? (Page 56-59)