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Protection antipaludique conférée par les hémoglobinopathies: Données épidémiologiques (cas de

Chapitre I : Introduction

II- Hémoglobinopathies et paludisme : Cas de l’HbAS, de l’HbC et de l’α-thalassémie

3- Protection antipaludique conférée par les hémoglobinopathies: Données épidémiologiques (cas de

3.1- L’HbS et paludisme

Le portage à l’état hétérozygote de HbS (HbAS) est le mieux décrit de tous les traits génétiques associés à la protection contre le paludisme, archétype de polymorphisme équilibré. L’étroite superposition de sa distribution géographique avec celle du paludisme rapporté par de nombreux auteurs [112, 137-139], fut le premier argument en faveur de cette hypothèse. Cependant la première preuve irréfutable de la protection des sujet porteurs de trait drépanocytaire contre le paludisme sont venu des travaux d’Allisson [78, 140],. Il a rapporté l’existence d’un risque réduit de d’infection palustre chez les sujets porteur d’HbS dans les conditions d’exposition naturelles. Allisson a aussi démontré que ces sujets HbAS résistaient mieux au développement d’une infection palustre même après l’administration intraveineuse de grande quantité

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de GR infecté par P. falciparum [140]. Depuis, de nombreuses études ont été menées dont les résultats ont permis de confirmer l’hypothèse d’Haldane concernant l’HbS, en particulier la superposition de la répartition géographique des fréquences élevées de l’allèle HbS et de celle des prévalences élevés de paludisme passée et présente. Récemment, une étude a quantifié de façon statistique cette relation géographique entre l’HbS et le paludisme en Afrique mais pas en Amérique et en Inde [141]. Cela s’expliquerait par le fait que l’HbS n’est pas présente chez les populations autochtones d’Amérique et y a été introduite récemment avec la traite des noirs. En Asie, elle est confinée dans un petit nombre de tribus de l’Inde. Aussi de nombreuses études (Cas-Contrôles, de Cohorte ou d’association à base familiale) conduites dans diverses populations ont rapporté l’effet de protection de l’HbS contre le paludisme sur le plan clinique.

De façon générale, l’HbAS est associée à près de 50% de réduction de risque de faire une épisode de paludisme non compliqué, cette réduction pouvant atteindre jusqu’à 80% concernant le paludisme grave ou compliqué [77, 142-144]. Aidoo et collaborateurs ont rapporté une réduction d’environ 55% de la mortalité (toutes causes confondues) chez ces sujets HbAS de 6 à 16 mois dans l’Ouest du Kenya [82]. Tenant compte de la place du paludisme dans la mortalité des enfants dans cette région du monde, on peut imaginer aisément l’effet protecteur de l’HbAS contre la mortalité palustre. D’autres études ont rapporté l’incidence du paludisme grave chez les sujet HbAS. Cette incidence était réduite de 71% dans la première étude [143] alors que la réduction atteignait 83% dans la seconde [143]. Ackerman et collaborateurs sur la base d’analyse cas-contrôle avait trouvé une incidence de 0.011% chez les sujet HbAS contre 0.087% dans le groupe contrôle [145]. L’effet de protection de l’HbAS contre le paludisme grave concerne la presque totalité des formes graves du paludisme allant du neuropaludisme à l’anémie grave [80]. Concernant les épisodes palustres non compliqués, de multiples études prospectives ont décrit une réduction du risque liée à l’HbAS [143, 146-149]. En plus de la réduction du risque de paludisme, Crompton et al ont rapporté un retard de plus de 30 jours dans l’avènement du premier épisode de paludisme chez les sujets HbAS, au cours d’une saison de transmission, comparé à un

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groupe contrôle de sujets HbAA vivant dans les mêmes conditions d’exposition au paludisme. [150]. Cette observation a été récemment confirmée [151]

En revanche, les études du portage asymptomatique de P. falciparum chez les sujets HbAS comparé au sujets HbAA ont donné des résultats contradictoires. Quelques études ont rapporté des prévalences plus faibles du portage asymptomatiques chez les sujets HbAS [140] [152, 153]. Billo MA et collaborateurs en plus de rapporter une faible incidence de l’infection asymptomatique palustre chez les sujets HbAS avaient aussi trouvé que ces sujets éliminaient plus rapidement leurs parasites en absence de tout traitement avant même l’apparition des symptômes [154]. Beaucoup d’autres études ont par ailleurs trouvé des prévalences de portage asymptomatique similaires entre les sujets HbAS et HbAA [146, 155-162]. D’autres études ont rapporté que la prévalence du portage asymptomatique du parasite apparaissait plus élevées chez les sujets HbAS [163, 164].Ces observations viennent d’être confirmées encore par une importante étude prospective chez les enfants de moins de 5 ans au Mali [151]. Ntoumi et collaborateurs ont rapporté une prévalence élevée d’infections multiples à

