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La protection des terroirs viticoles périurbains par une régulation foncière

LES FACTEURS DE LA RESISTANCE VITICOLE

Encadré 3: Méthode et périmètre de l’observatoire du marché immobilier rural

2. LE RÔLE DE L’APPELLATION D’ORIGINE CONTRÔLEE COMME FACTEUR DE RESISTANCE A L’URBANISATION

2.3. LES POLITIQUES DE REGULATION COMME FACTEUR DE PROTECTION SUPPLEMENTAIRE A UNE VITICULTURE DE QUALITE

2.3.2. La protection des terroirs viticoles périurbains par une régulation foncière

Lecat [2006] estime, après une analyse comparée du zonage d’externalité et des instruments économiques, que la planification urbaine est une forme d’intervention publique plus opérationnelle qu’un système de taxes pigouviennes, et plus efficace qu’une fiscalité incitative uniforme. Les municipalités apprécient l’exercice de cette compétence pour l’étendue considérable des pouvoirs qu’elle confère. L’efficacité des POS (PLU) repose largement sur la flexibilité du zonage permis par les procédures de révisions et de modifications tandis que la concurrence intercommunale permet de limiter la sévérité des restrictions foncières. L’instauration d’une double planification stratégique (SDAUSCOT) et réglementaire (POS-PLU) permet de mieux gérer les effets externes inter juridictionnels sans renoncer à l’efficacité intra juridictionnelle. La concertation apparaît comme un moyen de réduire l’asymétrie informationnelle dont souffrent les autorités locales pour élaborer le POS (PLU) et constitue un autre avantage des POS sur la fiscalité.

L’adoption d’un document de planification urbaine marquant la volonté des municipalités de maîtriser leur développement urbain, une étude des différents documents d’urbanisme permettra de rendre compte de leur efficacité en matière de protection des espaces viticoles. L’exemple de l’aire urbaine de Bordeaux permettra de rendre compte de la pertinence en tant que champ d’étude et de sa complexité spatiale.

2.3.2.1. Le Plan Local d’Urbanisme

Les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) ont été institués par la loi Solidarité et Renouvellement Urbain du 13 décembre 2000. S’ils se substituent aux POS (Plans d’Occupation des Sols) dont ils conservent l’aspect réglementaire, ils ont également vocation à mieux exprimer le projet urbain d’un territoire donné. Dans ce cadre, les Communautés urbaines sont compétentes de plein droit pour élaborer ces dossiers.

Comme le Plan d'Occupation des Sols, il s'agit un document d'urbanisme réglementaire et à ce titre il détermine des zones constructibles ainsi que des zones de protection et de mise en valeur des espaces naturels ou des surfaces destinées à l'agriculture. Le PLU traduit dans un projet urbain, le développement souhaité du territoire. Ce projet, décrit au travers du document «Projet d'aménagement et de développement durable» (PADD), doit prendre en compte

• les politiques nationales et les grandes politiques communautaires ; • le Plan des déplacements urbains (PDU) ;

• le logement à travers le Programme Local de l’Habitat (PLH) ; • l’économie par la charte du développement économique.

Le droit des sols sur la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB) est régi par un Plan Local d’Urbanisme. Ce PLU a été élaboré à compter de 2002, approuvé le 21 juillet 2006 et rendu opposable à tous le 18 août 2006.

En croisant les enjeux de développement de l’agglomération avec les objectifs locaux définis par les 27 communes de la CUB, le plan local d’urbanisme s’inspire des formes urbaines existantes et privilégie une densification autour des centralités et des pôles d’échanges. Le projet du PLU approuvé par le Conseil de communauté en juillet 2006 s’inscrit clairement dans une logique de recomposition de la ville sur elle-même.

Le Plan local d’urbanisme développe le projet urbain communautaire en quatre parties : •le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) qui fixe les grands enjeux d’aménagement à 10 ans pour la Communauté urbaine ;

•le plan de zonage qui explicite le droit des sols et la vocation de chaque parcelle du territoire ;

•le règlement d’urbanisme qui précise les règles formelles et paysagères qui encadreront les aménagements à venir ;

•les orientations d’aménagement qui concernent les sites de projet en attente d’une vision plus aboutie sur les territoires les plus évolutifs de la Communauté urbaine de Bordeaux.

Les points forts du PADD communautaire, ciblés sur la limitation de l’étalement urbain et le renouvellement de la ville sur elle-même, s’organisent autour de l’habitat et la qualité urbaine, du développement économique, de la préservation des espaces naturels et des déplacements dans la ville.

Quatre axes fondamentaux définissent les priorités dans le PLU afin de répondre à la volonté d’accueillir des populations nouvelles dans un contexte économique et urbain favorable tout en valorisant l’identité et la diversité des quartiers :

• constituer une ossature prioritaire pour encadrer l’évolution urbaine ;

• promouvoir les sites d’intérêt métropolitain et privilégier la mixité fonctionnelle dans la ville ;

• bâtir une charpente d’espaces naturels pour valoriser et préserver le cadre de vie ;

• développer une offre de déplacements pour tous les modes de transports alternatifs à la voiture particulière.

Au niveau communal, la substitution du PLU au POS ne vient que conforter la nécessaire élaboration « d’un projet urbain de la commune en matière de traitement de l’espace public, du paysage et de l’environnement… le PLU sera davantage l’expression d’un projet de développement et d’aménagement que la simple définition de la destination générale des sols ». La délimitation des zones agricoles devient un instrument de limitation ou de maîtrise de l’urbanisation pour les communes confrontées à une forte pression de la demande résidentielle en périurbain.

La délimitation des zones agricoles et même dans certains cas l’élaboration de véritables politiques agricoles territoriales sont des outils au service de cette politique. Noyées autrefois dans l’ensemble des zones naturelles – entité très hétérogène qui comprenait aussi les zones d’urbanisation future ou les espaces forestiers – les zones agricoles font aujourd’hui l’objet d’un classement spécifique «A» correspondant strictement à l’activité agricole. La délimitation de ces zones agricoles est donc un enjeu majeur de maîtrise de l’urbanisation. L’objectif est d’assurer la préservation du moyen de production que demeure le sol, mais aussi de faire entretenir par les agriculteurs des terrains qui n’ont pas vocation à être urbanisés mais à être utilisés aussi comme réserves de nature ou de paysage. Cette volonté politique locale peut aller jusqu’à proposer et cofinancer des

actions en faveur des exploitants : installations de jeunes agriculteurs, réserves foncières agricoles, soutien à la commercialisation des produits locaux, diagnostics territoriaux. Ces initiatives ne donnent guère lieu à conflit, elles reposent sur une alliance entre les agriculteurs et d’autres groupes sociaux locaux qui peuvent eux aussi avoir intérêt à sauvegarder l’agriculture ou son espace. Ces liens peuvent effectivement se nouer avec des nouveaux habitants désireux de lutter contre une politique d’urbanisation dont ils ont été les premiers à bénéficier, mais dont ils souhaiteraient être les seuls à profiter. L’alliance s’effectue néanmoins sur un malentendu ou une ambiguïté : c’est moins la défense de l’activité agricole qui en constitue le ciment que la lutte contre l’urbanisation et la volonté de préserver un cadre de vie « rural ». Cette défense du cadre de vie s’est cependant traduite par la valorisation de la villa individuelle isolée sur sa parcelle de 1 000 ou 1 500 m2, au détriment de la densification rappelant par trop le cadre de vie « urbain », et a contribué à l’étalement urbain. La politique malthusienne de protection contre l’urbanisation favorise un renchérissement du foncier et un report de la pression urbaine vers des zones moins coûteuses et plus éloignées de l’agglomération centrale. Bon nombre de communes ont dû ainsi accueillir des populations que d’autres ne voulaient plus ou ne pouvaient plus accueillir compte tenu des niveaux atteints par le prix foncier, et sont aujourd’hui confrontées à leur tour à la maîtrise de leur urbanisation.

2.3.2.2. Le Schéma Directeur

Les différentes approches des espaces périurbains et des régions urbaines auxquelles ils appartiennent témoignent de la difficulté de saisir les dynamiques périurbaines. Ces espaces sont appréhendés soit par un rapport dynamique entre population et emploi sur la base de la définition INSEE [NSEE/INRA, 1998] et des déplacements domicile - travail, soit par la diversité territoriale, grâce à un ensemble de critères pondérés [Briquel, 1999], critères de proximité géographique, critères de relations économiques et institutionnelles, complémentarité en termes d’offre de services. Une troisième approche est définie, à partir des enjeux économiques, sociaux et spatiaux à moyen terme de ces régions urbaines [Vaudois, 1996]. Elle est centrée sur des périmètres de projets d’aménagement et de développement, couverts par un document d’urbanisme ou liés à des politiques concertées, définies par exemple par une communauté de communes, ou une communauté d’agglomération. Ce cadre permet de poser les termes premiers des enjeux qui se jouent sur

les usages de l’espace et de situer les tensions en proximité géographique de la ville dense et par rapport à celle-ci.