P. falciparum chez les sujets HbAS [165]. Dans ces études de prévalence de

paludisme asymptomatique, les parasitémies chez les sujets HbAS étaient soit plus faibles soit similaires à celles observées chez les sujets HbAA. Dans une importante étude prospective au Mali, il a été rapporté une réduction de 150 parasites/µl de la parasitémie chez les sujets HbAS malades comparés au sujets HbAA malades. Cette même étude rapportait une réduction de 34% de l’incidence du paludisme chez les sujets HbAS par rapport au sujet HbAA [79].

En résumé, la protection conférée par l’HbAS contre le paludisme varie en fonction des divers aspects de l’infection palustre. Elle est très forte contre les formes graves du paludisme comme le neuropaludisme et l’anémie grave, modérée contre les accès simples de paludisme et presque nulle contre les infections asymptomatiques. On note aussi un allongement de l’incubation du paludisme chez les sujets HbAS.

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Figure 6: Distribution globale de l’allèle S et du paludisme.

Source : Piel et al Nat. Commun 2010 [141]

3.2- L’HbC et paludisme

La protection conférée par l’HbC contre le paludisme est relativement moins explorée que celle due à l’HbAS. Cela s’explique certainement par le fait que la distribution de l’HbC est beaucoup plus restreinte sur le plan géographique. Les premières investigations dans ce sens ont débuté depuis les années 50. Cependant, il faut attendre jusqu'à la fin des années 90 pour que les premières éléments scientifiques et épidémiologiques robustes soient rapportés. En effets les toutes premières études épidémio-cliniques portant sur la relation entre l’HbC et le paludisme n’avaient pas trouvé de liaison entre cette hémoglobinopathie et la protection contre le paludisme

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[155, 163, 166]. L’association entre l’HbC et la protection contre le paludisme fut décrite pour la premières fois en 2000 chez les dogons du Mali, une population caractérisée par une forte prévalence l’HbC et une faible prévalence de l’HbS. En effet, Agarwal et ses collaborateurs ont rapporté que dans cette population, les sujets porteurs d’HbAC présentaient 29% de moins de risque de souffrir d’un neuropaludisme que les sujets HbAA. Cette étude n’a décelé aucun cas de neuropaludisme chez les 7 sujets HbCC inclus [83]. Un an plus tard, Modiano confirmait cette ces résultats dans une étude réalisée au Burkina Faso où il rapportait que l’HbAC et HbCC étaient respectivement associées à 29% et 93% de réduction de risque de paludisme [84].Cette protection a aussi été décrite par Rihet en 2004 au Burkina Faso [167]. Cependant, May et ses collaborateurs avaient trouvé que la protection conférée par l’HbC contre le paludisme concernait seulement le neuropaludisme et non les autres aspects du paludisme comme le paludisme simple ou même l’anémie sévère palustre [80]. Dans une récente étude prospective menée chez les enfants de 0 à 6 ans au Mali, l’HbC réduisait de 183 jours le temps médian que passaient les enfants sans paludisme comparé à l’HbAA [151].

3.3- α-Thalassémie et paludisme:

La protection des sujets porteurs d’α-thalassémie hétérozygote et homozygote contre les formes graves du paludisme a été étudiée par plusieurs investigateurs. Si certains n’ont pas trouvé d’association significative entre la forme hétérozygote de l’α-thalassémie et une protection contre le neuropaludisme [80], presque toutes ont rapporté la protection des sujets α-thalassémiques hétérozygotes et homozygotes contre l’anémie palustre grave [80, 85, 88]. D’autres auteurs ont toutefois trouvé une

En résumé, la protection conférée par l’HbC contre le est admise concernant le paludisme grave notamment le neuropaludisme. A la différence de l’HbS, cette protection revêt un caractère dose dépendant c'est-à-dire que l’état homozygote de l’HbC (HbCC) confère une protection beaucoup plus marquée que l’état hétérozygote HbAC. Cela s’explique par le faite que l’homozygotie HbCC est beaucoup moins symptomatique que l’homozygotie HbSS.

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réduction de l’incidence du paludisme grave chez ces sujets [86, 87]. Cependant les résultats des études relatives à la protection des sujets α-thalassémiques contre le paludisme simple ou asymptomatique sont moins concluants [86, 150, 168]. Une méta-analyse des données de ces trois études n’a révélé aucune protection contre le paludisme simple associée ni à α-thalassémie hétérozygote ni à α-thalassémie homozygote. [77].

La presque totalité des études n’ont pu observer une association entre l’α-thalassémie et une réduction de la prévalence du paludisme asymptomatique [87, 169, 170] ou même la parasitémie [171]. Cependant en utilisant la PCR pour apprécier le portage parasitaire, Lin a rapporté que P. falciparum circule moins fréquemment chez les sujets α-thalassémiques que chez les sujets contrôles [172]

3.4- Hémoglobinopathie et paludisme chez les femmes enceintes.

Très peu d’auteurs se sont intéressés à la relation entre les hémoglobinopathies et la protection contre le paludisme chez les femmes enceintes. Les résultats de ces études ne sont pas concluants. La plupart de ces études n’ont pas trouvé de protection associée aux hémoglobinopathies chez les femmes enceintes. Ainsi aucune différence n’a été observée en terme de prévalence de la parasitémie chez les entre sujets HbAA et HbAS multi-gestes au Nigeria [173]. Bouyou-Akotet et collaborateurs ont fait le même constat chez les femmes primo-gestes et seconde-gestes au Gabon [174]. Dans deux études au Ghana, une relation n’a pu être établie entre l’HbS, l’HbC ou l’α-thalassémie et la prévalence du paludisme chez les femmes enceintes [175]. La prévalence du paludisme était même plus élevée chez les femmes enceintes HbAS que les femmes enceinte HbAA en Uganda [176]. Une autre étude menée en Papouasie Nouvelle Guinée n’a retrouvé aucun lien entre l’α-thalassémie et les parasitémies placentaire ou maternelles. [177].

Toutefois ces études sont souvent confrontées à un problème de taille d’effectif donc de puissance analytique.

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Tableau 2: Tableau récapitulatif des études épidémiologiques sur les hémoglobinopathies et le paludisme

Aspect épidemio-clinique du paludisme

Hémoglobinopathies Protection références

parasitémie asymptomatique HbAS oui -Allison AC et al , 1954 -Colbourne et al, 1956, -Fleming et al, 1979 -Billo et al, 2012 -Lopera-Mesa et al , 2015

non -Willcox et al, 1981

-Edington et al, 1957 -Rigelhann, B et al, 1976, -Allen SJ et al, 1992 -Travassos MA et al, 2014 -Ntoumi F et al, 1997

HbC oui -Lin E et al, 2010

α-thalassémie

oui -Williams TN et al,

2005

-Wuamba S et al, 2006

non -Mockenhaup FP et al,

1999

-Allen SJ et al, 1993

Délaie d’apparition

HbAS oui -Crompton P et al, 2008

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de l’épisode rallongé 2014

HbC oui -Travassos MA et al,

2014

Charge parasitaire

HbAS oui -Lopera-Mesa T et al

2015, -Crompton P et al 2008

HbC oui -Rihet P et al 2004

α-thalassémie oui -Lin E et al 2010

non -Veenemans J et al

2008

Incidence paludisme symptomatique

HbAS oui -Taylor SM et al

-Williams TN et al 2005 -Jallow M et al 2009 -Ackerman H et al 2005 -Willcox MC et al 1981 -Kreuels B et al ,

HbC oui -Modiano D et al, 2001

-Rihet P et al, 2004

non -Edington GM et al

1957

-Ringelhann B et al, -Guinet F et al, 1997

α-thalassémie non -Williams TN et al,

2005

-Crompton P et al 2008 - Williams TN et al 1996

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Neuropaludisme

HbAS oui -May J et al, 2004

HbC oui -AgarwalA et al 2000

-Modiano D et al, 2001 -May J et al, 2004

Anémie palustre sévère

HbAS oui -May J et al, 2007,

HbC non May J et al, 2007

α-thalassémie oui May J et al, 2007

Paludisme chez la femme enceinte

HbAS non -Fleming AF et al 1984

-Bouyou-Akotet MK et al 2003 -Mockenhaupt FP et al 2000 HbC non -Bouyou-Akotet MK et al 2003

α-thalassémie non -Bouyou-Akotet MK et

al 2003

-O’Donnell A et al, 2006

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4- Mécanismes identifiées ou suspectées dans la protection conférée par les