Trois enjeux majeurs sont classiquement reconnus. Le premier concerne l’habitat qui génère, par la dynamique démographique périurbaine et l’habitat individuel, une emprise croissante sur l’espace. Au regard du recensement général de la population de 1999, 1/5 de la population française réside dans le périurbain ; entre 1990 et 1999, les communes périurbaines ont connu une évolution démographique positive : solde migratoire 0,6 % par an et -0,09 % pour l’ensemble de l’espace à dominante urbaine [Détang-Dessender et Piguet, 2003]. Le second porte sur l’emploi. Celui-ci demeure concentré en 1999, 72 % des emplois étaient situés dans les pôles urbains ; les communes périurbaines en rassemblaient 9 % [Hilal et Schmitt, 2003]. Enfin, le troisième enjeu est une ségrégation sociale de l’espace de plus en plus marquée dans les régions urbaines. Celles-ci s’opèrent entre certains quartiers des communes centres, certaines communes de banlieue et le reste de la région urbaine d’une part, et au sein même des secteurs périurbains d’autre part. En périurbain, le revenu communal moyen par foyer fiscal progresse plus à proximité des agglomérations centrales, les cadres ayant des localisations plus centrales que les ouvriers [Cavailhès et Selod, 2003]. Dans l’arbitrage entre coût de transport et coût du foncier, d’autres facteurs interviennent dans cette hétérogénéité sociale de l’espace, comme les aménités rurales et les services à la population. Dans un contexte de prise en compte de la nécessité de gérer l’espace de façon plus économe et face à l’accélération des changements d’usage de l’espace, c’est donc la tension entre les types de développement résidentiel et la localisation plus ou moins polarisée de l’emploi, confortant ou limitant la ségrégation socioprofessionnelle, qui va nourrir les projets de développement et d’aménagement.

Fondé sur un principe de dialogue, de concertation et de négociation, le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) valant SCOT (schéma de cohérence territoriale) définit, sur une aire couvrant 91 communes (les 27 communes de la Communauté Urbaine de Bordeaux et 64 communes hors CUB), les ambitions et les orientations d’un projet de développement durable pour l’agglomération à l’horizon 2020. L’approbation en 2001 du Schéma directeur de l’aire métropolitaine bordelaise, valant SCOT, fixe à l’horizon 2020 les grandes orientations stratégiques d’aménagement et de développement sur un territoire couvrant 91 communes et 820 000 habitants. Le Schéma directeur définit ainsi le cadre de référence de développement de l’agglomération. Tout

document d’urbanisme produit par les collectivités, comprises dans son périmètre, doit lui être compatible.

La difficile maîtrise de la croissance urbaine étant, la limite de l’étalement urbain périphérique doit se faire en recentrant le développement sur le cœur de l’agglomération et les centralités périphériques afin de préserver et valoriser les espaces naturels. Le point fort de ce document tient en effet à sa protection et sa mise en valeur de la charpente naturelle et paysagère qui entoure l’agglomération, et notamment son vignoble (cf carte 3). L’impact économique et spatial de la viticulture bordelaise a conduit à une délimitation fine et précise des territoires à protéger de toute incursion de l’urbanisation.

Face aux enjeux économiques portés par la viti-viniculture sur le département, son intégration dans le processus de développement économique de l’aire métropolitaine se veut totale et pouvant participer aux coupures de l’urbanisation au travers d’une sanctuarisation des terroirs viticoles.

Le terroir classé AOC a ainsi été préservé non sans une exclusion des parties urbanisées, s’appuyant sur une hiérarchisation des espaces selon des critères historiques et de qualité des sols. De plus, certains territoires potentiellement non classés actuellement en AOC ont suscité une protection publique sous forme d’une sanctuarisation. Cependant, le Schéma Directeur a prévu des zones d’extension urbaine dans des secteurs classés AOC mais non sanctuarisés, non sans exclure la protection de certaines parcelles viticoles au moment de l’élaboration des POS, en fonction des réalités foncières et économiques locales. Le document d’urbanisme prévoit enfin que les autres terroirs AOC soient classés en espaces agricoles avec la recommandation de limiter la présence de zones NB (zones principalement destinées à l’habitat individuel) dans les futurs POS, afin d’éviter le mitage et les difficultés d’exploitation liées à la proximité de construction à usage d’habitation. Ces territoires non couverts par ce type de réglementation fait tout de même l’objet d’une protection spécifique au travers des « espaces naturels à protéger pour des raisons économiques, environnementales ou paysagères ». Ils restent certes partiellement aménageables mais leur préservation est prioritaire, compte tenu de leur usage actuel, de leurs potentialités et de leurs caractéristiques environnementales.

Les « espaces naturels majeurs » regroupent des zones strictement inconstructibles réservées à des fins exclusives d’exploitation agricole, viticole ou maraîchère, aux réserves naturelles et aux zones de protection des sources. Environ les trois quarts du vignoble actuellement planté sur l’aire du Schéma Directeur font l’objet d’une telle protection.